En finir avec l’apartheid : que tirer du processus sud-africain ?
Au début des années 90 tombait le régime d’apartheid sud-africain qui avait été vigueur durant 50 ans. Dans un pays en proie à une guerre civile, héritier de 400 ans de colonisation, les négociations pour un changement de régime ont abouti sur une réponse inattendue pour construire une nouvelle nation : pas de grands procès, ni de vengeance, mais un processus actif de réconciliation avec en son centre un dispositif novateur appelé Commission vérité et réconciliation (CVR). Cette commission offrirait la possibilité d’être amnistié en cas de crimes commis en échange d’un aveu.
Conceptrice-animatrice d’ateliers de philosophie, Anouk Colombani est membre de SUD Culture Solidaires et de l’union interprofessionnelle Solidaires Seine-Saint-Denis (93) dont elle est co-secrétaire. Elle est également une animatrices du site ruedelacommune.com et des activités liées. Elle a écrit La réconciliation nationale après les violences. Arguments pour la déconciliance, éditions L’Harmattan, 2021.
Ce choix a de quoi surprendre. En effet, le crime d’apartheid avait été assimilé à un crime contre l’humanité en 1973 et le parti national (le parti de l’apartheid) n’a jamais caché sa proximité avec le nazisme. Pourquoi dès lors prendre le contre-pied complet et conscient du tribunal de Nuremberg ? Cette forme de réconciliation fut en partie le résultat d’un compromis. Du côté de l’ANC (African National Congress) et des mouvements de libération, on voulait un procès à la Nuremberg. Du côté de l’ancien gouvernement, on voulait une amnistie générale. Mais la CVR a aussi convaincu pour elle-même, notamment ceux qui croyaient en la nation arc-en-ciel que devait devenir l’Afrique du Sud. Le président de cette commission, Desmond Tutu, expliqua que Nuremberg n’avait pas réconcilié l’Europe et que ce n’était pas un exemple à suivre [1]. La poète Antje Krog, qui suivit la commission en journaliste, qualifia Nuremberg d’easy justice [2]. La CVR a été perçue par une partie des militant∙es comme la meilleure des solutions pour faire face à la colonisation et passer à autre chose, tout en oubliant rien. Plus que cela, il s’agit de créer de la mémoire collective. En réalité, ce n’est pas tant la potentielle amnistie du coupable qui doit nous intéresser, que la possibilité pour les victimes de sortir de leur souffrance.
La voie choisie s’appuya sur un principe philosophique africain : l’Ubuntu. Un terme intraduisible en un mot, qui renvoie à la fois à l’idée d’humanité, de solidarité, de communauté. Il indique une connexion : « Je n’existe que parce que tu existes ». Toute la réconciliation sud-africaine tire le fil de cette philosophie pour lui donner vie. Pour ses partisans, elle constitue une révolution politique à la hauteur de 1789, en ce qu’elle modifie complètement le rapport à la politique et à ce qui fonde la démocratie.
Une stratégie d’union pour sortir de l’apartheid
La réconciliation a commencé avant la commission. Plusieurs étapes vont la rendre possible. Au début des années 80 (alors que le régime d’apartheid se durcit encore), le mouvement anti-apartheid se réorganise [3]. C’est d’abord la renaissance du syndicalisme sud-africain avec la formation de la FOSATU (Federation of South African Trade Unions), rendue possible par l’autorisation de syndicats non raciaux en 1979. En quelques années, la FOSATU réussit le pari de syndiquer des individus des quatre « races » créées par l’apartheid. Les années 70 sont aussi une période de mouvement étudiants, d’émeutes dans les ghettos (dont la plus célèbre celle de de Soweto en 1976) et de redéploiement du mouvement féministe. En 1983, 400 organisations (églises, associations, syndicats, groupes étudiants) créent le Front uni démocratique (UDF, Union democratic front). Ce front appelle à la fin de l’apartheid, la libération des prisonniers politiques et la constitution d’une nouvelle Afrique du Sud sans race. L’UDF se réclamait de la non-violence.
Cela ne va pas empêcher un ensemble de stratégies de cohabiter (tout en débattant) mêlant une activité interne et externe au pays :
- Un appel au boycott international est lancé et décliné au niveau culturel, sportif et économique.
