Le SNJ, la déontologie au cœur

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Le Syndicat national des journalistes est la composante la plus ancienne de l’Union syndicale Solidaires. Plus d’un siècle, marqué une défense intransigeante des droits des journalistes et de la liberté de la presse. C’est aussi l’occasion de rappeler l’engagement du SNJ contre plusieurs lois ou projet de loi liberticides. L’activité internationale du syndicat est également rappelé ainsi que, bien entendu, sa place au sein de l’Union syndicale Solidaires.


Daniel Gentot, diplômé du Centre de formation des journalistes (CFJ) a, depuis son premier poste à L’Est Républicain jusqu’à France 3, en passant par l’agence United press international (UPI), toujours privilégié le travail de reportage sur le terrain. Parallèlement, il a milité pour la profession, toujours au SNJ, où il a effectué de nombreux mandats à différents postes. Il en a été élu président de 1976 à 1979. Daniel Gentot a aussi représenté le SNJ au sein des instances du Groupe des dix – Solidaires durant plusieurs années.


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La première Charte d’éthique professionnelle des journalistes (1918)

Dès sa création, le 10 mars 1918, le Syndicat des journalistes a eu pour objectif d’organiser la profession et de la moraliser. C’est ainsi que son premier acte public a été la rédaction et la publication en septembre 1918 d’un texte intitulé « Les devoirs et les droits professionnels », qui stipule notamment «  Un journaliste, digne de ce nom : 1° Prend l’entière responsabilité de tout texte qu’il publie sous sa signature ou sous un pseudonyme personnel ; 2° Tient la calomnie, la diffamation et toute accusation sans preuves pour les plus graves fautes professionnelles ; […] 4° S’interdit d’invoquer un titre ou une qualité imaginaire pour surprendre la bonne foi de quiconque en vue d’obtenir une information ; […] » Cette Charte a été légèrement modifiée en 1938 et, plus largement, en 2011, pour tenir compte de l’évolution du monde et de la profession. Les employeurs, jusqu’à ce jour, se sont toujours refusés à l’annexer à la Convention collective nationale de travail des journalistes (CCNTJ). La Charte est cependant intégrée à l’accord d’entreprise de France Télévisions et figure en référence dans nombre d’autres médias.


Le syndicat des journalistes est né le 10 mars 1918 et publie son premier bulletin mensuel en décembre 1918 ; illustration tirée de 100 ans de journalisme. Une histoire du Syndicat national des journalistes (1918-2018), Christian Delporte, éditions Nouveau Monde, 2018. [Coll. CM]
Le syndicat des journalistes est né le 10 mars 1918 et publie son premier bulletin mensuel en décembre 1918 ; illustration tirée de 100 ans de journalisme. Une histoire du Syndicat national des journalistes (1918-2018), Christian Delporte, éditions Nouveau Monde, 2018. [Coll. CM]

La Déclaration de Munich (1971)

Afin d’élargir ces principes professionnels à l’Europe, les quatre syndicats français de journalistes (SNJ, CGT, CFDT, FO) se sont réunis à Munich en 1971 avec des représentant∙es d’autres syndicats de la Communauté européenne ainsi que ceux d’Autriche et de Suisse. Le 25 novembre, un texte, inspiré de la Charte de 1918, a été signé, qui en reprend les principes et précise les devoirs et les droits du journaliste vis-à-vis du public : « Préambule : Le droit à l’information, à la libre expression et à la critique est une des libertés fondamentales de tout être humain. De ce droit du public à connaitre les faits et les opinions procède l’ensemble des devoirs et des droits des journalistes. La responsabilité des journalistes vis-à-vis du public prime toute autre responsabilité, et en particulier à l’égard de leurs employeurs et des pouvoirs publics. » Les deux grandes organisations internationales de journalistes : La Fédération internationale des journalistes (FIJ) et L’Organisation internationale des journalistes (OIJ) l’ont repris à leur compte.

