Évolution des questions féministes dans Solidaires

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Voici quelques éléments de cette évolution à travers un entretien entre des militantes qui se sont succédées à l’animation de la commission femmes de Solidaires.


Annick Coupé, Cécile Gondard-Lalanne, Murielle Guilbert et Julie Ferrua ont animé ou animent la commission Femmes de l’Union syndicale Solidaires. Elles en ont également été, ou sont, membres du Secrétariat national. Entre autres…


[Emilie Seto]
[Emilie Seto]

Les débuts, nos débuts !

Annick

Historiquement : j’étais d’abord à la commission femmes à la CFDT avant la scission qui est à l’origine de la création des SUD. À la création de SUD PTT, fin 1988, on avait une sensibilité politique féministe bien présente et donc la volonté de créer une commission femmes dès les débuts. Déjà, il y avait un quota de femmes qui avait été décidé au sein du Bureau fédéral (25 % de femmes). Le Groupe des 10 (qui va préfigurer Solidaires), dans les années 90, est un collectif informel, pas structuré. La question de commissions femmes ne se pose qu’après 1995, avec la réémergence de manifs féministes et dans la suite du mouvement des infirmières notamment, ce qui aboutit à la création du Collectif national pour le droit des femmes (CNDF), et du Collectif pour l’avortement et les droits à la contraception (CADAC). Tout ceci réouvre les questions féministes. SUD PTT et SUD santé sociaux sont porteurs de cette question là. On met en place la commission femmes lors de la mise en place officielle du G10, en 1998. Au début peu d’organisations sont présentes, avec des organisations syndicales autonomes qui n’ont pas d’approche féministe, mais on met aussi en place les Journées intersyndicales Femmes (entre des camarades de la FSU, de la CGT et SUD), avec un vrai démarrage en 1998.

Il y a des discussions à l’époque avec le SNUI qui est ok sur les questions d’égalité professionnelle, mais qui disent qu’il n’y a pas de souci fondamental étant donné que les règles de la fonction publique sont égalitaires, et aussi qu’il y a beaucoup de femmes syndiquées au syndicat et/ou en responsabilité (c’est un secteur où environ la moitié sont des femmes). On cherchait à avoir des chiffres sur la présence de femmes dans nos organisations, mais peu étaient en capacité de les fournir : pas de données, ou des données locales mais qui ne remontent pas au niveau national. On voyait bien que ce n’était pas la priorité, mais petit à petit ça a avancé…avec surtout des militantes qui ont poussé pour que leur organisation participe à la commission femmes. Le débat sur mixité ou non-mixité s’est posé pour la commission femmes : ma position était de dire que ça pouvait être mixte, en sachant que ça n’allait pas se bousculer côté hommes voulant y participer ! Il y avait peu de choses dans les congrès avant 2001 où ça va progresser.


[Emilie Seto]
[Emilie Seto]

Cécile

Je suis arrivée à SUD PTT, en 2000 au Bureau fédéral, et au Secrétariat fédéral en 2001, et on m’a sollicité parce qu’il y avait une place vacante « femme ». Les journées intersyndicales sont fondatrices pour moi, et permettent la prise de conscience de l’oppression, et ça éclaire notamment pourquoi on ne recrute pas dans certaines filières. C’est Nelly Martin (aussi de la Marche mondiale des Femmes) qui était là en 2001 et je prends rapidement l’animation de la commission femmes dans SUD PTT. Parallèlement, la loi Génisson porte l’obligation de négocier un accord « égalité professionnelle », et cela nécessite de s’en emparer syndicalement, de voir les inégalités du quotidien au travail. J’avais été marquée par le débat sur la commission femmes au premier congrès de SUD PTT auquel j’ai assisté, sur le mode « que font les nanas qui papotent entre elles et avec le mouvement féministe parisien ? » ; ce qui posait la question de l’appréhension de ces sujets. Je vais du coup à la commission femmes de Solidaires, où sont présentes des camarades de SUD emploi, SUD santé sociaux, SUD FPA, SUD Culture et Annick, et on prépare beaucoup les intersyndicales femmes. Le contexte social est important : l’enjeu de l’égalité professionnelle, comme la question des stéréotypes sexués. J’ai des contacts avec le Planning familial, et je me dis qu’il faut faire de la formation ! Annick m’a beaucoup transmis, notamment sur les liens entre les mouvements féministes et le monde du travail. D’où l’idée de formations qui lient ces deux éléments ensemble. L’idée est que cette formation crée du travail syndical et du réseau.