- Une stratégie de boycott et grève interne au pays, notamment menée par la FOSATU, qui devient la COSATU en 1986 par la fusion de plusieurs centrales.
- La mise en avant de la figure de Nelson Mandela, emprisonné depuis 1963. Cette campagne qui doit beaucoup à sa compagne Winnie Mandela – qui a elle-même été emprisonnée et torturée – fait de son visage celui de l’injustice de l’apartheid.
- La recomposition d’un mouvement féministe, notamment via les femmes membres de l’UDF, qui réclament une reconnaissance de leur place et leur rôle dans le mouvement et élisent Albertina Sisulu à leur tête [4].
- Un appel à rendre le pays ingouvernable.
- La continuation de la lutte armée menée notamment par Umkhonto we Sizwe, la branche armée de l’ANC, organisation historique de la lutte antiraciste interdite depuis 1960. Celle-ci organisait des sabotages dans tout le pays et formait des militants dans ces camps d’entrainement installés dans des pays africains frontaliers. L’ANC poursuit de son côté un travail de persuasion à l’extérieure de l’Afrique du Sud via des exilés répartis dans plusieurs pays du monde. Travail qui n’est pas non plus sans danger. Par exemple, la militante Dulcie September, qui dirigeait le bureau parisien de l’ANC, est assassinée en 1988 à Paris.
L’ensemble de ces éléments entraine la déstabilisation du pays et des condamnations à l’international. En 1989, un nouveau président, Frederik de Klerk, entame une libéralisation menant au démantèlement du système d’apartheid. Fin 89, plusieurs prisonniers sont libérés, comme Walter Sisulu ou Ahmed Kathrada, deux compagnons de Mandela. L’ANC tient son premier rassemblement depuis plus de 30 ans, dans le stade de Soweto. En février, les trois organisations interdites (Parti communiste depuis 1950, ANC et Parti panafricain [5] depuis 1960) sont autorisées et Mandela est libéré. Une nouvelle ère commence.
Mais la situation de mars 1990 est très critique. La guerre civile ronge le pays, en particulier sur les territoires zoulous où s’entretuent les partisans de l’ANC avec ceux de l’Inkhata, un parti zoulou qui défend une vision séparatiste. L’Inkhata imaginait que les Zoulous pourraient avoir leur nation. La direction de l’ANC lance alors une course contre la montre pour faire entamer des pourparlers entre toutes les composantes. Mandela appelle plusieurs fois à la fin des hostilités, tout en ne s’opposant pas à la lutte armée, dont les cibles étaient avant tout des installations. Le positionnement des dirigeants de l’ANC va jouer un grand rôle. C’est Joe Slovo (dirigeant de l’ANC et du Parti communiste) qui va inciter à appeler à la suspension de la lutte armée. C’est l’ANC aussi qui va proposer un système évitant aux meurtriers du Parti national d’être tous arrêtés. L’ANC va clairement tendre la main et tenir fermement tous les bouts. L’organisation a probablement aussi été bousculé par l’UDF, qui s’est dissous en 1991. Mais la marque que ce front a laissé sur le pays est important et les leaders de l’ANC doivent l’assimiler. Se faisant, l’ANC va imposer une autorité morale sur les autres.
La constitution de 1993 : une révolution démocratique
Il a fallu deux ans pour que ces pourparlers aboutissent à une constitution qui ne fait plus mention des races et crée une République parlementaire de type libéral (avec deux chambres, la séparation des pouvoirs, des droits civils, etc.) Mais son originalité se situe ailleurs : y est inscrit clairement l’égalité entre homme et femme, et 11 langues officielles sont reconnues : le Zoulou et le Xhosa – les deux langues les plus parlés, les deux langues « coloniales », anglais et afrikaans, et 9 autre langues parlées par une part non négligeable de la population : le Sepedi, le Sesotho, le Setswana, le Xitsonga, le Siswati, le Tshivenda, le Ndebele. La constitution élève ainsi au rang de langues, les langues africaines. En effaçant le système des races, en permettant la reconnaissance de 9 langues africaines, cette constitution indique clairement une condamnation de la colonisation. Elle prend aussi acte de la présence des anciens colons, qui sont de facto intégrés à la société en construction. La nouvelle Afrique du Sud, surnommée Nation arc-en-ciel, prend ainsi le contre-pied de ce qui se passe, par exemple, au Zimbabwe, où après avoir un temps prôné l’union nationale, le président Robert Mugabe entame une politique d’expropriation/expulsion des Blancs. L’Afrique du Sud fait un tout autre choix, pas facile pour autant.