La Charte d’éthique mondiale des journalistes de la FIJ (2019)

La Fédération internationale des journalistes, qui représente quelques 600 000 journalistes et travailleurs/travailleuses des médias dans 140 pays, réunie en son 30ème congrès, à Tunis, en juin 2019, a adopté à l’unanimité la Charte d’éthique mondiale des journalistes. Toujours inspirée de la Charte de 1918, elle repose sur des textes majeurs du droit international, notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme. Elle contient un préambule et 16 articles et précise les droits et les devoirs des journalistes en termes d’éthique. Ces 3 textes fondamentaux constituent les références du Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM), créé en France en décembre 2019. Autres Chartes et principes professionnels. En 1991, un texte intitulé « Charte J Presse » prévoit : « Les journalistes jeunes et lycéens ont le droit à la liberté d’expression garantie par la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Convention internationale sur les droits de l’enfant. » Certains médias ont adopté la Charte SNJ et/ou la Déclaration de Munich en les accompagnant de principes professionnels concrets, adaptés à la spécificité du média ; par exemple, le recours encadré de l’usage des caméras cachées à France Télévisions. En septembre 2022, une Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique a été co-signée par des organisations syndicales et la très grande majorité de la profession. Il s’agit « d’aiguiller les pratiques journalistiques vers un meilleur traitement des enjeux du siècle. »

Les Livres blancs

De tous temps, certaines rédactions ont éprouvé la nécessité de publier des livres blancs réaffirmant la nécessité des principes de déontologie et dénonçant les dérives, les pressions et les censures. Quelques exemples pour mémoire : Le livre blanc de l’ORTF, celui de RFI, ceux de France 3, et le livre noir de Paris Normandie. En 1993, Le livre blanc de la déontologie des journalistes ou de la pratique du métier au quotidien, publié par le SNJ, une somme, a été le dernier sous cette forme, les communiqués, tracts, lettres ouvertes, dossiers et autres publications sur les réseaux sociaux ayant pris le relais.

Le SNJ élargit ses périmètres d’action

Défense des libertés. La présence quasi permanente du SNJ dans le Collectif des libertés, animé et coordonné par la Ligue des droits de l’homme (LDH) s’impose dans les années 1970/80, devant la recrudescence d’entraves portées alors aux libertés fondamentales. Manifestations, protestations publiques et interpellations des autorités responsables mettent régulièrement la pression sur la classe politique au pouvoir. De ce brassage des réflexions de militant∙es de secteurs très différents, naissent plusieurs formations originales. Le Comité de liaison presse, police, justice (PPJ), amorcé par des rencontres entre le SNJ et Syndicat de la magistrature (SM), verra le jour en 1973. Il rassemble alors le SNJ, le SM, puis le Syndicat des avocats de France (SAF) et la Fédération autonome des syndicats de police (FASP). Défense des libertés, ordre public et violences policières, vie privée, secret de l’instruction, droit à l’information et, plus globalement, le fonctionnement de la société, alimentent les débats, les prises de position publiques, les colloques et autres manifestations. Ainsi, devant la multiplication des provocations constatées dans les manifestations de ces années-là, le 1er mai 1981 PPJ met en place des équipes anonymes des quatre formations pour assurer la surveillance, de bout en bout, de tous les défilés. Les quatre instances représentatives ont même initié des comités régionaux (à Reims, Lyon ou Toulouse par exemple). L’intérêt, au quotidien, était de découvrir la réalité de chaque métier, ses difficultés, le poids des hiérarchies, de déconstruire les préjugés des uns et des autres. La FASP éclatera dans les années 90, ce qui amènera la disparition de PPJ.


« Servir l’information, pas les patrons ». Au Trocadéro, à l’occasion des 100 ans du SNJ, en 2018. [DR]
« Servir l’information, pas les patrons ». Au Trocadéro, à l’occasion des 100 ans du SNJ, en 2018. [DR]

En 2019, Solidaires et le SNJ se retrouvent côte à côte avec d’autres organisations, (ANTICOR, ATTAC, CFDT, GISTI, Greenpeace, Nothing2hide, Sherpa etc.) pour fonder, à Paris, la Maison des lanceurs d’alerte (MLA [1]) qui est à l’origine d’une législation très protectrice pour la reconnaissance des lanceurs d’alerte. Les combats contre les lois et pratiques liberticides, depuis ces dix dernières années, continuent de mobiliser les énergies. Quelques dossiers particulièrement importants :

– La loi « Renseignement » du 24 juillet 2015 qui, en dépit de toutes les manifestations et échanges avec les parlementaires et représentants de l’exécutif, a été adoptée. Le SNJ ainsi que d’autres est toujours en recours contre cette loi, devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) de Strasbourg. Rappelons que les dispositions du texte permettent aux services de renseignement de capter les données de nos instruments électroniques, de les utiliser, échanger, vendre, sans que les personnes concernées le sachent. Ces mêmes services peuvent géolocaliser les détenteurs ou détentrices. Pour les sources des journalistes, par exemple, c’est catastrophique. Pire, la loi écarte la compétence du juge judiciaire au profit du Conseil d’Etat. La condamnation du patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), Bernard Squarcini, le 8 avril 2014 dans l’affaire d’espionnage de journalistes dite des fadettes, où le SNJ était aux côtés de son confrère Le Monde, serait maintenant impossible.

