Collège République à Bobigny, anatomie d’une répression syndicale
Pendant plusieurs heures, les manifestant.es ont scandé leur solidarité, et des témoignages de personnels sur différentes situations de répression syndicale se sont succédé. Plusieurs responsables syndicaux-ales se sont exprimées, beaucoup du côté SUD-Solidaires, mais aussi FO, CGT ou FSU. Il faut dire que, depuis son point de départ en mars 2019, l’affaire des « réprimé.es de République, Bobigny », était devenue un emblème de la mobilisation dans l’Éducation nationale, contre l’autoritarisme du ministre Jean-Michel Blanquer, grâce à l’activité d’un comité de soutien débordant d’énergie et d’un cadre intersyndical cohérent. Pourtant, ce 3 juillet, le couperet tombe. Nos deux camarades de SUD éducation, Caroline et Sabine, sont mutées « dans l’intérêt du service ». Pour la première fois depuis respectivement 27 et 22 ans, elles ne feront pas leur rentrée en septembre au collège République.
L’affaire du collège République, de Bobigny, est exemplaire sous plusieurs aspects de ce qu’est la répression syndicale aujourd’hui, et de ce que l’on peut faire pour l’entraver. D’une part, c’est bien une forme particulière de syndicalisme qui est attaquée : c’est le syndicalisme de lutte, en l’espèce essentiellement SUD éducation. D’autre part, le déroulé sur plusieurs années du mécanisme implacable de la répression au collège République est un cas d’école d’une politique managériale de mise au pas des personnels, à travers différents ingrédients : mise en concurrence des personnels, divisions entre personnels organisée et manipulée par l’administration, dévoiement des instances paritaires. Enfin, la mobilisation a été exemplaire, par son énergie et la solidarité qui s’est déployée, par sa méthode et son ancrage dans la mobilisation en cours contre la loi Blanquer, qui fait que près d’un an après le point de départ de l’affaire, le logo « sois prof et tais-toi », dessiné pour le comité de soutien du collège République, est devenu un emblème des personnels mobilisés, bien au-delà de la situation précise de ce collège. L’objectif de cet article n’est pas d’avoir un détail exhaustif de l’ensemble de l’affaire, mais plutôt de mettre en lumière quelques aspects saillants, dans l’objectif de contribuer à un état des lieux plus large de ce qu’est la répression syndicale dans la période actuelle.
UN EXEMPLE CARACTÉRISTIQUE D’ÉQUIPE SYNDICALE DE LUTTE
La répression au collège République, de Bobigny, est avant tout la répression d’une équipe militante, structurée autour d’une section syndicale SUD éducation, et comprenant des syndiqué.es d’autres syndicats (SNES/FSU, CGT éduc’action). Le profil des personnels membres de la liste syndicale CGT-SNES-SUD éducation au Conseil d’administration laisse peu de place au doute : un membre fondateur de SUD éducation Paris, ancien élu CAPA à Créteil, un ancien représentant au CTSD (Comité technique spécial départemental) de Seine-Saint-Denis et plusieurs fois tête de liste à différents scrutins dont la CAPN (Commission administrative paritaire nationale) des professeurs d’EPS pour SUD éducation, un ancien représentant en CDEN (Comité départemental de l’éducation nationale) de Seine-Saint-Denis et déchargé sur une partie de son service pour SUD éducation, un représentant en CHSCT (Comité hygiène sécurité et conditions de travail) de Seine-Saint-Denis et également déchargé pour SUD éducation. De cette énumération fastidieuse de mandats, on peut retenir deux choses : d’une part, le collège apparaît comme une pépinière de militant.es SUD éducation, avec différentes générations qui se côtoient ; d’autre part, le syndicat a toujours fait confiance à l’équipe syndicale du collège, en mandatant un nombre important de camarades sur différentes responsabilités, internes ou externes.
