Désindividualiser, reconflictualiser, repolitiser

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Les enjeux contemporains des luttes syndicales autour de la santé au travail

Détricotage des 35 heures, travail le dimanche, report de l’âge de départ à la retraite… A en croire nos dirigeants politiques et les réformes qu’ils portent, il n’y aurait guère d’autres choix que de « travailler plus ». Pour sortir de la crise et rétablir la compétitivité des entreprises, « chacun » devrait consentir à « faire un effort ». Il en irait, pensent-ils, de l’« intérêt national » ! Voilà qui contraste avec ce que vivent nombre de travailleurs et travailleuses, dont les conditions de travail se dégradent et les risques professionnels se multiplient. Port de charges lourdes ; gestes répétitifs ; contraintes de rythme ; postures éreintantes ; exposition aux produits toxiques ; travail de nuit, isolé, sous pression ; injonctions contradictoires ; perte de sens du travail ; objectifs inatteignables… S’il y a des travailleurs et travailleuses plus exposé.es que d’autres, aucune catégorie professionnelle, aucun statut, aucun secteur n’y échappe. Ouvriers comme cadres, précaires comme stables, salarié.es du privé comme fonctionnaires peuvent connaître, à un moment ou un autre de leur carrière, des troubles de la santé à cause de leur activité professionnelle.

Souvent tue, cette réalité du monde du travail éclate au grand jour au milieu des années 2000, avec la forte médiatisation des suicides chez Renault, EDF, France Télécom et La Poste, au moment même où de plus en plus de salarié.es commencent à exprimer leurs difficultés et à mettre des mots sur leurs maux. « Harcèlement », « souffrance », « stress », « burn out », « RPS », quel que soit le vocable utilisé, les témoignages s’accumulent et mettent en lumière un problème social d’ampleur, qui questionne – en dernière instance, c’est-à-dire par-delà les symptômes et manifestations individuelles – les nouveaux modes de management et d’organisation du travail. Ce faisant, depuis une dizaine d’années, alors que les attentes en la matière ne cessent de croître, les organisations syndicales sont plus que jamais attendues sur le terrain de la prévention des risques professionnels. Bien entendu, l’enjeu n’est pas nouveau pour le monde syndical. En témoigne la place qui lui est faite dans les mobilisations collectives ayant marqué la première décennie du XXème siècle, le Front populaire et les « années 68 »1, mais également au sein d’expériences plus locales, comme les luttes ouvrières contre la peinture au plomb au début du siècle2 ou celles d’employées des PTT contre la « fatigue nerveuse » dans les années 1950-19603.

Néanmoins, les manières d’investir le sujet varient sensiblement selon les contextes, les périodes historiques, les centrales syndicales, les fédérations ou les structures locales. Pendant les Trente Glorieuses4 par exemple, si certaines organisations réformistes les abordaient dans une perspective co-gestionnaire, d’autres, comme la CGT, qui était alors majoritaire, les voyaient d’abord comme des symptômes de l’exploitation capitaliste. Plutôt que de chercher à réduire les atteintes à la santé des travailleurs et travailleuses en repensant l’organisation du travail avec les employeurs, elles tentaient donc, d’abord et avant tout, de les monnayer, pour obtenir des compensations financières à toute dégradation des conditions de travail5. Par ailleurs, à cette époque, les victoires ne tenaient pas à la légitimité technique ou scientifique des revendications ; elles s’obtenaient surtout à travers des luttes, ouvertes et collectives, en bloquant, d’une manière ou d’une autre, la production. Pour le dire autrement : dans le contexte d’alors, marqué par un Parti communiste fort, une croissance soutenue et le plein emploi, la façon dont le syndicalisme s’emparait des questions de santé au travail était avant tout collective, conflictualisée et politisée.

La période actuelle est nettement moins propice à la mise en œuvre de ce type de stratégie : au niveau organisationnel, les nouveaux modes de management effritent les solidarités collectives à partir desquelles pouvaient se constituer des actions contestataires6 ; au niveau économique, le chômage de masse, la croissance atone et la concurrence internationale entre travailleurs/travailleuses inversent le rapport de force avec le patronat ; et au niveau « politique », au sens large, l’idéologie dominante ne cesse, par quelque voie que ce soit (médiatique, politique, managériale…), de discréditer le paradigme marxiste de la lutte des classes, en le présentant comme dépassé et anachronique – ce à quoi finissent par croire nombre de travailleurs et travailleuses. Dans ce contexte, comment les organisations syndicales s’y prennent-elles pour s’emparer des questions de santé au travail ? Et dans quelle mesure ont-elles été amenées à renouveler leurs modalités d’action ? Ce texte propose d’éclairer trois des principaux obstacles auxquelles sont aujourd’hui confrontés les acteurs syndicaux pour agir sur ce terrain. Il tente également de rendre compte des voies explorées pour y faire face, par-delà les divergences observées entre les organisations et au sein de celles-ci7.