– La loi « Secret des affaires »,voulue par les grandes firmes internationales et les tenants du CAC 40, a été adoptée le 30 juillet 2018, en dépit d’une très forte mobilisation organisée par une cinquantaine d’organisations, d’une pétition de plus de 600 000 signatures recueillies en quinze jours. Son objectif : limiter drastiquement le travail des journalistes, des lanceurs et lanceuses d’alerte, des syndicalistes, des historiens et historiennes, des chercheurs et chercheuses, des universitaires.

– L’article 24 du projet de loi « Sécurité globale », qui se proposait d’interdire la diffusion d’images de forces de l’ordre en action dans l’espace public, a suscité, en 2018, de très nombreuses manifestations dans toute la France et a fait descendre dans les rues plus de 500 000 personnes en une seule journée. Il a été retiré du projet.

Le Schéma national du maintien de l’ordre (SNMO), publié en septembre 2020, préconisait que les journalistes devaient se faire accréditer auprès des préfectures avant de couvrir les manifestations, et se disperser comme les manifestant∙es, au premier coup de sifflet des forces de l’ordre, et encore qu’ils et elles n’avaient droit à des équipements de protection que si leur comportement vis-à-vis des policiers était « correct » (sic). Attaqué devant le Conseil d’Etat par le SNJ, Solidaires et d’autres organisations, le SNMO a dû être réécrit pour faire disparaitre les dispositions liberticides et rappeler la liberté de la presse. Une liberté qui a été mise à mal durant tout le mouvement des Gilets jaunes puisque le SNJ a recensé plus de 200 cas de journalistes empêché∙es de travailler par les forces de l’ordre. Ils et elles ont été mis en garde à vue, arrêté∙es aux barrages, injurié∙es, leurs cartes professionnelles subtilisées et/ou déchirées. Leur matériel a été confisqué et/ou détruit ainsi que leurs protections. Plus grave encore, plus d’une vingtaine de journalistes ont été délibérément visé∙es et blessé∙s, parfois gravement. Les plaintes déposées tardent à être instruites.

Le travail en intersyndicale

La création, le 28 janvier 1967, de l’Union nationale des syndicats de journalistes (UNSJ), qui réunissait l’essentiel de la profession (SNJ, CFDT, CGT, FO) permettra d’importantes avancées pour les journalistes, à l’époque fortement syndicalisé∙es.  La Convention collective nationale de travail des journalistes (CCNTJ), essentielle pour compléter les principaux points légaux du statut des journalistes, obtenu par la fameuse loi de 1935, déclinée désormais dans le Code du travail, sera signée entre les représentant∙es des employeurs et des journalistes le 1er novembre 1976 et refondue le 27 octobre 1987. Votée à l’unanimité en 1974, la loi Cressard, du nom de son rapporteur, instituera la présomption de salariat pour les journalistes rémunéré∙es à la pige. Ils et elles bénéficient ainsi de l’intégralité du statut. Une très grande victoire pour tous ces ubérisé∙es de la profession.

Le SNJ, implanté dans toutes les formes de presse, n’a cessé de prôner une vision interprofessionnelle et unitaire des luttes. Dans les entreprises comme au niveau régional ou national, il a été souvent fédérateur au point d’être, à l’occasion, choisi comme porte-parole des conflits.  Le travail intersyndical est aujourd’hui rendu très difficile :

– par la disparition quasi générale du paritarisme journalistes/employeurs ;

– par la proximité, presque fusionnelle, des pouvoirs publics et des employeurs ;

– par le fait que le mot négociation est devenu rare, remplacé par rencontres, échanges de vues, discussions, tours de table et autres appellations fantaisistes ;

– par l’appétit de certains représentant∙es de confédérations qui cherchent à prendre les premières places et marginaliser les syndicats autonomes ;

– par la désyndicalisation, l’individualisme et l’absence de réflexes de solidarité.