Mais l’équipe militante du collège République ne se limite pas à l’identité SUD éducation. Ce qui la caractérise, c’est son ancrage dans la longue durée des luttes de l’éducation en Seine-Saint-Denis. Pour trois des personnels visés par des sanctions – les trois qui sont par ailleurs adhérent.es à SUD éducation – c’est aussi cet ancrage dans le temps qui est visé : ils et elles étaient au collège depuis 18, 22 et 27 ans au moment des faits. Ainsi, le collège a été au cœur de la lutte historique de 1998 pour un plan d’urgence pour des moyens pour l’éducation en Seine-Saint-Denis. Sabine et Caroline y ont participé, et se souviennent du fait que le collège avait été parmi les premiers à partir en grève reconductible. Parmi les luttes qui ont suivi, on peut citer une mobilisation, pour des moyens supplémentaires toujours, lors de la réforme de l’éducation prioritaire de 2006 : cette année-là, les personnels ont fait quatre semaines de grève, sans succès. Depuis lors, le collège est régulièrement mobilisé à l’occasion de mouvements départementaux ou nationaux, ou encore sur des sujets locaux, à la suite de faits de violence ou des suppressions de poste par exemple. Encore durant l’année scolaire 2018-2019 par exemple, et peu avant que n’éclate l’affaire de répression, le collège a débrayé en quasi-totalité à la suite d’une assemblée générale réunie le lundi 18 mars 2019 à midi, qui faisait suite à l’annonce de la suppression du poste d’un agent administratif catégorie C, syndiqué à l’UNSA. La grève a été très largement reconduite le lendemain. Cette année 2019-2020 encore, alors que l’équipe militante du collège a été largement éreintée par la répression subie, les appels à la grève restent suivis, avec notamment près de la moitié des personnels en grève le 5 décembre, un certain nombre ayant également reconduit le lendemain.
C’est donc bien une équipe militante combattive qui est attaquée, autour d’une identité SUD éducation bien constituée. C’est d’ailleurs l’angle d’approche d’un article publié par Libération le 30 juin, très à charge contre nos camarades : « Certains s’expriment à visage découvert et avec assurance, sous leur bannière rouge et noire : ce sont des enseignants adhérents à SUD éducation. Ils sont une quinzaine dans cet établissement. Syndicalistes chevronnés, ils se battent pour obtenir plus de moyens pour enseigner. Avec succès : République est l’un des collèges les mieux dotés de l’académie de Créteil. République est « leur » collège. Certains sont dans les murs depuis plus de vingt ans. » Cette identité SUD, on la retrouve également tout au long des dossiers administratifs qui ont servi de point d’appui aux différentes procédures mises en place.
UNE MACHINATION : LES ROUAGES ADMINISTRATIFS DE LA RÉPRESSION SYNDICALE
Alors, comment l’administration s’y est-elle prise pour s’attaquer à cette forteresse rouge et noir réputée imprenable ? Nous faisons l’analyse que, comme d’habitude, plutôt que de s’attaquer de front à des faits de grève ou encore plus à l’appartenance syndicale, l’administration a fabriqué de toutes pièces une mise en scène visant à faire passer les syndicalistes pour des éléments nuisant au climat de l’équipe éducative et aux résultats des élèves. Pour abattre son chien, faire croire qu’il a la rage : l’adage populaire sert souvent à démanteler des services publics, il a cette fois-ci servi à casser du syndicaliste. Cette mise en scène a été possible grâce à la mise en action d’un certain nombre de rouages institutionnels : au niveau du rectorat de Créteil (enquête climat scolaire), mais aussi du ministère (enquête de l’inspection générale de l’éducation nationale). Plus troublant : parmi ces rouages, un élément important a été la manipulation du CHSCT de Seine-Saint-Denis, à l’initiative d’un syndicat opposé dans l’établissement à l’équipe militante du collège : l’UNSA.
