Les personnes retraitées dans les organisations syndicales

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Des premières sections syndicales de retraités cheminots au sein de la CGT de la fin du 19ème siècle au « Groupe des 9 », en passant par les Unions confédérales de retraités ou l’Union nationale interprofessionnelle des retraité∙es Solidaires, voici un tour d’horizon du syndicalisme chez les retraité∙es. Un syndicalisme qui doit trouver sa place, face aux capitalistes et aux gouvernements qui les représentent, mais aussi parfois au sein des organisations syndicales. Pourtant, si les deux situations sont de niveaux bien différents, un même principe devrait guider les réponses : la lutte de classes ne s’arrête pas avec la retraite ! En 2023, la question reste posée pour les 17 millions de personnes retraitées d’avoir une instance pérenne pour entendre leurs revendications ; il n’existe notamment aucun lieu où elles puissent directement discuter du niveau de leurs pensions et de leur adaptation aux évolutions du coût de la vie, par exemple.


Gérard Gourguechon, ex-secrétaire général du Syndicat national unifié des impôts (SNUI, aujourd’hui Solidaires Finances publiques), a été porte-parole de l’Union syndicale Solidaires jusqu’à son départ en retraite, en 2001. Il est co-secrétaire de l’Union nationale interprofessionnelle des retraité∙es Solidaires (UNIRS).


Manifestation interprofessionnelle contre le projet de loi sur les retraites, à Paris le 16 février 2023. [Gérard Millant]

Un questionnement récent devenu une réalité vivante

Dès la fin XIXe siècle, peu de temps donc après la création de la CGT, les cheminots retraités, puis les mineurs retraités, grâce à leur statut particulier, se sont organisés en une section particulière à l’intérieur de la CGT. En mars 1936, à l’initiative d’une militante syndicale membre du Syndicat national des instituteurs SNI), va être créée la Fédération générale des retraités de la fonction publique (FGR-FP) qui va œuvrer en liaison avec les syndicats de fonctionnaires (la FGR-FP existe toujours et est membre du groupe des 9 organisations de retraité∙es). Les électriciens-gaziers vont, de même, organiser leurs retraités, mais seulement en 1946. Également dans la suite de l’effervescence de la Libération, l’Union syndicale CGT de la région parisienne crée une association qui a pour objet de rassembler les retraités, c’est l’Union nationale des vieux travailleurs de France, devenue par la suite l’Union nationale des retraités et personnes âgées (UNRPA) Ensemble & Solidaires, association toujours existante, membre aujourd’hui du groupe des neuf organisations de retraités (voir autre article dans ce numéro). Pendant des années, nombre de membres de la CGT partant en retraite passeront par cette association, mais ses actions revendicatives seront parfois submergées par des activités culturelles et conviviales.

C’est seulement en mai 1969 qu’est créée l’Union confédérale retraités CGT (UCR-CGT) : au lendemain du mouvement social de mai-juin 1968 s’impose, au sein de la CGT, la nécessité de la création d’un organisme spécifique qui, en liaison avec les actifs et actives, prendra en main la cause des personnes retraitées. La CGT se lance alors dans un projet de structuration/confédéralisation de l’activité syndicale des retraité∙es. La CGT parle alors de continuité syndicale : il s’agit de s’engager dans une syndicalisation systématique des retraité∙es et futurs retraité∙es de l’organisation syndicale. L’objectif est d’assurer la continuité de l’adhésion et de la militance des adhérents et adhérentes de la CGT à la retraite en vue de créer « une grande union confédérale des retraités de masse et de classe pour la CGT », comme le proclame la première conférence nationale des retraités les 8 et 9 mai 1969, dans son Appel aux cinq millions de retraités de France (en 2023, il y a 17 millions de retraité∙es de droit direct). Rapidement, l’UCR-CGT structure une association, Loisirs et solidarité des retraités (LSR) dont l’objectif est de faire vivre tous les aspects « loisirs, culture, voyages, etc. » d’un syndicalisme de services à destination des personnes retraitées. LSR existe toujours, et est également membre du groupe des neuf organisations de retraité∙es. Mais il faut attendre 1982 pour que se tienne le premier congrès de l’UCR-CGT.

Après la Libération, le syndicalisme CFTC connaît un peu la même évolution que la CGT : création d’une Association française des vieux travailleurs, qui sera en partie une coquille vide. La scission de 1964 et la création de la CFDT conduiront à la transformation de cette association en UCR-CFDT en 1969. La CGT-FO ne se dote d’une UCR-FO qu’en 1989 ; cependant, certains syndicats FO dans la fonction publique adhèrent à la FGR-FP.