Murielle

J’arrive à la commission femmes de Solidaires vers 2009/2010, au moment où j’intègre le Bureau national de Solidaires Finances publiques. Quelques années auparavant je m’étais heurtée à une règle salariale discriminatoire suite à un mon retour de congé parental (payée moins, et avec le même poste, sur la même chaise !). Et ça cristallise mon engagement féministe ; une militante nationale m’avait invité à participer aux Intersyndicales Femmes et à des premières discussions au sein du SNUI mais pas mal de camarades étaient fortement réticent∙es au nom d’une universalité des droits. Dans le même temps, je suis mandatée pour participer à la commission femmes de Solidaires, qui est aussi une bouffée de sororité et de réflexion quant aux pratiques militantes. En 2007 c’est la loi de modernisation de la Fonction publique (qui introduit la notion de mérite notamment) qui fait que j’écris une note conséquente sur l’égalité femmes/hommes dans la Fonction publique pour pointer les discriminations indirectes qui créent les mêmes inégalités femmes/hommes que dans le privé, même si c’est à une échelle moindre. Quelques années après, des négociations sur cette question là commencent aux Finances (avec une vraie volonté politique pour une fois, même si sans les moyens). Avec Florence Toquet, secrétaire nationale du SNUI, on bâtit tout un argumentaire interne sur ces questions, ce qui oblige le syndicat à s’emparer du sujet. Un autre moment frappant, c’est en 2008, lors du congrès de Saint-Jean-De-Monts, où l’on veut faire intégrer dans les statuts que Solidaires s’inscrit « dans une démarche féministe » visant l’égalité femmes/hommes et où cela a failli ne pas passer à une voix près ! Toutes ces années où on a porté à quelques militantes très volontaristes ces sujets à bout de bras, ont permis d’amorcer tout un travail au sein du SNUI puis de Solidaires finances publiques, d’avoir une commission femmes au sein de Solidaires Finances, puis de Solidaires Finances publiques qui s’y investit de plus en plus, et aussi autour des questions LGBTQI. Puis, en 2017, quand j’arrive au Secrétariat national de Solidaires, je co-anime avec Cécile la commission femmes. Suivre et animer les formations de Solidaires a été central pour moi.

Julie

J’arrive fin 2009 à SUD santé sociaux. Mon premier gros souvenir féministe en tant que syndicaliste, c’est la manif féministe du 8 mars 2012 à Toulouse « grèèève des femmes ». Dans le congrès de la fédération, à Lille, en 2012, il y a la féminisation des textes… qui provoque des débats internes. Je m’investis dans la commission féministe de Solidaires 31 suite à ça. Je découvre les intersyndicales femmes en 2013 et je m’aperçois que le 8 mars n’existe pas partout en France. L’année d’après, on s’engage au niveau de Solidaires pour promouvoir la grève des femmes. Dans la commission féministe de Solidaires 31, on travaille sur la résolution « femmes » du congrès de Solidaires en 2014… et Solidaires 31 oublie d’envoyer les amendements de la commission. Après discussion à l’AG des syndicats, je suis mandatée pour participer au congrès de Dunkerque avec le mandat de soutenir les amendements qui allaient dans le sens de ceux que nous avions proposés. Avec la copine de SUD Collectivités territoriales avec qui j’y suis, on est choquées de la représentation à ce congrès, très masculin, et plutôt âgé. Je suis mandatée par mon syndicat départemental pour participer à la commission femmes de SUD santé sociaux, qui changera de nom pour commission féministe. Je fais la formation de formatrice Solidaires sur ces questions et commence à co-animer des formations sur le sujet. Cette formation me délivre du « syndrome de l’imposteur » et me donne assez d’assurance pour être mandatée au Secrétariat fédéral de SUD Santé Sociaux en 2019.