La Commission Vérité et Réconciliation : un dispositif inédit
La constitution de 1993 donne le cadre de la future réconciliation. Elus en 1994, lors d’élections historiques, Mandela et son gouvernement (qui est une coalition entre l’ANC, le Parti communiste et la COSATU) s’y attèlent. Une commission axée sur un équilibre complexe entre vérité et réconciliation est imaginée. La commission sera le réceptacle de témoignages de victimes, qui demandent réparation. Elle sera aussi le lieu de recueil de paroles de « coupables » qui pourront demander une amnistie. Mais cette amnistie ne leur sera accordée que contre un témoignage complet (full disclosure). Cette commission s’inspire en partie des commissions créées en Argentine et au Chili par les mouvements de gauche, pour faire la vérité sur la violence de leurs dictatures respectives. L’un des enjeux de ces commissions porte notamment sur le besoin de savoir ce qui est arrivé aux personnes disparues. Mais deux difficultés s’y ajoutent. L’ANC a connu des exactions en interne ; notamment dans les camps de formation . que faire avec cela ? Il faut aussi regarder en face les violences entre l’ANC et l’Inkhata. En d’autres termes, la commission doit aussi servir aux mouvements de libération pour faire leur examen de conscience (ce qui fut mal vécu par nombres d’entre eux).
Plusieurs cadres sont fixés. La Commission part du principe que l’apartheid doit être condamné. Elle condamne aussi d’emblée la colonisation, tout en reconnaissant le droit aux descendants des colons à vivre en Afrique du Sud. La commission ne pourra amnistier des auteurs de faits que si cela concerne la période entre le massacre de Sharpeville du 1er mars 1960 et le 10 mai 1994 (date de l’élection de Mandela). L’amnistie n’est pas automatique. La commission séparera deux moments : la rencontre entre une victime et le perpatrator où la victime est invitée à accorder un pardon (ce qui n’ira pas sans problème). Et un temps juridique qui décide de l’amnistie ou d’un renvoi devant le tribunal.
La Commission est dirigée par l’archevêque Desmond Tutu, figure religieuse de l’opposition à l’apartheid. Il est entouré de 16 commissaires divers (homme/femme, noir/indien/blanc/métisse, juriste/écrivaine/…). La commission recueille des témoignages de victimes et d’auteur∙es de faits répréhensibles qu’on appelle les perpetrators [6]. Une partie de ces témoignages firent l’objet de réunions publiques, télévisées. Un premier rapport fut rendu en 1998, après deux ans de travail. Mais le rapport final fut rendu en 2003. Aujourd’hui encore, de nombreux documents de cette commission attendent d’être archivés pour être accessibles. L’un des enjeux de la commission était aussi de créer des archives, pour que les futures générations puissent avoir de la matière pour comprendre ce qui les avaient précédées.
Permettre l’émergence de la vérité
La vérité est le concept principal du processus. C’est par elle que peut se produire la première étape de la réconciliation. Elle peut être déclinée en quatre pans [7] que résume ainsi la philosophe Barbara Cassin : « 1) Une vérité factuelle […] celle du tribunal sur laquelle s’appuie l’amnistie ; 2) la vérité personnelle et narrative, celle des auditions et récits ; 3) la vérité sociale, vérité de dialogue liée au processus de partage entre perpetrators et victimes ; 4) la vérité qui soigne, healing, celle de la justice restauratrice constitutive de la rainbow nation. » La vérité n’est pas principalement celle des perpetrators. Ce sont aussi les paroles des victimes. Les auditions étaient fondées sur des témoignages longs, où chacun∙e avait le temps de dire ce qu’il/elle avait à dire. En plus du moment t, la commission fut pensée comme un temps d’archivage. Elle portait en soi la conscience d’un temps long de la réconciliation.