Nous constatons ainsi qu’entre le moment de la création de la CGT et un début d’organisation effective d’un syndicalisme « retraité∙es », il a été nécessaire d’attendre plus de 70 ans. Certaines « explications » sont probablement tout simplement sociologiques : pendant des décennies, la population des « salariés inactifs ou en retraite » a été très faible. Il y avait donc un potentiel de syndicalisation possible chez les personnes retraitées relativement bas. La situation a progressivement évolué en fonction de l’amélioration de l’espérance de vie, y compris dans le monde ouvrier, et en fonction du nombre plus important de personnes en retraite du fait de l’élargissement des systèmes de retraite à des populations plus nombreuses. La dernière étape, et la plus décisive, fut l’instauration de la sécurité sociale en 1945-1946 : vingt ans plus tard, le nombre de personnes en retraite a commencé à fortement progresser. Il a encore augmenté avec l’ordonnance du 26 mars 1982, qui instaure qu’à compter du 1er avril 1983 il sera possible de partir en retraite à 60 ans avec une pension égale à 50 % du salaire annuel moyen des 10 meilleures années pour les personnes ayant 37,5 années de cotisations. Partir en retraite à 60 ans au lieu de partir en retraite à 65 ans, ça augmente fortement le nombre de personnes retraitées et, de plus, ce sont des personnes retraitées plus jeunes. Par ailleurs, dans la mesure où le statut salarial concerne désormais près de 90 % de la population active, les retraité∙es sont très majoritairement et avant tout d’anciens salarié∙es. Ceci entraîne forcément des conséquences sur les organisations syndicales : les départs massifs à la retraite des générations du baby-boom (nées entre 1945 et 1965), générations qui ont connu un relatif fort taux de syndicalisation, bousculent les équilibres anciens internes aux organisations syndicales, en les privant d’une partie significative de leurs forces militantes qui vont, soit être perdues pour le syndicalisme, soit venir revivifier un syndicalisme retraité en sommeil. Dans un tel contexte, les retraité∙es représentent un nouvel enjeu organisationnel pour les syndicats.

À compter de 1993, les différentes UCR ont fonctionné en inter-UCR. Ce fonctionnement intersyndical relativement stable était plutôt exceptionnel dans le paysage syndical français. Cette situation était facilitée du fait que les UCR sont affiliées à la Fédération européenne des retraités et personnes âgées (FERPA), branche retraitée de la Confédération européenne des syndicats (CES). Elles siègent également ensemble dans des structures institutionnelles consultatives où les enjeux sont peu importants, comme le Conseil national des retraités et personnes âgées (CNRPA). L’inter-UCR permettait aux UCR de la CGT, de la CGT-FO, de la CFDT, de la CFTC, de la CFE-CGC de se rencontrer régulièrement, de s’exprimer parfois ensemble par des communiqués de presse et par des appels à manifester (généralement lors de la « rentrée », avant les discussions portant sur le Projet de loi de finances et le Projet de loi de financement de la sécurité sociale). Mais, à côté des rencontres entre ces secteurs retraités des UCR, ouvertes dans les années 2000 aux retraité∙es de la FGR-FP et de l’UNSA, les retraité∙es de la FSU et de Solidaires étaient mis à l’écart. Dès 2010, des premiers contacts entre FSU et l’UNIRS-Solidaires ont conduit à une demande parallèle de rencontre avec les UCR, repoussée du fait du véto de l’UCR-CFDT.


[GéPé]

Au cours du printemps 2013, plusieurs rencontres ont été possibles entre les représentants des retraité∙es CGT, FO, FSU et Solidaires. En septembre 2013, le projet de réforme des retraites engagé par Hollande et Touraine a conduit à la mise en place d’une intersyndicale interprofessionnelle de laquelle s’étaient exclues la CFDT et l’UNSA, qui estimaient qu’il fallait accepter des reculs « partagés » et que le projet gouvernemental était globalement bon. Les secteurs retraités des différentes organisations syndicales se sont inscrits dans la ligne de leur confédération ou Union syndicale. Ceci a conduit à une paralysie de l’inter UCR et au rapprochement entre les secteurs retraités de toutes les organisations syndicales engagées contre le projet de réforme du gouvernement Hollande-Ayrault. Après l’échec des mobilisations syndicales et sociales contre le projet du gouvernement, les quatre organisations de retraités CGT, FO, FSU et Solidaires ont maintenu leurs rencontres, en les axant progressivement sur d’autres dossiers : l’aide à l’autonomie, le pouvoir d’achat des personnes retraitées, etc. Début 2014, l’UCR-CGT a annoncé sa décision d’une manifestation nationale « retraité∙es » à Paris, le 3 juin 2014, et sa proposition de l’ouvrir aux autres organisations pour en faire une manifestation nationale intersyndicale. Progressivement, la FSU-retraités, LSR (Loisir-Solidarité-Retraite), l’UNRPA (Union nationale des retraités et des personnes âgées), l’UCR-FO, l’UNIRS-Solidaires, puis la FGR-FP, l’UCR-CFTC et l’UCR-CFE/CGC sont venues se joindre à cet appel. Et, au lendemain de la manifestation nationale, ces 9 organisations se sont revues et ont engagé une nouvelle journée de mobilisation pour le 30 septembre 2014. Depuis, les rencontres ont été régulières et fréquentes, tout autant que les initiatives et les journées d’actions et de manifestations. Pendant le même temps, les rencontres entre toutes les UCR, l’UNSA et la FGR-FP se sont progressivement distendues pour disparaître. Désormais, il y a, d’un côté l’UCR-CFDT et l’UNSA-retraités qui se rencontrent parfois, et les neuf organisations, qui se rencontrent de plus en plus souvent et régulièrement. Au printemps 2023, ces neuf organisations continuent de travailler, de réfléchir et d’agir ensemble, dans les départements et nationalement, et sur des sujets de plus en plus nombreux. Elles ont largement contribué à la forte présence des personnes retraitées dans les manifestations et dans certaines actions tout au long du conflit social de 2023 contre la réforme Macron-Borne. Elles préparent ensemble les réunions du HCFEA (Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge), même si toutes n’y siègent pas. Elles ont aussi trouvé un mode de fonctionnement assez souple où, de temps en temps, une (ou plusieurs) organisation(s) du groupe ne s’exprime pas (notamment pour éviter d’être en contradiction avec sa confédération) sans que, pour autant, ceci interdise aux autres de s’exprimer. Ces petites parenthèses donnent de la souplesse à l’ensemble.  