Rappelons ici la désastreuse loi de juillet 2008 sur la représentativité syndicale. Inspirée par les travaux menés pendant plusieurs mois par les confédérations et le patronat, elle vise, pour les premières, à éliminer les syndicats autonomes par des critères très sélectifs établis pour les élections professionnelles. Les organisations visées ne disparaitront pas pour autant, heureusement, mais leur existence a été rendue bien plus difficile. Pour le SNJ, par exemple, le seuil obligatoire de 10% est parfois un défi, puisque la famille journaliste n’est pas forcément majoritaire dans les grands groupes de presse. Les autres syndicats de journalistes sont intégrés dans les listes confédérales électorales et échappent à cette obligation. Le SNJ, lui, s’appuie sur Solidaires et lui apporte des points de représentativité.

Mondialisation et défense planétaire

La Fédération internationale des journalistes.Georges Bourdon, co-créateur du SNJ, co-fondateur de la Ligue des droits de l’homme (LDH) était un visionnaire, non seulement pour la profession en France mais pour la solidarité mondiale. Grand reporter au Figaro, il avait, par exemple, couvert le procès en appel du capitaine Dreyfus à Rennes en 1899. En 1926, avec l’objectif de doter les journalistes du monde entier de textes protecteurs, il fonde, à Paris, la Fédération internationale des journalistes (FIJ). De quelques syndicats, essentiellement européens, adhérents à cette époque, la Fédération, qui commémorera son centenaire à Paris en 2026, compte maintenant 187 organisations dans 140 pays et représente quelques 600 000 journalistes et travailleurs/travailleuses des médias. La France y est représentée par ses quatre organisations syndicales : SNJ, SNJ-CGT, Journalistes CFDT et Syndicat général FO. Intransigeant∙es sur la déontologie et les valeurs de liberté, les délégués français obtiennent, en 1936, l’exclusion des représentants allemands, très proches du régime nazi. A l’heure des Jeux olympiques de Berlin, c’était un positionnement vital pour la FIJ : le gouvernement du chancelier Hitler fermait les journaux d’opinion, poursuivait les journalistes rebelles, ouvrait les premiers camps de concentration. En 2023, c’est le syndicat russe Russian Union of journalists (RUJ), qui est suspendu pour avoir ouvert des antennes dans les régions ukrainiennes occupées par la Russie.

La vie de la FIJ, émaillée de succès, d’échecs est sujette aussi à des critiques sur son fonctionnement. Le SNJ, par exemple, la quitte pendant quelques années, pour mieux y revenir avec une participation plus étroite à son exécutif, jusqu’à la vice-présidence. Depuis le 2 juin 2022, la présidente, deuxième femme à occuper ce poste, est une française, Dominique Pradalié. A noter qu’un autre militant du SNJ, Anthony Bellanger, est Secrétaire général de la Fédération depuis bientôt 10 ans, le deuxième français depuis 1926. 


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Les combats majeurs de la FIJ. La fédération constate qu’une véritable guerre est menée contre les journalistes qui informent sur la corruption, les secrets d’Etat et les multiples dysfonctionnements des démocraties. Les assassinats de journalistes se multipliant dans toutes les parties du monde, l’objectif essentiel pour la fédération internationale est de faire adopter par l’Assemblée générale des Nations unies une convention contre l’impunité des assassins de journalistes et leurs commanditaires. Ce texte prévoit des contraintes pour les Etats et un dispositif concret d’actions possibles.

Les principales actions de la FIJ lors des guerres récentes :

– En Ukraine, six centres ont été ouverts pour aider les consœurs et confrères. Il leur est attribué des équipements professionnels, protections de guerre (gilets et casques), des accompagnements psychologiques et des formations.

– Depuis le début de la guerre en Palestine, la FIJ qui est présente à Gaza et en Cisjordanie par son affilié le Palestinian journalists syndicate (PJS), multiplie les interventions à tous les niveaux internationaux (Nations unies, Unesco, Parlement européen, Conseil de l’Europe). Grâce aux journalistes du PJS, la presse du monde entier, interdite à Gaza, reçoit des informations sérieuses et contrôlées. Ces journalistes le font au péril de leur vie. C’est ainsi que la FIJ dresse, jour après jour, la terrible liste des journalistes tombé∙es au champ d’honneur de la profession : nom, date, circonstances du décès. Une hécatombe sans précédent : plus d’une centaine en quelques mois ! La FIJ se pourvoira devant la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye.