Désindividualiser ou démasquer le caractère pathogène des nouveaux modes d’organisation du travail

Paris, 24 mars 2012, Manifestation pour l’emploi organisée par l’Union syndicale Solidaire_C.VOISIN

Par rapport à la période fordienne, la première difficulté à laquelle se heurtent les acteurs syndicaux est de devoir désindividualiser, c’est-à-dire lutter contre tout ce qui individualise les situations de travail et la perception des risques professionnels. Car si les salarié.es sont de plus en plus nombreux et nombreuses à frapper à la porte des locaux syndicaux pour faire état des difficultés qu’ils ou elles rencontrent dans l’exercice de leur métier, force est de constater que nombre d’entre eux et elles ne sont pas hermétiques au discours managérial qui les associe à des défaillances personnelles : difficultés à faire face à la charge de travail, à prioriser les tâches, à couper avec le travail, à prendre du recul ; problèmes personnels et familiaux ; fragilité physique ou mentale ; mauvaise hygiène de vie… Souvent tues et rarement confrontées au vécu d’autrui, les expériences de chacun et chacune apparaissent alors si singulières qu’elles sont difficilement pensées comme le symptôme d’une condition commune, contre laquelle il serait possible de lutter. Selon les militantes et militants syndicaux, tout l’enjeu est alors d’aider les salarié.es à prendre conscience des causes organisationnelles, et donc collectives, qui sont à l’origine des troubles de la santé dont ils et elles souffrent. Reste que, pour ce faire, encore faut-il parvenir à lever au moins quatre « masques »8 qui constituent autant d’écrans à cette prise de conscience.

Le premier est idéologique. Car en incitant chacun et chacune à devenir « entrepreneur de sa carrière », à se penser comme un capital9, dans lequel il faudrait investir en profitant de chaque expérience professionnelle pour apprendre, progresser, repousser ses limites, l’idéologie libérale amène les salarié.es à se sentir responsables de leur situation professionnelle10. Pour celles et ceux qui « craquent », elle nourrit ainsi un sentiment de honte et de culpabilité faisant souvent obstacle à la prise de parole, même individuelle et confinée au sein des collectifs de travail. Le deuxième masque est celui de la personnification du problème. Car spontanément, il n’est pas rare que les salarié.es associent les raisons de leur mal-être à la personnalité d’un manager11, pervers, carriériste, trop autoritaire, méprisant ou incapable d’apprécier à sa juste valeur la contribution de chacun. Des militants et militantes essaient alors de dépersonnifier les origines du conflit, en montrant que, derrière ce qui apparaît de prime abord comme un problème interpersonnel avec des managers de proximité, se cache en réalité des problèmes organisationnels plus profonds, qui limitent les marges de manœuvre de ces derniers et engendrent, sinon encouragent, ce genre de pratiques managériales.

Le troisième masque tient à la politique d’isolement des salarié.es. Car avec les nouveaux modes d’organisation, qui effritent les collectifs de travail12, et le management moderne, qui évalue les performances individuelles et met en concurrence les salarié.es13, les travailleurs et travailleuses sont de plus en plus nombreux à souffrir en silence, sans faire état des épreuves qu’ils et elles traversent auprès de leur entourage professionnel et parfois familial. Pour lutter contre cet isolement, les militants et militantes tentent ainsi de recréer du lien entre ces témoignages isolés, en organisant notamment des temps et des espaces de discussion autour du travail, pour aider les salarié.es à mettre des mots sur leurs maux et à se rendre compte, dans le même temps, que nombre de leurs collègues éprouvent les mêmes difficultés qu’eux. Enfin, le quatrième et dernier masque tient à la difficulté d’établir le caractère pathogène des nouveaux modes d’organisation du travail. Car s’il apparaît essentiel de montrer qu’il s’agit d’un problème collectif, reste ensuite à en établir la cause. Or, les liens entre santé et travail étant plurifactoriels et différés dans le temps14, il est extrêmement difficile – ou en tout cas, toujours discutable – d’imputer ces troubles à une cause, sinon unique, du moins principale. Pour certaines organisations syndicales – notamment celles historiquement réfractaires à la cogestion –, cela suppose de faire peau neuve, en passant d’une critique externe à une critique interne de l’organisation du travail, pour se constituer une expertise et identifier précisément ce qui, dans chaque configuration productive, chaque situation de travail, sécrète du mal travail et des troubles de la santé.