Au niveau européen, c’est en 1985 que, sous l’impulsion du syndicalisme italien, la Confédération européenne des syndicats (CES) met en route le processus qui aboutira à la création de la Fédération européenne des retraités et personnes âgées (FERPA). La volonté de la CES était de ne pas laisser la représentation des retraité∙es et des personnes âgées à des organisations étrangères au mouvement syndical et de devenir l’interlocuteur principal des institutions européennes également en matière de retraite. La FERPA a été officialisée en 1992 au sein de la CES. Elle est ouverte à toutes les organisations de retraité∙es interprofessionnelles ou par secteur, faisant partie d’une organisation syndicale membre de la CES.     

Une législation qui devient insuffisante

La situation actuelle du droit en ce qui concerne la liberté syndicale laissée aux personnes retraitées est plutôt restrictive. Les personnes retraitées peuvent continuer de se syndiquer au syndicat auquel ils ou elles adhéraient pendant leur activité professionnelle. L’article L 2141-2 du Code du travail indique que les personnes qui ont cessé leur activité professionnelle peuvent adhérer ou continuer à adhérer à un syndicat professionnel de leur choix. Et l’article L 2131-2 du Code du travail n’offre la possibilité de créer un syndicat qu’aux personnes exerçant la même profession, des métiers similaires ou connexes, concourant à l’établissement de produits déterminés ou la même profession libérale. Il faut donc être du même secteur professionnel. D’ailleurs, la circulaire DRT N° 13 du 30/11/1984 du ministère du travail confirme que le législateur n’a pas reconnu la possibilité de constituer des syndicats de retraité∙es indépendants ou spécifiques. Cette circulaire, commentant les articles L 411-1 à L 411-7, stipule : « Le législateur a également entendu permettre aux retraités, non seulement de continuer à adhérer à un syndicat professionnel, ce qu’ils pouvaient déjà faire sous l’ancienne législation, mais également d’adhérer pour la première fois à une organisation syndicale [cas d’une personne qui n’était pas syndiquée durant sa vie professionnelle et qui voudrait se syndiquer une fois qu’elle est retraitée ; il faut qu’elle se syndique à un syndicat professionnel « d’actifs » de son choix]. Il convient de souligner que les syndicats concernés sont les seuls syndicats d’actifs, le législateur n’ayant pas reconnu la possibilité de constituer des syndicats de retraités indépendants et spécifiques ».

Face à ce cadre législatif restrictif est venu buter l’accès progressif des « vieux » et « vieilles » à la condition de « vieux travailleurs pensionnés », « vieilles travailleuses pensionnées », du fait du développement des dispositifs de protection sociale. Parmi ces personnes retraitées, certaines, syndiquées et retraitées donc, vont aspirer à une plus forte autonomie et à une majorité sociale et politique, cette fois comme « personne retraitée ». Ceci conduit à l’expression d’une revendication explicite au droit pour les salarié∙es retraité∙es de constituer des syndicats de retraité∙es, sans passer obligatoirement par le truchement de leur ancien syndicat professionnel. Actuellement, si l’envie d’autonomie des personnes retraitées qui veulent s’organiser ensemble est forte, la voie « légale » est la voie de l’association 1901, sauf à obtenir, donc, le droit de créer des syndicats « spécifiques retraités et retraitées », droit qui n’existe pas encore en 2023.


Rassemblement intersyndical des retraité∙es, à Paris le 31 mars 2021. [Gérard Millant]

Les statuts de l’UCR-CGT relèvent de la loi du 21 mars 1884 reconnaissant le fait syndical, contrairement aux autres UCR dont les statuts relèvent de la loi de 1901 sur les associations. L’article L. 411-7 du Code du Travail, réformé en 1982 (loi Auroux) et en 1998 (loi d’orientation contre les exclusions) en vue d’assouplir les conditions de l’adhésion syndicale, dispose en effet que « les personnes qui ont cessé l’exercice de leurs fonctions ou de leur profession peuvent soit continuer à faire partie d’un syndicat professionnel de salariés, soit adhérer à un syndicat professionnel de leur choix ». Le statut strictement syndical de l’UCR-CGT lui donne notamment la faculté d’ester en justice. La loi interdisant de constituer en tant que tels des « syndicats de retraités », le modèle cégétiste de syndicalisation des retraités combine l’affiliation au syndicat professionnel d’origine (via la section syndicale des retraités) lui-même partie prenante d’une fédération nationale et d’une structure transversale interprofessionnelle au niveau confédéral.

