La santé des personnes retraitées

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La santé est un élément primordial du bien-être physique et mental et du confort de vie de chacun, elle doit donc être protégée et préservée à tout âge de la vie. Il est de la responsabilité des politiques d’œuvrer pour que la santé de chacune et de chacun passe avant l’accroissement du capital financier. L’espérance de vie en bonne santé est actuellement de 64,4 ans pour les hommes et 65,9 ans pour les femmes. En 2020, l’espérance de vie sans incapacité à 65 ans était de 12,1 ans pour les femmes et de 10,6 ans pour les hommes


Dès la fin de ses études à l’École normale de Lille, où elle « eu le bonheur de rencontrer des enseignants adeptes de la pédagogie Freinet et de [se] former grâce à eux à ses fondamentaux et méthodes », Michèle Béarez a adhéré d’abord au SNI (FEN), puis au SGEN-CFDT, qu’elle quitte fin 1995, au moment des grèves contre le plan Juppé. Un an plus tard, elle participe à la création de SUD Éducation dans le Nord/Pas-de-Calais. Retraitée en 2010, elle rejoint l’Union départementale interprofessionnelle des retraité∙es Solidaires 59/62 qu’elle représente, avec d’autres camarades, au Conseil d’administration de l’Union nationale interprofessionnelle des retraité∙es Solidaires. Michèle Béarez siège, pour l’Union interprofessionnelle régionale Solidaires, au Conseil départemental de la citoyenneté et de l’autonomie (CDCA) du Nord. Elle est aussi bénévole à la CLE, association qui aide les enfants scolarisés, du cours préparatoire à la terminale, ainsi que les adultes migrants. Elle donne aussi des cours d’alphabétisation dans le cadre d’une autre association : Banta


[Solidaires]
[Solidaires]

Avec l’âge, les capacités physiques diminuent, les organes vitaux fonctionnent moins bien, les risques de maladies cardiovasculaires ou d’AVC s’accroissent de même que les risques de chute. Aux premiers rangs des maladies chroniques avec un lourd fardeau, on trouve les pathologies neuro-vasculaires, les troubles cognitifs majeurs, les maladies respiratoires, le diabète et le cancer du poumon. La maladie d’Alzheimer touche environ trois millions de personnes. Ajoutons les troubles visuels ou auditifs qui amènent les personnes âgées à consulter des spécialistes. En France, on estime la prévalence de la fragilité entre 10 et 13% chez les plus de 55 ans. Cette fréquence augmente de manière exponentielle avec l’âge, est plus importante chez les femmes et marquée par d’importantes inégalités sociales. Les personnes âgées ont donc naturellement plus souvent recours aux professionnels et aux établissements de santé (médecine de ville, spécialistes, urgences, hospitalisations).

Or, par suite des différentes réformes de la protection sociale, et en particulier de l’assurance maladie, la population retraitée est de plus en plus confrontée à de multiples difficultés d’accès aux soins : diminution de la prise en charge par l’assurance maladie (reste à charge et déremboursement de médicaments) alors que les retraité∙es subissent une baisse de revenus résultant du gel des pensions ou de leur faible revalorisation ; coût élevé des soins et dépassements d’honoraires ; franchises médicales ; désertification médicale dans les campagnes, certaines banlieues et petites agglomérations ; difficulté de mobilité due à l’éloignement des grands centres (absence de voiture et transports publics) ; diminution de l’offre d‘établissements de santé ; fermeture de lits en gériatrie.


[DR]
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Le secteur hospitalier français comprenait, en 2021, 2 984 établissements, 1 347 hôpitaux publics, 972 cliniques privées et 670 établissements à but non lucratif. En 2021, les établissements de santé comptaient 382 587 lits d’hospitalisation complète, soit 82 450 lits de moins qu’en 2003 et 80 000 lits d’hospitalisation partielle. Les Unités de soins de longue durée (USLD) ont vu leur nombre fortement diminuer : on est passé de 80 000 lits fin 2003 à 31 404 fin 2019, en raison de la transformation de certaines unités en EHPAD. Depuis une vingtaine d’années, l’organisation de l’offre de soins évolue vers une hausse importante du nombre de places d’hospitalisation non complète (sans nuitée) et d’hospitalisation à domicile, avec une diminution continue des capacités d’hospitalisation complète. Le nombre de lits en hospitalisation complète a diminué à un rythme régulier durant la période 2013-2019 : -0,9% par an en moyenne. La baisse a été plus marquée en 2020 (-1,2%, soit -5 700 lits). Plus de 4 300 lits d’hospitalisation complète ont encore été supprimés en 2021.