Julian Assange, un héros paradoxal. Une autre préoccupation urgente de la FIJ est la situation de Julian Assange. Le génial créateur de Wikileaks en 2006, qui permet à tous journalistes et lanceurs∙ses d’alerte de communiquer sans être espionné∙es ni découvert∙es, est en prison de haute sécurité, la plus sévère en Grande-Bretagne, depuis bientôt 5 ans, sans aucune incrimination. Il y subit tortures et très mauvais traitements comme l’a dénoncé publiquement, en 2019, Nils Melzer, rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Son témoignage est publié en français [2]. Les Etats Unis, qui demandent son extradition depuis des années, lui nient la qualité de journaliste et l’accusent d’espionnage, alors que la profession le reconnait, partout dans le monde, comme l’un des siens. Il encourt une peine de …175 ans de prison. L’administration américaine lui reproche, entre autres, d’avoir révélé des crimes de guerre de l’armée américaine en Irak et Afghanistan, d’avoir fait des révélations sur le centre illégal d’emprisonnement de Guantanamo, sur l’espionnage des chefs d’État et des gouvernements étrangers, dont la France, etc. Ces informations ont été relayées par les médias du monde entier et n’ont jamais été démenties. Julian Assange est le seul poursuivi.

Si un journaliste australien, qui a publié en Europe (via Wikileaks), devait être jugé par un tribunal interne américain, selon des lois internes américaines, quel journaliste au monde oserait, désormais, publier des informations qui pourraient déplaire aux Etats Unis ? N’importe quel chef d’Etat pourrait se saisir, n’importe où, de n’importe quel journaliste pour lui faire subir un sort identique.

L’urgence tient à la terrible situation du confrère et au fait que, les 20 et 21 février 2024, une cour britannique siègera pour décider si son appel de la décision d’extradition est recevable ou pas. Dans le dernier cas, Julian Assange est extradable. La Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg (CEDH), pourra-t-elle alors empêcher ce déni du droit international ?

Le SNJ et Solidaires

Le SNJ, dont l’autonomie a été consacrée dès le début, est fondé sur sa souveraineté de décisions. Les militant∙es et adhérent∙es, issu∙es de toutes les formes de presse, y sont rassemblé∙es par la volonté de défendre une information de qualité, élément important de la vie de toute démocratie. L’indépendance du SNJ est essentielle pour elles et eux. Après l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République, le 10 mai 1981, le SNJ a pu proclamer que la gauche « n’était pas un distributeur automatique de libertés ».  Le SNJ est, de loin, le syndicat plus représentatif de la profession. Aux dernières élections des commissaires à la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels” (CCIJP), en 2021, il a obtenu 55,08% des suffrages, devant les cinq autres syndicats. Ce vote triennal permet à toute la profession, environ 35 000 journalistes, de choisir ses représentants et représentantes.


Manifestation parisienne interprofessionnelle du 7 avril 2023. [DR]
Manifestation parisienne interprofessionnelle du 7 avril 2023. [DR]

Lors de la transformation du Groupe des dix en Union syndicale Solidaires, chaque organisation a été invitée à une adhésion solennelle. Le SNJ a confirmé cette adhésion lors de son congrès de 1996, avec 85% de votes favorables. L’article 4 des statuts de l’Union entend respecter l’histoire de chaque membre et stipule notamment : « La constitution de l’Union syndicale Solidaires obéit au principe de liberté et de pleine autonomie des organisations qui la composent. » L’autonomie étant sa marque de naissance, le SNJ a refusé, par 73% des votantes et votants, lors de son congrès d’Angers en 2013 de voir son nom transformé en SNJ-Solidaires. Le logo Solidaires comme celui de la FIJ figurent sur toutes ses communications. Les nombreux échanges d’information, les formations communes sont autant d’occasions de se rencontrer et de travailler ensemble. Les délégations dans les congrès permettent tous les suivis. Le refus des lois liberticides et antisociales s’est largement exprimé dans la rue où les drapeaux et banderoles de Solidaires et du SNJ se côtoient fièrement. Forte de ses structures inédites, de ses conquêtes, l’Union syndicale Solidaires va devoir affronter des défis sans précédent, dans un contexte de politiques ultralibérales et de techniques invasives telles que les médias sociaux, les fake-news et l’intelligence artificielle (IA). L’Union syndicale Solidaires peut compter sur le SNJ pour tous ces combats communs.


Daniel Gentot


[1] www.mlalerte.org

[2] Nils Melzer, L’affaire Assange. Histoire d’une persécution politique, éditions critiques, 2022. 

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