La CFDT a retenu un choix différent quant à l’organisation des retraité∙es de son organisation. Partant de l’idée que les retraité∙es n’ont plus de lien avec un secteur professionnel, la loi de 1884 ne peut leur servir de base statutaire pour s’organiser. Du fait qu’on ne peut, légalement, créer de syndicats de retraité∙es, tous les retraité∙es CFDT, quelle que soit leur origine professionnelle, sont regroupé∙es au sein des Unions territoriales de retraités (UTR). Ces UTR, bien qu’étant reconnues comme des syndicats à l’intérieur de la CFDT, sont organisées dans le cadre de la loi de 1901 sur les associations.

La CGT-FO, la CFTC et la CGE-CGC ont toutes les trois également opté pour l’organisation de leurs retraité∙es en recourant à la loi de 1901 et à la forme associative. Pour autant, la place qui peut être faite au secteur « retraités et retraitées » au sein des différentes confédérations peut légèrement varier, allant d’une absence d’autonomie à une relative liberté de manœuvre.

Quant à la question de l’écoute des personnes retraitées dans la société, celle-ci reste également sans réponse efficace à ce jour. Un secrétariat d’état aux personnes âgées et retraités a été créé en mai 1981. C’est alors qu’il a été décidé de donner une représentation spécifique aux personnes âgées et aux retraités. Le Conseil national des retraités et personnes âgées (CNRPA) a été mis en place en 1982. Il était censé assurer « la participation des retraités et des personnes âgées à l’élaboration et la mise en œuvre de la politique de solidarité nationale les concernant ». Le CNRPA était un organisme consultatif composé de trois collèges distincts. Le premier collège était constitué des décideurs publics et des financeurs (grands corps de l’État, ministères, assemblées parlementaires, collectivités locales). Le deuxième collège regroupait les seize organisations nationales dites représentatives des retraité∙es, à caractère syndical, associatif ou professionnel. Le troisième collège intégrait les professionnels du secteur gérontologique et gériatrique et des personnes dites qualifiées (démographes, économistes du vieillissement, etc.) nommées par le gouvernement. Il pouvait être consulté pour « toute question relative à la politique sociale ou médico-sociale concernant les retraités et les personnes âgées ». Le CNRPA était décliné dans les départements par les Comités départementaux des retraité et personnes âgées (CODERPA). Ce CNRPA et les CODERPA ont disparu en 2016 par suite de l’article 69 de la loi du 28 décembre 2015 dite « loi d’Adaptation de la société au vieillissement ». A en effet été instauré un Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) qui s’est substitué à plusieurs instances : le Haut conseil de la famille, le Conseil national des retraités et des personnes âgées, le Conseil national pour la bientraitance et les droits des personnes âgées et handicapées, le Comité national de soutien à la parentalité et la Commission « enfance et adolescence » de France Stratégie. Le HCFEA compte 88 membres dans la formation spécialisée dans le champ de l’âge (Haut conseil de l’âge – HCA) où les « retraités » ont disparu, il ne reste que « les personnes âgées ». En 2023, la question reste posée pour les 17 millions de personnes retraitées d’avoir une instance pérenne pour entendre leurs revendications ; il n’existe notamment aucun lieu où elles puissent directement discuter du niveau de leurs pensions et de leur adaptation aux évolutions du coût de la vie, par exemple.

Une reconnaissance pleine et entière à obtenir dans les organisations syndicales. Encore en 2023, l’examen de la situation des secteurs « retraitées et retraités » dans toutes les organisations syndicales fait apparaître la survivance de difficultés à appréhender de façon satisfaisante la place des personnes retraitées dans les organisations syndicales, que ce soit dans l’organisation syndicale de base, le syndicat, ou dans les fédérations et dans l’interprofessionnelle. Dans le syndicat de base, des réticences subsistent encore pour reconnaître aux adhérentes et adhérents en retraite qui le souhaitent de se constituer en section syndicale à part entière. Il est craint qu’elle soit la plus importante en nombre d’adhésions, qu’elle pèse trop sur les décisions du syndicat, que ce soit elle qui décide, à la place de celles et ceux qui sont encore au travail salarié, par exemple, des mobilisations et des grèves. De fait, assez souvent les syndiquées et syndiqués en retraite voient largement s’ouvrir les fonctions de tenue de la trésorerie, d’accueil, de formation, de distribution des tracts, d’envoi de la presse, etc. En revanche, lors des débats, il est rare que leurs revendications spécifiques soient abordées et la question de leur droit de vote dans les instances du syndicat est souvent en débat. Au niveau de la structure interprofessionnelle (la confédération, l’union syndicale), des difficultés subsistent dans toutes les organisations ou presque : sont en débat les questions de la place du « secteur retraitées et retraités » dans les instances nationales et dans les congrès, du nombre de délégué∙es, du droit de vote, du nombre de voix, des domaines d’intervention, du financement et de la trésorerie, de leur capacité à proposer des textes au débat de l’ensemble de l’organisation, etc. Chaque structure de retraité∙es peut avoir une reconnaissance différente allant d’une relative indépendance à une dépendance forte à l’égard des actifs.

