Soin des aîné∙es : de nouveaux défis pour le service public communal

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Les politiques publiques locales en faveur des Anciens et Anciennes recouvrent désormais un très vaste domaine. Elles prennent des formes variées et deviennent, au fil des ans, un enjeu fondamental pour les communes. La démographie du pays fait apparaitre de plus en plus de défis et des questions nouvelles qui imposent de réfléchir en profondeur aux besoins spécifiques de ces habitant∙es. L’exemple de l’action municipale en direction des retraités à Fontenay-sous-Bois apporte des éléments d’analyse. Il s’agit d’un secteur sensible de la société, sur laquelle les récents scandales de maltraitance dans des maisons de retraite privées a apporté un éclairage cru, suivi d’une certaine prise de conscience.


Elu du Parti communiste français (PCF), Loïc Damiani est Adjoint au Maire de Fontenay-sous-Bois, délégué aux retraité∙es.


[Mairie de Fontenay-sous-Bois]
Après-midi festif [Mairie de Fontenay-sous-Bois]

Cet éclairage médiatique a montré, au plus profond, que sur des publics fragiles, le système économique actuel pouvait facilement dériver. Mais les enjeux autour des populations à la retraite vont bien au delà de révélations très rapidement oubliées. Un zoom territorial doit permettre de montrer l’actualité de questions nouvelles auxquelles sont confrontés les pouvoirs publics à tous les niveaux. Fontenay-sous-Bois est une ville située dans la proche banlieue Est de Paris. Elle compte plus de 53 000 habitant∙es, dont près de 20% de personnes âgées de 60 ans et plus. Les retraité∙es y sont donc près de 11 000. Cette partie numériquement importante de la population représente plus de deux générations, de la soixantaine à plus de 100 ans. Cette situation démographique est nouvelle par rapport à il y a 20 ou 30 ans. En effet, à cette époque, le nombre de retraités, de « vieux » était plus limité. Les progrès de la médecine, l’augmentation de l’espérance de vie et l’arrivée massive à l’âge de la retraite des enfants du baby boom ont considérablement modifié cette catégorie sociale. Dans la période précédente, les anciens semblaient une catégorie marginale, une partie de la population peu importante, comme une sorte d’angle mort des préoccupations sociales et sociétales. Aujourd’hui la donne a en grande partie changé, avec un cinquième du corps social contenant un grand nombre de personnes, pas seulement en fin de vie mais largement actives durant parfois des décennies. Une catégorie de citoyens et citoyennes qui, selon les démographes, devrait représenter près d’un tiers de la population en 2050 si l’on en croit les études de l’INSEE. Une ampleur tout à fait nouvelle qui oblige les décideurs, à tous les niveaux, à anticiper les fortes évolutions de ce public plus nombreux, et souvent fragile avec l’augmentation du grand âge. Question sociale importante lorsque l’on sait que 37% des retraité∙es touchent une pension mensuelle directe de moins de 1 000 euros nets. Des retraité∙es nombreux et nombreuses dont en tout cas les collectivités doivent s’occuper.


[Loïc Damiani]
Parmi les retraité∙es de Fontenay, il y a aussi certain∙es enfants d’exilé∙es politiques d’Uruguay, du Chili ou d’Argentine (photo de 1978), accueilli∙es au foyer, dont on retrouve voit une photo de 2015, à l’occasion d’un hommage à Jacques Damiani. [Loïc Damiani]
Parmi les retraité∙es de Fontenay, il y a aussi certain∙es enfants d’exilé∙es politiques d’Uruguay, du Chili ou d’Argentine (photo de 1978), accueilli∙es au foyer, dont on retrouve voit une photo de 2015, à l’occasion d’un hommage à Jacques Damiani. [Loïc Damiani]