Impossible de résumer ici tout ce qui fut dit durant cette commission, chacun devrait prendre le temps de lire des témoignages pour comprendre réellement, précisément, en détails ce que fut l’apartheid. Ce type de violence ne s’accommode pas d’approximations. Au travers des 20 000 témoignages qui furent recueillis, une première vérité se fait jour : celle du système d’oppression. Ce sont des vols de terre, des meurtres, des viols, des actes de torture, des familles déchirées, séparées, des individus isolés qui sont exposés par les victimes. Se dessine ainsi la colonisation et la façon dont elle fracasse et réorganise par la brutalité la société qu’elle vient percuter. Prenons l’exemple de quelques témoignages de femmes. La Commission travailla à faire éclater une vérité : celle de la présence des femmes dans la lutte. Le temps venu des négociations, des gouvernements et des retours des maris, quels rôles pour les combattantes ? Beaucoup des compagnes des anciens prisonniers furent renvoyées à un rôle de « femme de », renvoi injuste et qui vient effacer la lutte qu’elles menèrent et les souffrances qu’elles endurèrent. Souffrances spécifiques, car les violences furent genrées. Dans son ouvrage, Antje Krog pose cette question : la vérité a-t-elle un genre ? Elle rapporte ensuite des témoignages de combattantes emprisonnées et torturées, recueillies notamment lors d’une audience spéciale de la commission. Toutes parlent de violences et de tortures liées à leur genre : autour du vagin, des règles, des seins. A l’ouverture de cette audience, la militante et dirigeante Thenjiwe Mthintso [8], qui fut elle-même arrêtée et torturée, explique que les femmes n’étaient pas considérées comme des activistes. « Tu es irresponsable, tu es une pute, tu es grosse et moche, ou seule et trentenaire et tu ressembles à un homme ». Mthintso pointe aussi du doigt la différence de traitement entre le prisonniers et les prisonnières, y compris dans la résistance aux tortures. Un homme qui résiste était considéré, dit-elle, une femme qui résiste risquait de voir les tortures redoublées. Les femmes étaient ainsi « quelqu’un dont la place de la lutte de libération était seulement au service des hommes. « Tu n’es pas une révolutionnaire, tu es une pute noire en chaleur. ». » La conclusion de Mthintso est singulièrement forte : « En écrivant ce discours, j’ai réalisé à quel point je n’étais pas prête à parler de ce que j’ai vécu dans les prisons sud-africaines et dans les camps de l’ANC à l’étranger. Même maintenant, malgré les termes généraux que j’ai choisis, je me sens exposée et égarée. »
La commission permit ainsi un cadre d’expression à des centaines de femmes, dont certaines avaient été ostracisées de leur famille, quartier, groupe politique à leur sortie de prison. Enregistrer ces paroles, croire ce qu’elles disaient constitua ainsi une première étape de justice. Plus généralement la commission laissa la parole à des nombreuses personnes qui ne l’auraient pas eu autrement. Cela fut aussi rendu possible par le respect de la langue natale. Chacun∙e pouvait s’exprimer dans la langue qu’il choisissait (traduit ensuite dans les autres langues par des traducteurs professionnels). Elle permit ainsi de dire que l’apartheid avait concerné tout le monde, qu’il n’y avait pas des leaders au-dessus des autres, ayant plus ou moins soufferts. Donner la parole et considérer les paroles n’a rien d’une évidence, cela demeure une lutte centrale dans les mouvements d’émancipation [9].
Aparté
L’une des grandes critiques qui fut faite par les victimes fut la lenteur des réparations. En 2003, le président Thabo Mbeki accorda des réparations financières à toutes les victimes ayant témoigné. Mais celles-ci ne suffisent pas à effacer des décennies d’injustice économique, de déplacements forcés, d’inégalités structurelles accumulées, etc. Le rôle des syndicats durant toute la lutte contre l’apartheid est pourtant un signe important de la centralité de la question économique et de la question sociale. La fondation d’un syndicat multiracial au début des années 80 fut une avancée majeure dans la lutte, car cela permettait de mettre à bas l’idée de la concurrence entre travailleurs∙euses. Toutes les émeutes racistes qui ont eu lieu dans les années 2000 en Afrique du Sud ont un lien avec le travail. Les revendications portaient régulièrement sur le fait de renvoyer chez eux les immigré∙es des pays africains plus pauvres. En faisant le choix du capitalisme, l’alliance ANC/SAPC/COSATU s’est pied et poing liés à un système qui a toujours soutenu l’apartheid. Cependant, depuis quelques années, la question de l’expropriation des terres spoliée aux familles noires est au centre des discussions, des nouveaux syndicats apparaissent, des mouvements féministes se renouvellent ainsi que des mouvements décoloniaux. Aucune grande révolution ne s’est faite en vingt ans.