La lecture d’un petit feuillet de présentation de « l’histoire du syndicalisme des retraités CFDT » daté de 9 juillet 2020 est révélatrice. Pour s’excuser que l’UCR ait dû attendre le congrès de Rennes de 2018 pour avoir une « place réservée » tout comme l’Union confédérale des cadres, au sein des instances de la CFDT, il est écrit « Cette tardive évolution statutaire s’explique par la volonté de la CFDT de rester dans le monde du travail » … [ce qui laisse entendre que, dès lors que les personnes retraitées ne sont plus directement en emploi salarié, elles sont presque hors champ du syndicalisme] … Cela n’obère en rien le fait que la CFDT s’est toujours préoccupée d’organiser les retraités en son sein. D’abord par “humanisme” pour celles et ceux qui ont représenté la CFDT en étant élus ou désignés […] et pour celles et ceux qui ont fait fonctionner la boutique […] Ils ont tant donné ! ». Merci les gars, merci les filles, vous avez droit à la médaille syndicale ! Il leur est donné une place, pas pour le fait de leur reconnaître des « droits » comme « en retraite », mais comme remerciements pour tout ce qui a été fait … avant. « Ensuite pour des questions d’organisation : […] beaucoup de syndicats dits « d’actifs » cèdent à la facilité en laissant aux commandes ceux qui y étaient, alors qu’ils sont retraités… la CFDT dit bien que les retraités ont leur place à la CFDT, toute leur place, mais chez les retraités »! Derrière les meilleurs sentiments apparents, percent rapidement des ostracismes bien réels.


Manifestation intersyndicale des retraité∙es, à Paris le 2 décembre 2021. [Gérard Millant]

Cette situation de limitation de l’autonomie des retraités et retraitées dans leurs organisations syndicales se heurte à une situation « sur le terrain » qui évolue : le syndicalisme est en train de traverser une relative mutation du fait de l’accroissement du poids relatif des retraité∙es au sein des confédérations et unions syndicales, conduisant à une modification du ratio actifs/retraités voire à son renversement au sein de certaines fédérations professionnelles (plus particulièrement celles des secteurs professionnels en recul économiquement et qui recrutent de moins en moins). Cette tendance se constate dans toutes les confédérations et unions syndicales : la déperdition des adhésions est importante quand les salarié∙es passent d’actifs/actives à retraité∙es, mais les adhésions nouvelles sont proportionnellement plus faibles chez les jeunes salarié∙es que dans les classes d’âge qui partent en retraite. Cette évolution se constate aussi dans d’autres organisations syndicales en Europe, particulièrement en Italie et en Allemagne.

Ceci se traduit notamment par une participation croissante des retraité∙es à la vie syndicale, soit aux côtés des actifs et actives salarié∙es (tenue de permanences, gestion des trésoreries, envoi de la presse, distribution de tracts, commissions juridiques, participation aux formations, aux travaux de secrétariat, etc.), soit dans le cadre de leur syndicalisme spécifique « retraité », lequel a pris de plus en plus d’importance depuis les années 2010. Nous voyons alors les syndiqué∙es retraités agir de plus en plus souvent pour obtenir une plus grande reconnaissance des retraité∙es dans l’organisation syndicale. Ceci se concrétise par le refus d’être une force d’appoint dans leur organisation syndicale et le refus d’être considéré∙e comme un ou une « demi-syndiqué∙e ».

Progressivement, nous voyons se développer une aspiration à une émancipation relative de la tutelle des actifs/actives et à la possibilité d’une prise de parole et d’une action revendicative autonomes des retraités et retraitées. Les retraité∙es ne s’estiment plus seulement comme sujets de droits (bénéficiaires de « l’effort d’assistance de la société », état qui les marginalise et qui fait d’eux une charge ; ou accédant à « un repos bien mérité », situation qui les infantilise), mais aussi comme porteurs et porteuses de droits et de responsabilités. Progressivement nous les voyons vouloir intervenir en leur nom propre sur les problématiques sociales qui les concernent directement : niveau des pensions, bien entendu, et organisation du système des retraites, et, plus largement, l’ensemble de la protection sociale, dont les problèmes d’assurance maladie, de santé, de situation de l’hôpital et des services de soins et de santé. Ils et elles accaparent de nouveaux champs de réflexion, de proposition, de mobilisation et d’action qui sont ouverts à l’initiative des militantes et militants des « syndicats de retraités et retraitées » : les questions liées à la perte d’autonomie, la situation des services d’aide à domicile, en établissement et EHPAD, les modes de vie à la retraite, la place des personnes retraitées dans la société, le rejet de l’âgisme et des exclusions liées à l’âge, les solidarités intergénérationnelles, etc.