Une crise interne au sein du Secrétariat fédéral de SUD santé sociaux sur des questions de sexisme d’ambiance fait que la commission femmes a eu un peu un passage à vide dans la période 2018-2020. On essaye de faire prendre conscience des conséquences du sexisme ordinaire sur la vie des femmes, puis d’être force de proposition pour régler les choses, mais il n’existe pas de protocole à cette époque, et on se retrouve démunies. Il se crée une commission ad hoc, mais les membres de la commission féministe ne peuvent y participer et la mise en place de celle-ci capote. On a senti, après la crise, un retour en arrière sur les questions féministe au sein de la fédération. On a perdu des militantes. Même si cela fut une période pas facile, l’expérience de SUD santé sociaux m’a permis d’avoir confiance en moi pour ensuite intégrer le Secrétariat national de Solidaires en octobre 2020. Et je deviens co-animatrice de la commission femmes avec Murielle.

Le rôle des formations dans l’évolution de la prise en charge et la transversalité des questions de genre

Cécile

Je me rends compte qu’il faut redonner de la légitimité à la commission femmes, et je sais que ça va passer par les formations. On voit des résistances. Je rencontre Corinne Mélis qui fait les formations au planning sur ces sujets, et on réfléchit sur pourquoi on butte dans le monde du travail, avec la question de la construction sociale du patriarcat ; et je mesure toute l’importance de l’éducation populaire. On décide de partir de l’individu pour pouvoir déconstruire les schémas sociaux et pouvoir ainsi travailler sur ces oppressions. On met en place ces formations au sein de SUD PTT, ça marche vachement bien, et j’en parle à la commission femmes de Solidaires ; l’idée est de la proposer à l’interpro. C’est comme ça qu’on lance ces formations. Elles regroupent souvent des militant∙es pas forcément en responsabilité syndicale, sans contact entre elles, mais les constats sont les mêmes partout. En faisant ces formations, on touche aussi à la question des violences conjugales, vécues par des stagiaires ou à prendre en charge syndicalement. Du coup on monte la formation « Agir syndicalement contre les violences sexistes et sexuelles », avec Gaëlle Differ (SUD PTT), Cédric Roms (SUD Culture), moi, Corinne (Solidaires Asso) et Murielle ensuite pour les animer. Mais le besoin d’étendre ces formations se fait sentir et on crée les formations de formatrices entre 2011 et 2014. La nouvelle loi sur le harcèlement sexuel est votée en août 2012. La formation de formatrice sur les violences sexistes et sexuelles se met aussi en place.

Julie

Nous avons récemment fait deux journées de débrief entre les formatrices sur ces sujets « égalité » et « lutte contre les violences », en décembre 2023, avec des formatrices-teurs d’un peu partout. Le débrief des formations a indiqué que de plus en plus de structures intègrent ces éléments de féminisme dans la formation de base de leur syndicat, avec de nouvelles demandes d’avoir des petits modules deux heures.

Cécile

Il convient d’articuler les formations, par des modules de deux heures par exemple sur les référent∙es harcèlement sexuel, dans les formations CSE. C’est un mouvement d’intégration des questions féministes aussi dans les autres formations à travers certains éléments, et/ou des temps féministes.

Murielle

Cette transversalité genrée dans les formations est toujours en cours. Et elle peut avoir lieu parce que c’est porté par des camarades formées sur les questions féministes dans les commissions ou les formations. Les questions traversent non seulement les thématiques classiques du CSE (notamment aussi sur la question de l’obligation de représentation des femmes aux élections), mais aussi les sujets de l’écologie, de l’extrême droite notamment. Cette transversalité existe aussi avec la commission internationale qui met en lumière les questions féministes à l’international depuis des années, et Cybèle David co-animatrice actuelle de cette commission a contribué avec d’autres, à mettre le focus sur ces sujets, notamment avec le travail avec les zapatistes.

Annick

Ce qui a joué aussi c’est le focus qu’on a réussi à imposer dans les mobilisations retraites sur la question des femmes qui subiraient encore plus l’inégalité flagrante des réformes par rapport à des retraites déjà inférieures de 40 %. Déjà en 2003 on avait tenté ce lien, mais il a été porté et fait de plus en plus, en 2010, 2019 et lors du mouvement de 2023.

Murielle

Effectivement, en 2023, on avait déjà de l’expertise acquise de ces mobilisations passées. Et ça aboutit sur un appel intersyndical élargi inédit lors du mouvement retraite qui appelle à « rejoindre les mobilisations du 8 mars 2023 ». Et cette année, la CFDT est en passe d’appeler pour la première fois à la grève le 8 mars 2024 !