Reconflictualiser ou lever le voile de l’idéologie consensualisante en matière de santé au travail 

Selon une représentation aujourd’hui largement partagée, la prévention des risques professionnels ferait par ailleurs partie de ces objets consensuels où convergent les intérêts des différents protagonistes. Chacun aurait à y gagner : les employeurs, qui disposeraient d’une main-d’œuvre plus productive ; l’Etat, dont la réduction des coûts du mal travail contribuerait à rétablir les comptes de la sécurité sociale ; les représentant.es du personnel, dont l’amélioration des conditions de travail et de l’espérance de vie des salarié.es constitue l’un des principaux objectifs. Des lois Auroux à la loi Travail, en passant par les divers accords nationaux interprofessionnels et autres directives européennes, tout semble mis en œuvre pour favoriser la prise en charge collective et concertée des questions de santé au travail : priorité donnée à l’entreprise à travers l’inversion de la hiérarchie des normes, création et extension régulière des prérogatives du CHSCT, multiplication des incitations à négocier et à conclure des accords sur le sujet… Au regard de ces réformes, il suffirait, semble-t-il, de se mettre autour d’une table pour discuter, faire converger les points de vue et s’entendre sur un diagnostic pour agir dans l’intérêt de tous. La création du CSE, fusionnant CE, DP et CHSCT, s’inscrit d’ailleurs dans la droite ligne de ce mouvement : une large place est laissée à la négociation pour définir les moyens et les modalités de fonctionnement de cette nouvelle instance en matière de prévention des risques professionnels, à commencer par le nombre et le périmètre des commissions santé, sécurité et conditions de travail, le nombre de réprésentant.es du personnel impliqué.es, les moyens dont ils et elles disposent en termes d’heures de délégation, de formation, etc.

Ces transformations institutionnelles et réglementaires s’opèrent par ailleurs sur fond de révolution langagière qui alimente cette idéologie consensualisante. Parler d’« accords collectifs », de « partenaires sociaux », de « paritarisme », de « concertation » et de « dialogue social »15 permet en effet de promouvoir une vision pacifiée des relations sociales entre représentants des salarié.es, des employeurs et de l’Etat. Les mal désignés « partenaires sociaux » sont ainsi enjoints à « négocier » et sortir des vieux clivages hérités d’une lutte des classes désormais dépassée. Les organisations syndicales réfractaires à ce changement de paradigme n’en sont que plus discréditées. Incapables de mettre à jour leur logiciel pour s’adapter aux évolutions du monde du travail et aux attentes des salarié.es ne se reconnaissant plus dans cette culture du conflit, elles constitueraient un interlocuteur peu constructif. Par leur « opposition systématique », elles entraveraient le bon déroulement des négociations. Pire encore : elles brideraient le déploiement de la politique de prévention des risques professionnels.

Fondamentalement, la santé au travail est pourtant indissociable des antagonismes de classe. En témoignent le refus systématique des employeurs de reconnaître leur responsabilité à l’égard des accidents du travail16 et des maladies professionnelles17 ou les stratégies qu’ils déploient pour l’imputer aux travailleurs eux-mêmes. De surcroit, quand il s’agit d’accélérer les rythmes de travail, d’exposer les salarié.es à des substances pathogènes dont les risques sont éprouvés18 ou de réduire les effectifs, ce ne sont pas d’insaisissables mécanismes macro-économiques qui sont aux manettes, mais bien des acteurs patronaux, organisés et conscients de leurs intérêts de classe. Pour les militants et militantes qui s’inscrivent dans une perspective en termes de lutte des classes, toute la difficulté est alors de reconflictualiser les débats sur la santé au travail en déconstruisant cette doxa lénifiante qui (o)pacifie les rapports de production et leurs enjeux. Cela suppose de traquer les divers glissements sémantiques et registres de justification, qui tendent aujourd’hui à présenter les réformes des gouvernements et des directions d’entreprise comme des changements nécessaires et souhaitables pour tous – y compris les travailleurs et travailleuses… Militants et militantes sont ainsi amené.es à redoubler de vigilance pour démasquer et mettre au jour les intérêts cachés que servent ces réformes et les effets néfastes qu’elles produisent, ou sont susceptibles de produire, sur les conditions de travail et d’emploi des salarié.es. Ce travail de mise à nu des antagonismes de classes, aujourd’hui déniés et invisibilisés par la novlangue managériale, leur demande une attention de tous les instants et des luttes sur toutes les scènes syndicales : au sein des instances de négociation et de représentation du personnel, bien sûr, mais également dans les médias et auprès des salarié.es, dont une partie non négligeable adhère à cette rhétorique consensualisante des enjeux de santé au travail. Bien que les retombées de ce travail de traduction-décryptage des militants et militantes soient quelque peu difficiles à apprécier, il n’en demeure pas moins essentiel pour nourrir la conscience de classe et le rapport de force qu’ils et elles cherchent à construire pour améliorer la prévention des risques professionnels.