Perspectives : ce n’est qu’un début
La commission n’a pas miraculeusement réglé tous les problèmes du pays. Si l’exercice de vérité est probablement l’un des plus poussé au monde, la réconciliation est demeurée ténue et des problèmes demeurent aujourd’hui ; ils sont la résultante de la période de l’apartheid (si ce n’est de la colonisation). Il n’en demeure pas moins que cette commission a revêtu un caractère révolutionnaire, qui doit nous faire réfléchir. Elle a mis face à leur crime les colons et a inscrit pour toujours dans l’histoire leur culpabilité. Elle a ainsi renversé le mot d’« amnistie » qui a pris la signification d’une mémoire. Elle a aussi participé à la sortie de guerre de l’Afrique du Sud, étape nécessaire pour construire autre chose. Enfin, elle a libéré des paroles qui ont bénéficié d’un cadre collectif et d’une écoute de masse. La CVR a joué un rôle de guérison.
La commission sud-africaine est souvent lue à l’aune des commissions qui ont été organisées depuis dans d’autres pays ; or, beaucoup de ces commissions ont joué le rôle de cheval de Troie du libéralisme dans des pays en sortie de guerre ou de dictatures. C’est une erreur de la lire de cette façon. Ce qui fait la force et la spécificité de la commission sud-africaine, c’est précisément qu’elle est issue du mouvement social sud-africain. Les auditions des femmes n’ont pu avoir lieu que parce qu’un mouvement féministe fort et organisé était sorti de la lutte contre l’apartheid. Elle ne fut pas un modèle imposé par le haut. A ce titre, elle fut aussi une tempête pour les mouvements politiques comme l’ANC, qui ont dû faire avec le « peuple » qui demandait aussi des comptes sur certaines des pratiques tout en respectant les dirigeants. L’audition de Winnie Mandela en est l’exemple le plus frappant. La « mère de la nation » dû faire face, non pas à ces anciens bourreaux, mais à la mère d’un jeune homme du township assassiné sur les ordres de Winnie Mandela. Le face à face est celui de deux femmes meurtries, l’une sans pouvoir, l’autre avec le pouvoir. Là se niche la révolution sud-africaine : affirmer qu’on ne sort pas à moindre coût de la colonisation. Ce n’est que dans ce face à face avec soi-même, cette prise de conscience que je suis parce que tu es (l’ubuntu) qu’il est possible d’aller vers la paix et donc vers la réconciliation.
⬛ Anouk Colombani
[1] Desmond Tutu, « Amnistier l’apartheid », Travaux de la Commission Vérité et Réconciliation, éditions du Seuil, 2004.
[2] Krog Antje, Country of my Skull, Vintage, 1999.Une traduction est disponible sous le titre: La douleur des mots, traduit de l’anglais par Georges Lory, éditions Actes Sud, 2004.
[3] L’apartheid est un système juridique de ségrégation raciale qui vise à un développement séparé et inégal de 4 « races » inventées par le Parti national. Ces races étaient hiérarchisées selon cet ordre : Blancs, Indiens, Métisses, Noirs.
[4] Elles furent d’ailleurs accusées de diviser la lutte de libération nationale.
[5] Le parti panafricain était une scission de l’ANC.
[6] Parfait traduit par perpetrateurs. Sa traduction courante serait « bourreau » mais c’est une traduction trop connotée.
[7] Ces éléments sont bien mis au jour par Barbara Cassin dans Barbara Cassin, Olivier Cayla, Philippe Joseph Salazar (sous dir.) Vérité, réconciliation, réparation, éditions du Seuil, 2004.
[8] Thenjiwe Mthintso prit la tête en 1997 de la Commission pour l’égalité des genres, instance inscrite dans la Constitution.
[9]On l’observe largement dans les mouvements comme #Metoo. Ces mouvements s’inscrivent dans la même logique que la CVR, ils se fondent sur un foisonnement de paroles qui ensemble forment une vérité contre une domination, une oppression…