La retraite est devenue un nouvel âge de la vie que les détenteurs de capitaux voudraient réduire à une peau de chagrin, en nous faisant revenir au bon temps de la « retraite pour les morts » : c’est bien ce qu’ils font en ne cessant de vouloir reculer l’âge de départ en retraite, ce qui a pour effet, notamment, que de plus en plus de personnes meurent avant d’être en retraite. La retraite devient aussi un nouvel âge de l’action syndicale, un nouvel âge de la lutte de classes.

La lutte de classes ne s’arrête pas quand les personnes partent en retraite

Libéré ! Libéré ! Le premier sentiment ressenti par la personne nouvellement en retraite c’est celui de la liberté : la journée, la semaine, le mois, l’année, ne sont plus organisés prioritairement en fonction du travail salarié, on ne rentre plus à la maison avec les soucis et les fatigues accumulés au boulot. La liberté de son temps, pouvoir en disposer à sa guise et en fonction d’autres critères que ceux de la production décidée par d’autres ; cette liberté, chacune et chacun en usera à sa façon, pour être plus souvent avec celles et ceux qu’on aime, pour rendre service à d’autres, pour « faire des choses », celles dont on a rêvé pendant des décennies (voyager, lire, jardiner, bricoler, etc.). Pour réaliser ces « rêves » portés parfois tout au long d’une vie, encore faut-il en avoir les moyens, et pour beaucoup de personnes, le rêve restera toujours un rêve.

La liberté de son esprit, libéré lui aussi des impératifs contradictoires, des ordres et des contre-ordres du patron, des chefs et des petits-chefs, tous au service de la production et de la rentabilité pour les capitaux investis, pour les économies budgétaires à faire pour compenser les cadeaux fiscaux et sociaux faits aux plus riches. Désormais, notre esprit dispose de plus de temps et de plus de latitude pour se tourner vers d’autres domaines que celui de servir le patron : s’enrichir l’esprit, rencontrer d’autres mondes, d’autres personnes, d’autres cultures.Pour nombre d’emplois et de métiers, c’est aussi la liberté de son corps, libéré des gestes répétitifs, des gestes pénibles, des postures fatigantes, des mouvements qui cassent le dos, les articulations, les oreilles, la tête, qui usent et qui, souvent, font vieillir prématurément. Une liberté nouvelle dont certaines et certains vont vouloir profiter pour essayer de réparer ce qui a été abimé pendant la vie au travail : prendre soin de soi, faire du sport, s’entretenir, se ménager parfois, ou se dépasser, mieux se connaître, etc. Certaines et certains vont parfois s’échiner, de fait, à vouloir retarder l’effet des années qui s’accumulent, en quête d’une jeunesse ancienne.


Manifestation intersyndicale des retraité∙es, à Paris le 11 avril 2019. [Jean-Claude Saget]

Dans ces conditions, c’est peu de dire que l’engagement syndical en retraite n’apparaît pas comme un volet naturel et spontané du choix libre de la personne qui vient de sortir de 40 ans de taule. Et ce ne sera même pas nécessairement perçu comme le prolongement naturel de l’engagement syndical du temps de l’activité professionnelle salariée par celles et ceux qui ont pu militer dans une organisation syndicale. Les organisations syndicales doivent les convaincre qu’ils et elles sont porteurs et porteuses de droits et de revendications qui demeurent des revendications syndicales. Désormais libérées du travail salarié, nombre de personnes veulent d’autant plus tourner la page de l’activité professionnelle que, de plus en plus souvent, les dernières années au boulot ont été difficiles : mutations fréquentes dans l’organisation du travail, dégradation des conditions de travail, management et système hiérarchique sclérosants, perte de sens, et aussi les fatigues dont on récupère moins bien et moins vite, les douleurs, etc. Pour oublier plus vite tout ça, on va oublier aussi le syndicat qui nous a accompagné pendant notre vie au travail. Et la nouvelle personne retraitée est sollicitée par plein d’autres centres d’intérêt et aussi plein de préoccupations : la famille, les enfants et les petits-enfants, les problèmes de santé plus fréquents, l’envie de profiter du temps libre, etc. Et d’autres organisations entrent en concurrence avec les syndicats pour profiter des personnes retraitées, de leur disponibilité et de leur expérience : c’est tout le secteur associatif, le vaste domaine du bénévolat, et aussi les conseils municipaux en mal de trouver, là aussi, des personnes disponibles.