Retour quelques années en arrière. Le 30 mars 2017, le chef d’établissement de l’époque annonce aux personnels qu’une visite du CHSCT départemental aura lieu le vendredi 21 avril, et communique un questionnaire en ligne d’une soixantaine de questions. Pour les syndicalistes du collège, qui réclament la venue du CHSCT depuis plusieurs années il s’agit d’une visite en lien avec leurs revendications sur la dégradation des locaux (portes qui ne ferment pas, faux plafonds qui tombent, etc.). Le questionnaire envoyé par le chef d’établissement est très généraliste et n’indique pas qu’il ait particulièrement trait à autre chose qu’à ces questions. C’est une erreur tragique : la visite du CHSCT est en réalité axée sur les relations entre adultes dans l’établissement, et le créneau proposé par les membres du CHSCT aux personnels pour des entretiens individuels est largement investi par les membres de la direction et leurs proches (membres d’une liste « maison » au Conseil d’administration), en conflit de longue date avec les militant-e-s syndicaux-ales sur des questions de fonctionnement interne. Les syndicalistes de l’établissement ne s’en emparent pas du tout en ce sens, et n’investissent pas le dispositif proposé pour faire valoir leur son de cloche sur les questions de relations entre personnels.
Cette visite du CHSCT débouche ainsi sur un rapport à sens unique, qui accuse une partie des enseignant.es, les syndicalistes, d’être responsables de la dégradation des conditions de travail. Sont notées ainsi des « insultes, menaces, intimidations envers l’équipe de direction et autres personnels », ou un « sentiment d’omerta, de parole muselée : choix de certains personnels de se taire pour se protéger ». Les préconisations des rédacteurs et rédactrices du rapport de visite sont, elles aussi, claires et unilatérales : « compilation d’écrits qui seront transmis à la rectrice en vue d’engager éventuellement des procédures disciplinaires ». Dès lors, se met en place, noir sur blanc, un récit à sens unique, qui fait de l’équipe militante du collège un facteur de troubles responsable du mal-être au travail des adultes et, partant, des mauvais résultats des élèves. Il s’agit là d’une manipulation éhontée d’une instance paritaire par l’administration ; manipulation dont l’UNSA a été un rouage majeur. En effet, au sein de l’équipe de direction, deux membres faisaient partie du syndicat A&I UNSA, dont une a été représentante au CDEN de Seine-Saint-Denis et connaissait donc bien les rouages des instances paritaires. C’est pour cela que la direction et ses proches ont largement investi le temps d’échange proposé par le CHSCT pour mettre en cause leurs adversaires au sein du collège, contrairement aux militant.es côté syndicalisme de lutte. La pugnacité de l’UNSA est à souligner : en janvier 2018, ne voyant rien venir en matière de répression au collège République, la représentante de l’UNSA au CHSCT 93 a rédigé un courrier à la rectrice en y dévoilant le contenu des entretiens menés dans le cadre de la visite et en s’inquiétant pour la santé du chef d’établissement du collège.
Dès lors, plus personne n’entend parler de ce rapport de visite, dont l’usage est qu’il soit soumis au vote du CHSCT départemental pour lui donner un caractère officiel et public. Et pourtant, grâce notamment au coup d’accélérateur donné par l’UNSA, ce rapport de visite est promis à un bel avenir, car il donnait à l’administration l’occasion de se débarrasser des syndicalistes de lutte. C’est en effet sur la base de ce rapport qu’est convoquée, un an plus tard au printemps 2018, rien de moins qu’une inspection réalisée par l’Inspection générale de l’éducation national et l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche. Cette inspection a été commandée par le ministre, Jean-Michel Blanquer lui-même, sur le motif de « maltraitance entre personnels », et se déroula du 12 au 28 juin 2018, auditionnant près d’une cinquantaine de personnels du collège. Durant les entretiens, les inspecteurs généraux n’ont de cesse de se référer à ce rapport qui n’existe pas sur le plan réglementaire. D’ailleurs, l’intersyndicale de l’éducation du 93 ne s’y est pas trompée : le 19 avril 2019, alors que la répression de nos camarades battait son plein, les syndicats FSU, FO, CGT et SUD éducation ont formulé un vœu en CHSCT dénonçant le « dévoiement du rôle du CHSCT dans le dossier du collège République de Bobigny ».