Repolitiser par le bas ou déjouer le piège de l’idéologie techniciste et scientiste des questions de santé au travail

Enfin, troisième transformation importante, qui entre en cohérence avec celle qui précède : pour être légitimes et avoir quelques chances d’aboutir, les revendications syndicales en matière de prévention des risques professionnels doivent être de plus en plus étayées scientifiquement. Pour le dire autrement : les questions de santé au travail tendent à devenir des affaires de spécialistes. De simples questions techniques, de dosages, de degré d’exposition aux produits toxiques, d’aménagement des postes de travail, de modernisation des outils de production, d’optimisation des procédures… sur lesquels seul.es quelques expert.es, mandaté.es ou labellisé.es, seraient légitimes pour émettre un avis. Dans ce contexte, Etat, directions d’entreprise et organisations syndicales s’entourent de plus en plus d’expert.es pour assoir la légitimité des réformes qu’ils ou elles portent ou contestent. Comme si, au fond, le recours à la science permettait de dépasser « les vieux clivages d’autrefois », en amenant chacun à se positionner, non plus par idéologie, croyance ou conviction politique, mais uniquement à partir de diagnostics, scientifiquement établis, qui indiquent ce qu’il faut faire, en toute connaissance de cause. Cette conception enchantée de la science ne résiste cependant pas longtemps à l’épreuve des faits. Car en réalité, les productions scientifiques sont elles-mêmes prises dans les rapports de production. En effet, il n’est pas de décisions organisationnelles ou stratégiques qui ne soient pas politiques. Derrière les aspects purement techniques, chaque réforme du travail engage nécessairement des visions du monde, des intérêts différents, des arbitrages spécifiques, qui ne peuvent être déconnectés des antagonismes de classes. Loin de pouvoir être réglées de manière consensuelle et technique, les questions de santé au travail sont donc fondamentalement conflictuelles et politiques.

Si, dans les faits, directions d’entreprise, syndicats et experts CHSCT ont généralement conscience d’évoluer sur des scènes politiques, reste que cette injonction à la technicisation transforme la nature des débats : tout est en effet mis en œuvre comme s’il s’agissait d’une arène scientifique, où se discute l’objectivité et la véracité des arguments avancés par les uns et les autres, alors qu’en réalité, la plupart des directions d’entreprise continuent, parfois à coups de déni et de sabotage, à défendre bec et ongles leurs prérogatives en matière d’organisation du travail et à se prémunir d’éventuelles mises en cause de leur responsabilité19. Cette technicisation des débats donne ainsi lieu à une sorte de mascarade, de lutte des classes en chambre, qui ne dit pas son nom et avance masquée derrière le voile feutré et aseptisé de la science, présentée comme neutre et objective, mais qui, en fin de compte, contribue surtout à désarmer la critique syndicale en enfermant les représentant.es du personnel dans un face-à-face avec des directions d’entreprise aux moyens – techniques, humains et financiers – autrement plus importants.