LA PLACE DES ENJEUX FÉMINISTES DANS LES CONGRES SOLIDAIRES
Au fur et à mesure de sa construction, les enjeux féministes vont être de plus en plus développés dans les congrès de Solidaires, confirmant que nous sommes passé·es du volontarisme de quelques-unes à une prise en charge assumée collectivement nationalement. Quelques étapes…

2e congrès Créteil (2001) : « Nous proposons de mettre en place une commission interprofessionnelle nationale visant à analyser la situation des femmes dans le travail et dans la société et leur place dans notre union syndicale […] »

4e congrès Saint-Jean-de-Monts (2008)
Inscription dans le préambule des statuts (vote à l’unanimité) : « Le syndicalisme s’inscrit dans une démarche féministe en agissant pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Les inégalités entre les sexes traversent l’ensemble de la société (travail, école, famille, vie publique), le souci de les combattre ne se limite pas au champ professionnel. Le syndicalisme, tel que nous le concevons, veut promouvoir l’adhésion, l’activité, la participation et l’engagement des femmes à toutes les tâches et tous les échelons du syndicalisme. »
Dans la résolution : « Femmes : une égalité qui reste à conquérir : Après avoir parlé des inégalités dans le monde du travail persistantes qui renvoient à l’organisation sociale marquée par la domination masculine, il est pointé la nécessité d’un travail interne pour repenser certaines pratiques quotidiennes, pour atteindre un taux de syndicalisation des femmes, un taux de candidates aux élections professionnelles et un taux de femmes responsables de structures syndicales similaires à celui existant au sein du champ concerné. »

5e Congrès Villefranche-sur-Saône (2011)
Bilan d’activité de la commission femmes : « la commission a réactualisé le Guide des droits des femmes et a publié un dépliant sur les violences faites aux femmes. Globalement, la commission constate la difficulté pour que les femmes prennent toute leur place dans les différentes structures de Solidaires, à tous les niveaux. »

6e congrès Dunkerque (2014)
Pour la première fois, adoption d’une résolution à part entière « Égalité entre les femmes et les hommes : un enjeu syndical »elle touche à toutes les inégalités femmes-hommes, au travail, dans la société (positionnement sur le logement, la prostitution, l’immigration), les violences sexistes et sexuelles et pointe le caractère systémique des inégalités.

7ème congrès Saint-Brieuc (2017)
L’approche genrée est intégrée dans différentes thématiques, par exemple : le télétravail ne peut être utilisé comme moyen pour répondre à la prise en charge inégale femmes/hommes des tâches domestiques et familiales… La grève des femmes est affirmée.

8ème Congrès Saint-Jean-de Monts (2021)
Lecture d’une charte en ouverture du congrès, pour un congrès inclusif, hors de toute oppression, qui vise notamment à prévenir tout comportement sexiste, ou violence sexuelle.
Dans le préambule des statuts de Solidaires, rajout validé à l’unanimité (après la phrase sur le respect de l’intégrité physique et mentale de chaque être humain qui est une valeur fondamentale du syndicalisme) : « À ce titre, les violences, agissements, agressions ou positions sexistes, racistes, lgbtiphobesn’ont leur place ni dans notre syndicalisme, ni dans la société ».
Dés éléments figurent aussi dans la deuxième résolution : Notamment le positionnement pour la PMA pour tous.tes, et son remboursement à 100 %. De nombreuses revendications antiracistes et LGBTQI+ intègrent le revendicatif, en articulation notamment avec le revendicatif féministe.


8 mars et évolution de la prise en charge des questions à Solidaires

Annick

On est parti d’un sujet assez marginal dans Solidaires, porté seulement par quelques-unes, et ça a été « toléré ». Le fait d’être en responsabilité de Solidaires, ça a aussi joué. Aujourd’hui ce sujet a une vraie légitimité, et ne pourrait pas, à mon sens, être remis en cause. En 25 ans, c’est ça qui est important. Parce que des militantes ont porté ça, les intersyndicales femmes ont été importantes et cette expérience était considérée comme positive. D’une démarche volontariste, on est passé à une valeur forte dans Solidaires, qui passe aussi par le 8 mars, et se transmet entre générations militantes.