L’Hospitalisation à domicile (HAD) se développe à un rythme soutenu. Les 292 établissements d’HAD recensés en France étaient en mesure de prendre en charge simultanément 21 300 patientes et patients en 2020. À cause du COVID, de nombreux malades ont été pris en charge à domicile plutôt qu’en hospitalisation conventionnelle. Certaines personnes âgées ont été écartées des urgences pour laisser la priorité aux malades plus jeunes, ce qui n’aurait pas eu lieu si l’hôpital n’avait subi d’importantes contraintes de personnel ne permettant pas de maintenir les lits. Ainsi, la pandémie de COVID 19 s’est avérée être un puissant révélateur du manque de considération pour la parole des patient∙es et de leurs familles par le pouvoir d’État. Au sein des EHPAD, elle a également révélé l’effroyable état de la question des résidents et résidentes oublié∙es, exilé∙es du monde, dont la parole a été anéantie, à qui on a confisqué la voix, des femmes et des hommes dont certain∙es sont morts seuls, interdits du moindre lien affectif.

Les urgences

Parmi les personnes accueillies aux urgences, les patient∙es âgé∙es constituent un groupe spécifique, mobilisant les équipes d’urgence de façon particulière. Leur prise en charge comporte un nombre d’actes plus élevé, une hospitalisation plus fréquente en Unités d’hospitalisation de courte durée et se caractérise par une durée de passage plus longue que celle des plus jeunes. La durée médiane du temps de passage aux urgences est de 4h30 pour les personnes âgées de 75 ans et plus, contre 2 h20 pour les 15-74 ans. Cela est dû en partie aux modalités d’hospitalisation éventuelle en aval des urgences : le délai pour obtenir un lit est plus long pour les personnes âgées. L’ensemble des chefs de service et praticiens, qui s’expriment dans un rapport d’information réalisé en juillet 2017 pour la commission des Affaires sociales, ont pointé la question de l’aval des urgences comme la difficulté majeure de leur pratique quotidienne. Celle-ci recouvre plusieurs problèmes, allant de l’accessibilité des plateaux techniques hospitaliers au manque de lits disponibles dans les services spécialisés, en passant par la pénurie de places dans les structures de prise en charge extrahospitalières, que ce soit pour les personnes âgées ou les personnes en situation de handicap.

Il faut, non seulement assurer le désengorgement des urgences mais également garantir immédiatement le bon aiguillage des patient∙es vers la structure spécialisée adéquate, de manière à éviter le retour aux urgences et les hospitalisations multiples. Il semble plus difficile d’obtenir un lit en médecine qu’en chirurgie, ce qui résulte des politiques de fermeture de lits menées dans ces services, ces dernières années. La spécialisation, voire l’hyperspécialisation croissante des services, s’est accompagnée d’une érosion progressive des solutions d’accueil générales et polyvalentes et notamment des services de médecine générale. Ceux-ci sont pourtant mieux adaptés aux problématiques complexes des personnes âgées, qui présentent souvent de multiples pathologies. En l’absence de solutions, l’ajustement passe par l’allongement des délais d’attente, par une hospitalisation en Unité hospitalière de courte durée mais également par des retours à domicile inappropriés. En outre, dans 13% des cas, les patient∙es se trouvent hospitalisé∙es dans un service non adapté. Dès les urgences, ou au plus tôt lors de l’admission, les professionnel∙les doivent réaliser une évaluation gériatrique complète, basée sur des données médicales et sociales pertinentes. À partir de là, sera construit un projet thérapeutique en intra et en extra hospitalier et un accompagnement pour favoriser son autonomie sera proposé.

Une personne âgée renvoyée rapidement chez elle doit pouvoir bénéficier d’aides à domicile, à moins que la charge ne retombe sur les proches aidants. Il existe une procédure d’Allocation personnalisée d’autonomie (PA) d’urgence ; mais dans certains départements, le plan d’aide n’est accordé qu’une fois tous les documents exigés réunis, ce qui prend plusieurs jours. L’hôpital n’attend pas toujours que ce plan d’aide soit mis en place avant de renvoyer la personne, car la pénurie de lits exige qu’ils soient vite libérés. Il existe des situations dans lesquelles un patient ou une patiente se retrouve à passer la nuit sur un brancard. Elles ne répondent pas à l’exigence d’humanité dans la prise en charge et sont à l’origine de perte de chances de survie pour les malades, dès lors qu’ils ou elles ne bénéficient pas d’une prise en charge immédiate et adaptée. On reproche aux personnes âgées d’encombrer les urgences et de coûter cher à la sécurité sociale. Ces propos sont indignes étant donné que l’on parle de personnes qui, pour une bonne part, ont usé leur santé au travail, contribuant à enrichir le pays. De plus, beaucoup d’entre elles, avant d’être atteintes par la maladie, ont continué à s’investir dans des activités bénévoles au service de leurs concitoyens et concitoyennes.