Dans ce contexte, comment les militants et militantes s’y prennent pour sortir de ce piège de la technicisation des débats ? En repartant du terrain. En rappelant que les seul.es vrai.es expert.es du travail, ce sont les travailleurs et les travailleuses. Celles et ceux qui éprouvent et expérimentent, au quotidien et dans leur chair, le travail réel, tel qu’il se réalise concrètement20. Car cette légitimité-là, comme le dit Fabien Gâche21, délégué syndical central de la CGT chez Renault, les directions d’entreprise ne peuvent pas la contester. Pour les syndicalistes, toutefois, cela suppose souvent de rompre avec un certain nombre de pratiques. De ne plus aller à la rencontre des salarié.es avec des réponses toutes faites, mais en partant du principe, au contraire, que ce sont les travailleurs et travailleuses qui, par leur connaissance du terrain, sont les mieux placé.es pour dire précisément ce qui, dans chaque situation de travail, pose problème. Cela revient donc à sortir d’un fonctionnement centralisé et descendant de l’information pour expérimenter, chaque fois que cela est possible, des démarches plus décentralisées et ascendantes. Véritable révolution culturelle, cette pratique de « la feuille blanche »22 nécessite cependant du temps et des compétences. Pour recueillir la parole des salarié.es, certaines équipes syndicales s’entourent donc de chercheurs ou chercheuses, qui les accompagnent et les forment à l’enquête de terrain, dans le cadre de recherches-actions ou de recherches-actions-formations23, quand d’autres sous-traitent ce travail auprès d’« experts CHSCT »24, dont l’expertise, justement, est de savoir recueillir et systématiser cette parole des salarié.es, expert.es du travail réel25.

Au-delà d’apporter une légitimité empirique et circonstanciée à leurs revendications, cette démarche ascendante leur permet ainsi de resserrer les liens avec la base et de lutter contre les méfaits de leur institutionnalisation. En fédérant le mécontentement de salarié.es démobilisé.es et isolé.es, elle permet surtout de repolitiser par le bas, en repartant de ce qui préoccupe et mine les salarié.es au quotidien : la difficulté, sinon l’impossibilité, de faire du bon travail au regard des moyens dont ils et elles disposent et des objectifs, inatteignables ou absurdes, qui leur sont assignés. Par cette repolitisation, enfin, cette démarche semble améliorer, partout où elle est expérimentée, les taux de syndicalisation et les rapports de force au sein des entreprises. Sa limite, en revanche, est de nécessiter un travail colossal, donc du temps et des forces vives, deux ressources dont le syndicalisme manque, et manquera certainement encore plus avec la fusion des instances représentatives du personnel prévue dans les ordonnances Macron…

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    1 Catherine Omnès, Laure Pitti (dir.), Cultures du risque au travail et pratiques de prévention au XXe siècle. La France au regard de ses pays voisins, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2009 ; Anne-Sophie Bruno, Eric Geerkens, Nicolas Hatzfeld, Catherine Omnès (dir.), La santé au travail, entre savoirs et pouvoirs (19e et 20e siècles), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2011.

    2 Judith Rainhorn, « Le mouvement ouvrier contre la peinture au plomb. Stratégie syndicale, expérience locale et transgression du discours dominant au début du XXIe siècle », Politix, n° 91, 2010, pp. 9-26.

    3 Bruno Mahouche, « Femmes téléphonistes et employées des chèques postaux aux PTT : une stratégie syndicale de mise en visibilité des atteintes à la santé au travail (1950-1960) », La nouvelle revue du travail, n° 4, 2014.

    4 Est ainsi caractérisé la période 1945-1973.

    5 Danièle Linhart, Robert Linhart, Anna Malan, « Syndicats et organisation du travail : un rendez-vous manqué », Sociologie et sociétés, Vol. 30, n° 2, 1998, pp. 175-188 ; Danièle Linhart, Robert Linhart, Anna Malan, « Syndicats et organisation du travail : un jeu de cache-cache ? », Travail et Emploi, n° 80, 1999, pp. 109-122. 

    6 Danièle Linhart, « Individualisation et psychologisation du travail. Mauvaise donne pour la santé des salariés comme pour les syndicats », in L. Goussard et G. Tiffon (dir.), Syndicalisme et santé au travail, Vulaine-sur-Seine, Le Croquant, 2017, pp. 29-39.

    7 Marc Loriol, « Stress, souffrance et RPS. Constructions profanes, constructions syndicales et constructions expertes », in L. Goussard et G. Tiffon (dir.), Syndicalisme et santé au travail, Vulaine-sur-Seine, Le Croquant, 2017, pp. 107-118 ; Lucie Goussard, « Travail et santé : un nouveau défi pour les organisations syndicales », Les Mondes du travail, n° 11, février 2012, pp. 43-56.

    8Sur les masques de la santé au travail, voir Michel Gollac, Serge Volkoff, « La santé au travail et ses masques », Les Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n° 163, 2006, pp. 4-17.