La période de la vie en retraite, quand elle dure assez longtemps, et quand elle permet aux personnes, si elles le souhaitent, et si elles le peuvent, de se livrer à diverses activités utiles aux autres, peut être considérée comme une période d’expérimentation du travail libre, un travail choisi et qui retrouve du sens pour les personnes qui l’effectuent. La retraite vue ainsi deviendrait encore plus un exemple à ne pas généraliser pour un système économique qui privilégie l’exploitation, la rentabilité du capital et la course aux profits privés. Dans ces conditions, porter l’âge de départ en retraite à 64 ans, maintenir le plus longtemps possible les travailleuses et les travailleurs dans une situation de salariat de plus en plus précarisé est d’autant plus un enjeu de société pour des patrons qui voudraient que le rapport de forces soit toujours, et de plus en plus, en leur faveur. Cette expérimentation du travail libre pourrait être donnée en exemple à celles et ceux qui sont dans les conditions du travail obligé et contraint et au service d’intérêts privés et marchands. Il est possible qu’à terme, si la recherche de sens vient s’ajouter dans les aspirations fortes des personnes, ce travail libre engendre de nouvelles revendications, notamment quant à la « rémunération » d’un tel travail. Actuellement ces « travailleuses et travailleurs libres » sont rémunéré∙es par leur pension de retraite, qui est plus ou moins fonction de leur salaire lors de leur activité professionnelle marchande. À terme, il est possible que ces personnes, ayant la même activité libre, revendiquent la même rémunération, quel que soit le passé des unes et des autres. Ce serait la revendication de pensions identiques, financées par la collectivité, tour à tour par chaque génération.   

En fait, toujours dépendant du rapport capital – travail ! La personne retraitée a gagné des libertés, elle n’est plus astreinte à des horaires, des ordres, des cadences, des rendements. Pour autant, elle est toujours marquée par les rapports capital / travail. Tout d’abord, son état de personne retraitée, est déjà un résultat de la lutte des classes. Le fait que, dans une société capitaliste, une personne puisse vivre sans travailler pour un patron ou un employeur quelconque et sans disposer d’un capital financier lui permettant d’être rentière et payée par le travail des autres, est déjà le résultat d’une lutte des classes qui a installé un compromis social ouvrant de tels droits, sous certaines conditions, à toutes les travailleuses et à tous les travailleurs. 1987 et 1993 ont représenté des années de rupture entre les niveaux de vie des actifs/actives et ceux des retraité∙es, dont les pensions n’ont plus été indexées sur les salaires mais sur les prix. Depuis, toutes les attaques menées contre le système des retraites nous confirment bien que ceci est un domaine de la lutte des classes, un domaine où le système capitaliste ne cesse de mener de nouvelles offensives.


Manifestation interprofessionnelle contre le projet de loi sur les retraites, à Paris le 19 janvier 2023. [Gérard Millant]

Et, très directement, au quotidien, le niveau de pension, la façon dont il sera ou pas adapté à l’évolution des salaires ou des prix, tout ceci dépend bien du rapport de forces global entre le capital et le travail à un moment donné et de sa concrétisation par le partage des richesses qui sera retenu. De même que la situation des services publics auxquels la personne retraitée aura recours, celle des hôpitaux, des services de santé, des services d’aide à domicile et des EHPAD, du coût de la médecine de ville, du coût des médicaments, du coût des transports, du coût de l’énergie, etc. La personne retraitée ne vit pas hors sol, elle est, elle aussi, dans la vraie vie. Des camarades syndicalistes semblent vouloir reléguer leurs camarades en retraite dans une catégorie de syndiqué∙es au rabais car ils et elles ne seraient plus directement en emploi salarié, ils et elles ne seraient plus exploité∙es directement. Dans une société où la financiarisation gagne progressivement tous les secteurs, tous les domaines ou presque des rapports humains, la lutte de classe doit être perçue comme un élément global de notre société.

La syndicalisation des personnes retraitées dans la continuité du salariat actif

Dès lors qu’il est admis que la lutte de classes se poursuit quand nous sommes en retraite, la question de la syndicalisation des personnes retraitées devient un enjeu de la lutte de classes, et une organisation syndicale qui se veut de masse et de classe, et qui s’inscrit dans un syndicalisme de transformation sociale, devrait avoir un projet de syndicalisation des retraité∙es. Chaque organisation syndicale professionnelle (les syndicats de base et les fédérations) devrait mieux se soucier de réduire la désaffiliation syndicale importante qui se constate au moment du passage à la retraite. Tout ceci peut se concrétiser par des pratiques syndicales très concrètes : recensement interne des adhérentes et des adhérents qui approchent de la retraite, « tuilage » actifs-actives/retraité∙es, livret d’accueil syndical pour les personnes nouvellement retraitées, argumentaire et mentions de temps en temps dans la presse syndicale de l’existence d’un syndicalisme « retraité », envoi anticipé de la presse syndicale « retraités et retraitées » l’année précédant le départ en retraite, journées de discussion entre « retraitables », etc. Cette fidélisation des syndiqué∙es à la retraite doit particulièrement être développée auprès de celles et ceux qui militaient dans l’organisation syndicale et qui portent une expérience riche pour les autres. L’engagement syndical, quand il a été fort et prolongé tout au long d’une vie professionnelle, marque les individus et structure jusqu’à leur personnalité, y compris dans leur vie conjugale et familiale et dans leurs activités extraprofessionnelles : ça devient une caractéristique de leur personne pour celles et ceux qui les ont connus. Avoir eu sa carte syndicale pendant 40 ou 50 ans, ça marque des individus. Et cette longévité syndicale a forcément créé des liens syndicaux qui deviennent des liens sociaux et des sociabilités militantes. Ces camaraderies et ces amitiés vont influencer la poursuite de l’engagement au moment de la retraite : ce sera aussi une façon de se retrouver entre copains et copines, entre camarades du syndicat, ce sera le sentiment de partager ensemble quelque chose d’important, de poursuivre une histoire collective soudée par des convictions et des activités communes.