En outre, il existe pour les personnes âgées une forme de passage obligé par les urgences, alors qu’elles pourraient être directement accueillies dans les services compétents. Dans certains établissements, il existe des points d’accueil des urgences pour les patients et patientes âgé∙es. Un point d’accueil sur quatre est situé dans un établissement de santé comportant un accès direct aux services de gériatrie. Un sur quatre l’est dans un établissement où cet accueil est épisodique. Pour la moitié des points d’accueil, l’établissement est dépourvu d’accès direct en service de gériatrie. Pour les établissements qui ne possèdent pas de service spécifique de gériatrie, il est possible de faire appel à un gériatre, soit par le recours à une équipe mobile gériatrique, soit par un appel au gériatre de l’établissement. Cependant, selon la DRESS, 17% des points d’accueil n’ont pas de gériatre dans leur équipe et n’ont pas la possibilité de faire appel à un gériatre. Il faut donc développer les services de gériatrie aiguë. La DREES relève un sur-recours aux urgences pour les personnes hébergées en EHPAD. Cela est dû à l’insuffisance et l’inadaptation des prises en charge disponibles dans les EHPAD. Il faut donc développer les prises en charge médicalisées dans les EHPAD.

L’hospitalisation à domicile

Les personnes âgées représentent 29% des séjours hospitaliers du secteur court séjour, 40% de l’hospitalisation à domicile et 50% des soins de suite et de réadaptation. 60% des patient∙es âgé∙es décèdent à l’hôpital. L’hospitalisation à domicile est la formule la moins coûteuse, elle est donc souvent privilégiée. Encore faut-il que la vie de la patiente ou du patient ne soit pas mise en danger. Si son état s’aggrave, va-t-elle/il pouvoir bénéficier rapidement des secours nécessaires ?

L’aspect financier

Depuis 1967, le patronat a, de fait, la mainmise sur le budget de la sécurité sociale. Les élections au Conseil d’administration ont été supprimées[1], la gestion est devenue paritaire : 50% de représentant∙es du patronat et 50% des organisations syndicales dites représentatives. Dès lors, l’État accompagne le patronat dans ses exigences de baisse des dépenses de santé. En avril 1977, le plan Veil prévoit des mesures drastiques d’économies des dépenses de santé, notamment par l’augmentation du ticket modérateur sur les médicaments dits de confort (qui passe de 30% à 40%). En 1983, le forfait hospitalier est créé. Il sera repris par de nombreux gouvernements et augmenté (20€ depuis 2018). Depuis le 1er janvier 2022, chaque personne qui se rend aux urgences pour des soins non programmés, et qui sort sans être hospitalisée, doit régler un forfait patient urgences de 19,61€. Les personnes en affection de longue durée et celles qui bénéficient de prestations à la suite d’une maladie professionnelle paient un forfait dit minoré, de 8,49€.


A l’occasion d’un anniversaire de Jean-Marie Lempereur, militant retraité Solidaires dans le Nord/Pas-de-Calais. [Michel Mercier]
A l’occasion d’un anniversaire de Jean-Marie Lempereur, militant retraité Solidaires dans le Nord/Pas-de-Calais. [Michel Mercier]

Depuis le plan Juppé en 1995, chaque année, le Parlement vote la Loi de financement de la sécurité sociale. Cela veut dire que le pouvoir politique fixe, a priori, une limite aux dépenses de sécurité sociale ; les besoins de santé de la population ne pourront être satisfaits qu’à l’intérieur de ce plafond. C’est l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM). On a renoncé au principe consistant à quantifier les besoins, pour mettre en place, ensuite, le financement nécessaire, afin  d’assurer le bien-être de tous et toutes. L’ONDAM programme chaque année une réduction des dépenses de santé, et donc des moyens alloués aux hôpitaux. Dans le même temps, les prix des mutuelles explosent, pour faire face aux déremboursements les plus importants opérés par l’assurance maladie. Les cotisations élevées et les plafonnements de prise en charge de certaines prestations médicales sont loin de satisfaire les besoins spécifiques des sénior∙es (le bon remboursement des montures, des verres à correction complexe, la prise en charge des soins de réadaptation, les médecines douces etc.). Dans ce cas, une des solutions proposées est de souscrire une surcomplémentaire santé. Cette formule de santé additionnelle donne la possibilité d’être remboursé de l’intégralité des dépenses médicales. Cette offre est foncièrement injuste, puisqu’elle ne peut concerner que les populations les plus aisées. De même, le prix des mutuelles augmente en fonction de l’âge des personnes et les taux de remboursement des soins et médicaments dépendent du montant payé par ces dernières, ce qui crée un système de santé à deux vitesses. Il y a les retraité∙es aisé∙es qui sont en général les moins usé∙es par le travail et de mauvaises conditions de vie, qui peuvent s’offrir une bonne mutuelle et ont  ainsi facilement accès aux soins dont ils et elles ont besoin, et les retraité∙es dont la santé a été altérée par un travail dur et de mauvaises conditions de vie, qui ne peuvent adhérer à une mutuelle, vu le faible montant de leur retraite ou qui doivent choisir une mutuelle qui rembourse à minimum. 3,3 millions de Français∙es vivent sans mutuelle. Et la tendance ne fait que s’accroitre. Ceux et celles qui renoncent le plus à une mutuelle sont les retraité∙es, les étudiant∙es et les chômeurs et chômeuses.