A cet effet, depuis des années, la commune de Fontenay a mis en place un service public étoffé dont les missions sont basées sur deux types d’actions relevant de l’accompagnement et de la distraction. A ce niveau, le programme municipal de 2020 était clair dans ses objectifs politiques : « Elaborer un plan bien vieillir associant tous les acteurs locaux (publics, privés, associatifs, citoyens) pour lutter contre l’isolement des ainé-e-s ». Au sein du Centre communal d’action sociale (CCAS), ce ne sont pas moins de 66 agents et agentes qui se consacrent aux actions en direction des ainé∙es. La ville a mis en place un budget de plus de 1,5 million d’euros (dont environ 60 % pour les salaires). Le service retraité∙es de la mairie est organisé en deux branches : une chargée des loisirs au sens large et l’autre du maintien à domicile. La volonté est de promouvoir le bien vieillir à Fontenay, en répondant aux évolutions, afin que chacun puisse vivre une retraite active et heureuse. Reprenant la philosophie annoncée par Ambroise Croizat, il s’agit de faire en sorte que la retraite ne soit pas « l’antichambre de la mort » mais, davantage une nouvelle et si possible longue période de la vie, qui puisse être abordée dans la dignité de tous et toutes. De ce point de vue, la période de l’épidémie de COVID 19 et ses confinements, a mis en lumière, au delà des décès dus au virus, que de nombreuses personnes retraitées sont mortes de l’isolement et de la solitude. Cette cruelle réalité a renforcé la municipalité dans sa détermination à offrir un service de proximité, par le biais d’activités de convivialité. L’idée est de maintenir, de créer ou de recréer un lien social et intergénérationnel. C’est d’autant plus important pour la cité que les retraité∙es sont devenu∙es une force vive dont l’implication dans la vie locale, associative par exemple, est utile à toutes les générations. De nos jours, les retraité∙s constituent une catégorie de population qui a du temps et qui souvent en fait profiter les autres.


Le Pass+ pour les retraité∙es. [Mairie de Fontenay-sous-Bois]
Le Pass+ pour les retraité∙es. [Mairie de Fontenay-sous-Bois]

La ville a mis en place un ensemble de structures pour les loisirs des retraité∙es. Ainsi, elle a développé quatre clubs qui sont des lieux d’activités. Deux d’entre eux sont aussi des clubs restaurants, dans lesquels les anciens et anciennes peuvent venir manger le midi. En moyenne, plus de 10 000 repas y sont servis. Au fil de la semaine, des occupations sportives, culturelles, récréatives sont proposées de façon permanentes. Bals, lotos, peinture, jeux, couture, cours de langues, ateliers de théâtre, danse mais aussi animations mémoire, sophrologie, yoga, randonnées ou chorale sont par exemple pratiqués par plus de 650 personnes adhérentes à ces clubs. Pas moins de 48 activités sont proposées, animées par 20 intervenant∙es artistiques et sportifs. Le lien est aussi assuré par deux banquets des retraité∙es (en janvier et octobre) dont les menus sont confectionnés par la cuisine centrale municipale. Un après-midi festif est aussi proposé au mois de juin. Il a été mis en place après la crise Covid et se déroule en extérieur. Des actions sont aussi engagées pour la période des fêtes, moment important dans la vie sociale et sensible pour les personnes seules avec, par exemple, distribution de cadeaux aux membres des clubs et aux personnes hébergées en EHPAD, souvent les plus isolées. Un coffret festif est attribué, sur demande, en décembre, à près d’un millier de retraité∙s non imposables. Le service organise aussi une cinquantaine de sorties par an, qui rassemblent généralement plus d’un millier de participants et participantes dans l’année, ainsi que des balades et randonnées qui ont attiré en plus de 1 300 bénéficiaires. Par ailleurs des séjours de vacances, facturés au quotient familial, sont proposés chaque année. Ils utilisent les structures municipales (ceux des colonies de vacances des jeunes) mais permettent aussi la découverte d’autres lieux.