Cécile

On est effectivement passé du volontarisme à une vraie démarche collective (voir l’encart sur les avancées en congrès). Grâce à la transmission, on a toujours eu un temps d’avance, avec les intersyndicales femmes par rapport au contexte universitaire où ces sujets se développent, les formations et un contexte social fait de mobilisations. La question des retraites, la fonction publique, les violences… avant le metoo syndical. Quand on commence les formations inégalités stéréotypes en 2005, on arrive à la nécessité de créer les commissions qui doivent aussi pouvoir traiter ces sujets, dans les Solidaires locaux particulièrement.


[Fred Sochard]
[Fred Sochard]

Annick

On a toujours eu une vision d’ouverture sur les mouvements sociaux à Solidaires, et on a toujours pensé que notre réflexion syndicale devait être alimentée par l’extérieur, ça a aussi permis ça ; la CGT était plus frileuse là-dessus, même si ça a bougé.

Julie

Aujourd’hui il y a une vraie reconnaissance de Solidaires dans le mouvement féministe. Comme je l’ai dit au début, en 2013 je découvre que l’appel à la grève des femmes le 8 mars n’existe pas au niveau national. Alors qu’à Toulouse avec plusieurs organisations féministes, la FSU et la CNT, nous l’avons impulsé en 2012. Et pour nous il a toujours été essentiel de construire le 8 mars en interorga, en liant les associations féministes, le mouvement autonome des femmes et les syndicats.

Murielle

J’ai notamment un souvenir d’une première rencontre, en 2014, où Cécile m’emmène avec elle pour convaincre les représentantes du CNDF que la question de la grève des femmes peut servir à redynamiser un 8 mars, journée internationale de lutte pour le droit des femmes : ça n’a pas été une mince affaire ! L’élan mondial en 2018 sur le 8 mars particulièrement en Espagne et en Amérique latine (très lié aux luttes contre les violences sexuelles et sexistes) a été porteur de cette mobilisation, faisant le pont entre le syndicat et le mouvement féministe. C’est devenu la grève féministe avec le choix de la CGT et la FSU d’y appeler quelques années après cette première pour Solidaires. 


[Emilie Seto]
[Emilie Seto]

Cécile

Ça a toujours été un peu plus compliqué aussi pour la FSU vu son cadre dans la fonction publique. Pour la CGT, il y a comme une concurrence entre les autres mouvements sociaux et elle. Sa capacité à se nourrir des autres est plus complexe.

Murielle

Il y a aussi la question du paradoxe. On est en avance sur plein de points mais il y a tout le temps des résistances. On est tout le temps en train de ménager car certain∙es ont peur que ça aille trop loin. Mais c’est quoi trop loin ?

Annick

On tient à l’autonomie des syndicats nationaux, au fédéralisme et parfois les valeurs que l’on obtient au niveau national de façon consensuelle, ne sont pas forcément reprises dans les syndicats. C’est la même question que de passer de l’égalité formelle à l’égalité réelle.

Murielle

Tout le travail réalisé en amont sur les violences sexistes et sexuelles, la formation 8 mars toute l’année et les Post-its écrits par des militantes à ce moment-là, a permis de voir l’ampleur de la question en interne, un metoo syndical. Ça a permis de prendre conscience, d’engager un travail avec un plan de formation, des tracts, une brochure ; ce qui fait que quand on arrive, des années après, à devoir intervenir dans les instances pour qu’il y ait une exclusion d’un militant pour viol, il y a eu de fortes prises de paroles politiques qui ont fait aussi pression sur la structure qui en avait la compétence.

Cécile

Effectivement, on a peut-être mis du temps, mais du coup c’est un acquis solide et qui s’est diffusé. C’est du temps long mais on avance.

Murielle

On est toujours dans un mouvement où il y a des choses qui font avancer « diplomatiquement » et des chocs qui provoquent aussi des avancées. Et vice versa.

Annick

Le consensus c’est un véritable atout. Parfois c’est un peu agaçant, car c’est long et qu’on voudrait aller plus vite. Et il y a aussi clairement des privilèges à perdre pour certains.

Cécile

Après, on met du temps car la société en tant que telle est traversée par cela et met du temps à avancer aussi. Il y a des privilèges qui seront perdus, mais ça va apporter un changement bénéfique pour toutes et tous. Cela permet d’imaginer des relations autres et dénuées de violences et de dominations.


Annick Coupé, Julie Ferrua, Cécile Gondard-Lalanne, Murielle Guilbert

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