    9Guillaume Tiffon, « L’employabilité ou l’injonction à gérer sa vie comme un capital », in Guillaume Tiffon, Frédéric Moatty, Dominique Glaymann, Jean-Pierre Durand (dir.), Le piège de l’employabilité. Critique d’une notion au regard de ses usages sociaux, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2017.

    10Luc Boltanski, Eve Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, PUF, 1999.

    11 Notamment depuis la médiatisation de l’ouvrage de Marie-France Hirigoyen(Le harcèlement moral, Paris, La Découverte, 1998).

    12 Danièle Linhart, Le torticolis de l’autruche. L’éternelle modernisation des entreprises, Paris, Seuil, 1991 ; Jean-Pierre Durand, La chaîne invisible, Paris, Seuil, 2004.

    13Danièle Linhart, Le torticolis de l’autruche, op. cit. ; Vincent de Gaulejac, La société malade de la gestion. Idéologie gestionnaire, pouvoir managérial et harcèlement social, Paris, Seuil, 2005 ; Christophe Dejours, Souffrance en France. La banalisation de l’injustice social, Paris, Seuil, 1998.

    14Voir notamment Michel Gollac, Serge Volkoff, « La santé au travail et ses masques », op. cit et Annie Thébaud-Mony, « Construire la visibilité des cancers professionnels. Une enquête permanente en Seine-Saint-Denis », Revue Française des Affaires Sociales, n° 2, 2008, p. 237-254.

    15Arnaud Mias, Cécile Guillaume, Jean-Michel Denis, Paul Bouffartigue (dir.), « Quel “dialogue social” ? », La nouvelle revue du travail, n°8, 2016.

    16 Jorge Munoz, L’accident du travail. De la prise en charge au processus de reconnaissance, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2002.

    17 Annie Thébaud-Mony, La reconnaissance des maladies professionnelles, Paris, La Documentation française, 1991 ; Stéphane Buzzi, Jean-Claude Devinck, Paul-André Rozental, La santé autravail 1980-2006, Paris, La Découverte, 2006; Nicolas Hatzfeld, Les risques psychosociaux : quelles correspondances anciennes aux débats récents ?, Travail et Emploi, n°129, 2012, pp. 11-22.

    18 Emilie Counil, Emmanuel Henry et Annie Thébaud-Mony en fournissent d’éloquents exemples dans leurs textes publiés dans l’ouvrage Syndicalisme et santé au travail, Vulaine-sur-Seine, Le Croquant, 2017.

    19 Nicolas Hatzfeld, « Les risques psychosociaux : quelles correspondances anciennes aux débats récents ? », op. cit.

    20En tout cas, pour ceux qui expérimentent ce type de démarche. Car cette dernière est loin d’être partagée par tous les militants, y compris dans les organisations syndicales qui la portent au niveau confédéral, comme la CGT, la CFDT ou Solidaires, quoique dans des approches théoriques et perspectives politiques différentes.

    21 Fabien Gâche, Sabine Fortino et Guillaume Tiffon, « L’expertise doit venir en complément de l’action syndicale, pas s’y substituer », La nouvelle revue du travail, n°3, 2013.

    22 Eric Beynel, « Solidaires et le travail : du terrain à l’action », n L. Goussard, G. Tiffon (dir.), Syndicalisme et santé au travail, Vulaine-sur-Seine, Le Croquant, 2017, 237-252.

    23 Yves Baunay, « Des recherches-actions…et après ? Le travail des salariés se transforme, le travail syndical peine à se transformer », n L. Goussard, G. Tiffon (dir.), Syndicalisme et santé au travail, Vulaine-sur-Seine, Le Croquant, 2017, pp. 227-236 ; Laurence Théry, « Du renouvellement des pratiques syndicales à la CFDT. L’expérience des recherches-actions », n L. Goussard, G. Tiffon (dir.), Syndicalisme et santé au travail, Vulaine-sur-Seine, Le Croquant, 2017, pp. 217-226.

    24 Sur les questions que soulève le recours à l’expertise CHSCT, voir notamment Sabine Fortino et Guillaume Tiffon (dir.), « L’expertise CHSCT : quelle ressource pour le syndicalisme ? », La nouvelle revue du travail, n°3, 2013.

    25 Nicolas Spire, « L’expertise CHSCT. Une occasion de partage des savoirs », in L. Goussard, G. Tiffon (dir.), Syndicalisme et santé au travail, Vulaine-sur-Seine, Le Croquant, 2017, pp. 95-106.


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