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L’évolution des prix des consultations des médecins généralistes et spécialistes continue à enregistrer des hausses annuelles, comme l’augmentation de 23 à 25€ pour les simples consultations auprès des médecins généralistes. Ces derniers touchent 25€ ou plus pour les téléconsultations, 40 à 46€ pour les visites dites complexes, 30 à 55 € pour les patients et patientes présentant des symptômes d’une affection ultra-contagieuse (tel le COVID 19), à partir de 65€ pour les visites à domicile. En revanche, le remboursement des tarifs des professionnel∙les de santé par le régime de base reste le même, soit 70% de la base de remboursement de la sécurité Sociale pour les visites respectueuses du parcours de soins coordonné en secteur 1 ou signataires de l’Option de pratique tarifaire maîtrisée (OPTAM) et 30% pour les consultations directes sans passer par le médecin traitant. Les consultations longues sont facturées 70€. Elles englobent les visites médicales qui traitent des maladies neurodégénératives, la sclérose en plaque ou certaines affections de longue durée. Le médecin peut facturer un tel tarif jusqu’à trois par an et par patient. Les honoraires de consultation chez les médecins spécialistes des secteurs 1 et 2 ont évolué durant ces trois dernières années. Actuellement, le prix d’une simple visite chez un spécialiste est de 35€ en secteur 1. Pour le cardiologue, le prix d’une visite est de 60€, voire plus dans certains cas. Les médecins spécialistes du secteur 2 pratiquent des honoraires libres. Les tarifs pour les consultations à domicile sont de 65€ durant les jours ouvrables, de 8h à 20h, et de 79 à 110€ après 20h ; pour les week-ends et les jours fériés, les prix des visites médicales sont de 79€ de 8h à 20h et de 90 à 125€ après 20h. Le remboursement des visites à domicile est le même qu’une consultation ordinaire, soit une prise en charge de 16,50 € par la sécurité sociale. Le reste sera partagé entre et le patient et sa mutuelle.

Nos revendications

La Loi de finances de la sécurité sociale 2023 présente un budget nettement insuffisant pour répondre aux besoins de santé dans notre pays et cela va une fois de plus impacter fortement les citoyens âgés. Nous exigeons :

Une loi de programmation vis-à-vis du grand âge, attribuant des moyens suffisants pour permettre aux personnes âgées de vivre dignement jusqu’à leur fin de vie.

Un droit à l’autonomie inséré dans la branche maladie de la sécurité sociale, financé par les cotisations et la création d’un grand service public de l’autonomie.

La création de centres de santé publics, en lien avec les hôpitaux ou EHPAD, dans tous les territoires.

100 000 embauches dans l’hôpital public

La fin des exonérations de cotisations sociales octroyées aux entreprises.

Le rétablissement du remboursement à 100% par la sécurité sociale de tous les médicaments et équipements dits, à tort, de confort.

La suppression des franchises médicales, du forfait hospitalier et des dépassements d’honoraires.

Le blocage des plans de fermetures de lits, de services, de réductions d’effectifs dans les structures publiques de santé.

Une augmentation des pensions de retraites dans tous les régimes.

Pour que le système de santé soit efficace, universel et juste, il ne doit en subsister qu’un seul, la sécurité sociale, à laquelle tous les citoyens et citoyennes devront contribuer, quelle que soit leur profession, en proportion de leurs revenus ; tous et toutes bénéficieront donc tous des mêmes droits.


⬛ Michèle Béarez


[1] Après celles de 1962, de nouvelles élections eurent toutefois lieu en … 1983. Les mandats étaient de 6 ans, mais, pour ne pas refaire d’élections, ils furent régulièrement prolongés … jusqu’à la nouvelle suppression des élections, entérinée par la contre-réforme de 1996 (plan Juppé de 1995).

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