La vie des retraité∙es s’accompagne aussi de problématiques et de difficultés spécifiques qui sont prises en compte par le secteur « maintien à domicile ». Le constat est fait par les gérontologues que plus les anciens et anciennes restent chez eux/elles, plus leur espérance de vie est importante. Mais cette vie à la maison s’avère moins facile avec l’avancée de l’âge et nécessité un accompagnement. Faciliter le maintien à domicile est un objectif majeur. La commune a mis en place une résidence avec un bailleur social, réservée aux retraité∙s autonomes qui compte 26 appartements. Sa capacité est limitée. Il a fallu déployer des actions plus larges : les aides à domicile, dont le but est d’apporter un soutien adapté, matériel, moral et social aux actes de la vie quotidienne. Ménage, entretien du logement, courses, cuisine, aide aux démarches administratives sont proposés à près de 200 bénéficiaires. De même, il existe un service de portage de repas à domicile, rattaché à la restauration collective municipale qui propose des livraisons quotidiennes de plats, dont plus de 60% des ingrédients sont issu de l’agriculture biologique. Près de 42 000 repas ont ainsi été livrés en 2022 par trois équipes. Mais le maintien à domicile passe aussi par un service d’interventions techniques et de petits travaux effectués sur demande des retraité∙es. Une équipe d’agents est aussi spécialisée dans le transport des personnes à mobilité réduite. Des chauffeurs transportent les personnes âgées, pour se rendre à des consultations médicales, des démarches administratives ou encore faire des trajets intra-muros. Un plan canicule est aussi en place chaque été, avec une mobilisation exceptionnelle en cas de vague de chaleur, en lien avec le service hygiène. Il s’agir de suivre les personnes isolées qui ont été recensées préalablement et de les contacter deux fois par jour afin de s’assurer de leur état.

Le public retraité bénéficie aussi, depuis 2016, d’une aide appelée Pass+ d’une valeur de 120 euros pour une personne seule et 160 euros pour un couple. Il est réservé aux personnes des quotients 1 à 5 et a été distribué à près de 900 personnes en 2022. Les retraité∙es sont aussi un public jugé prioritaire pour la mise en place de la mutuelle de santé communale depuis 2022. Celle-ci offre des garanties en termes de coût et de non-augmentation des tarifs après 70 ans. Ce dispositif s’accompagne d’une série d’actions de prévention en matière de santé, à un âge où l’état physique se dégrade au fil des années.


[Mairie de Fontenay-sous-Bois]
[Mairie de Fontenay-sous-Bois]

La ville de Fontenay-sous-Bois est donc attentive au soin à ses aîné∙es. Mais des défis nouveaux pour l’avenir pointent depuis quelques temps. Avec l’allongement du maintien à domicile, la question du lien entre accompagnement et soin est au coeur des préoccupations. De nouvelles règlementions sont envisagées pour adosser les services type « aide-ménagère » et soin médicaux sociaux. La question de l’aide aux aidant∙es familiaux est aussi posée. Que ce soient les conjoint∙es ou les enfants, ils et elles sont nombreux à s’occuper quotidiennement d’un proche en perte d’autonomie. Tâche souvent difficile et peu gratifiante, elle est pourtant menée par des centaines d’habitants et d’habitantes, dont la vie est impactée parfois lourdement. Leur accompagnement devient une nécessité. Une autre question centrale est posée à la collectivité, celle, démographique, des très vieux et vieilles, des plus de 90 ans, vivant à domicile. Ils et elles sont maintenant des centaines et vont être de plus en plus nombreux. Or, même s’ils et elles sont encore souvent assez autonomes, la ville n’a pas été conçue et n’est pas adaptée à la vie des personnes très âgées. De la hauteur des trottoirs au besoin de bancs pour se poser un moment, les pistes de travail pour rendre la ville plus vivable, pour mieux partager les espaces publics sont nombreuses. C’est un défi majeur auquel l’ensemble de la communauté va devoir s’atteler, afin de rendre la ville plus inclusive. Cela nécessite un renforcement du service public local, des moyens supplémentaires mais aussi une prise de conscience plus large à l’échelle de la société…

⬛ Loïc Damiani

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