L’adhésion à une section syndicale de retraité∙es relève de différentes logiques qui varient selon les individus. Pour certain∙es, il peut s’agir de maintenir ainsi un lieu d’appartenance à l’ancienne profession et des liens de convivialité avec d’ancien∙nes camarades. Pour d’autres, il peut s’agir surtout d’une fidélité, d’un loyalisme à l’égard de l’organisation syndicale à laquelle on a appartenu pendant parfois toute une vie professionnelle. Et nous voyons aussi se développer des engagements plus directement militants et revendicatifs. Ceci peut venir de syndiqué∙es en retraite qui avaient déjà une forte expérience militante durant leur activité professionnelle. Et il y a aussi des syndiqué∙es retraité∙es qui, se trouvant libéré∙es d’une activité professionnelle et n’ayant plus d’enfants à charge, vont consacrer une partie de leur temps à l’action syndicale. Le syndicalisme vis-à-vis des retraité∙es se situe donc aujourd’hui face à un double enjeu : réussir la fidélisation des syndiqué∙es actifs et actives, en essayant de limiter la déperdition d’adhésions au moment du passage à la retraite et développer la syndicalisation dans le très vaste monde de l’ensemble de la population retraitée, 16,7 millions de personnes ayant une pension de droit direct, 17,8 millions de personnes si on compte aussi les pensions de réversion.

Un nouvel acteur social et syndical en devenir

Nous l’avons vu ci-dessus, la permanence des rencontres, des expressions, des mobilisations et des actions des neuf organisations de retraités et retraitées depuis juin 2014 commence à faire de cette « inter » l’expression syndicale des revendications des personnes retraitées, et pas seulement en ce qui concerne l’évolution des pensions. Cette permanence du travail en commun se traduit notamment par le fait, par exemple, que ces neuf organisations commencent à se désigner entre elles comme étant le « groupe des 9 [1] », le « G9 », qui est une entité qui n’est pas une « intersyndicale » car elle regroupe aussi des associations. Pour les organisations syndicales, l’organisation spécifique des retraité∙es se conçoit dans le cadre d’une solidarité intergénérationnelle interne aux salarié∙es, donc aux côtés des actifs et actives.


Manifestation intersyndicale des retraité∙es, à Paris le 28 septembre 2017. [Serge D’ignazio]

Mais cette vision de l’action revendicative des personnes retraitées est contestée par un important pôle associatif principalement regroupé au sein de la Confédération française des retraités (CFR), qui se définit comme un groupe de pression autonome appuyant son action sur le lobbying et recourant à l’expertise. Les tensions entre le pôle syndical (les UCR et le G9) et le pôle associatif se manifestent dans la finalité même de leurs activités respectives et aussi dans leur prétention à représenter les retraité∙es. Ainsi, les UCR n’ont pas vocation à siéger en tant que telles au Comité économique, social et environnemental (CESE), contrairement à certaines associations qui revendiquent, et obtiennent, cette faculté, au nom d’une représentation stratifiée par l’âge. Considérant que la forme syndicale, réunissant actifs/actives et retraité∙es autour de revendications solidaires, est la seule légitime pour représenter les intérêts sociaux des retraité∙es, les syndicats de retraité∙es reprochent également au pôle associatif de nourrir une fracture entre actifs/actives et retraité∙es et un corporatisme accentuant la fracture intergénérationnelle. De son côté, la CFR reproche aux syndicats de retraités leur « inféodation » et leur trop faible indépendance à l’égard des centrales syndicales dont les revendications sont jugées par la CFR dominées par les intérêts des seuls actifs et actives. Les défis pour le syndicalisme « retraité∙es » sont donc nombreux : il s’agit tout à la fois de persuader un plus grand nombre de personnes retraitées de la nécessité du syndicalisme pour porter leurs revendications, d’obtenir du législateur la possibilité de constituer directement des syndicats de retraité∙es, de faire reconnaître toute leur place au sein des organisations syndicales aux côtés des actifs et actives, et d’avoir des interlocuteurs, des lieux et des instances pour porter leurs revendications.

⬛ Gérard Gourguechon – Avec la relecture attentive et les améliorations de Patrice Perret.


[1] A propos du Groupe des 9, cette « intersyndicale » des retraité∙es qui rassemble CGT, FO, CFTC, CGC, FSU, Solidaires et les associations FGR-RP, UNRPA et LSR, voir Gérard Gourguechon, Patrice Perret, Jean Piot, « L’intersyndicale des retraité.es », Les utopiques n°5, été 2017.

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