Venons-en maintenant à cette inspection générale : comment cette affaire du collège République, qui est devenue par le truchement d’un rapport fantôme du CHSCT une affaire de « maltraitance entre personnels », est-elle remontée jusqu’au ministre lui-même ? Il y a une première explication d’ordre institutionnel : à la suite de la visite du CHSCT départemental, le CHSCT académique se saisit de l’affaire. Les représentant.es au CHSCT académique concluent rapidement – et avec probité – que ce n’est pas de leur ressort et renvoie aux services du rectorat. Celui-ci organise, également en parallèle au cours de l’année scolaire 2017-2018, une « enquête climat scolaire », lancée le 29 janvier 2018. Cette enquête n’a d’autres objectifs que de donner de l’eau au moulin de la scénarisation voulue par l’administration : les syndicalistes du collège République nuisent au fonctionnement du service. C’est ainsi que le recteur en personne vient au collège accompagné d’une armada d’huiles du rectorat en décembre 2018 pour, officiellement, annoncer les résultats de l’enquête climat scolaire. Il en conclue à l’oral que c’est le climat entre adultes qui est problématique au collège et qu’il « prendra ses responsabilités », selon ses propres termes. C’est en parallèle de ces deux démarches, saisine avortée du CHSCT académique et enquête climat scolaire, que le rectorat renvoie la balle au ministère pour que l’affaire du collège République soit traitée au plus haut niveau de la hiérarchie.
Il y a également une deuxième explication d’ordre plus politique, et dont on n’aura bien entendu jamais le mot de la fin : on sait que Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, a une dent contre SUD éducation, au moins depuis un stage annoncé par SUD éducation 93 en novembre 2017, qui a valu au syndicat d’être attaqué en justice par le ministre au motif que des ateliers auraient été « interdits aux blancs » – plainte qui vient d’ailleurs d’être classée sans suite à l’heure où l’on écrit ses lignes. Depuis, il n’a eu de cesse d’attaquer SUD éducation dans les médias, et l’on peut supposer que l’affaire du collège République – qu’il connaît personnellement bien de sa période de recteur de l’académie de Créteil – était l’occasion d’attaquer de nouveau SUD éducation. Notons qu’il persiste aujourd’hui dans cette lignée, avec une inspection générale lancée dans un autre lycée du 93 dans lequel est présente une importante section SUD, le lycée Angela Davis de Saint-Denis.
Quoiqu’il en soit, l’ensemble de ces dispositifs institutionnels évoqués – rapport du CHSCT départemental manipulé, enquête climat scolaire, inspection générale – ont débouché sur l’objectif tant attendu par l’administration, à savoir des procédures disciplinaires. Ainsi, le jeudi 28 mars, quatre camarades du collège reçoivent des courriers recommandés du rectorat. Pour deux d’entre eux, il s’agit de consulter leur dossier en vue d’engager des procédures disciplinaires. Pour les deux autres, il s’agit également de consulter leur dossier, mais dans le cadre de mutations dans l’intérêt du service. Nos camarades de SUD éducation, Sabine, Caroline et Cyrille sont concerné.es, les deux premières par les mutations dans l’intérêt du service, le troisième par une procédure disciplinaire. Une cinquième personne, syndiquée UNSA et proche de la direction de l’époque, est également concernée par la mutation dans l’intérêt du service, ce qui constitue l’alibi de l’administration à toutes les échelles, qui clame qu’il ne s’agit pas de répression antisyndicale : alors que l’on voit bien, ne serait-ce que sur le plan numérique, qu’il s’agit bien d’un cas de répression syndicale à grande échelle. Il s’agit dès lors d’organiser la mobilisation.
UNE MOBILISATION EXEMPLAIRE, EN DÉPIT DE LA DÉFAITE
Disons-le d’emblée : la mobilisation contre la répression syndicale au collège République de Bobigny a échoué, et Caroline et Sabine n’ont pas fait leur 28e et leur 23e rentrée au collège République en septembre 2020. Cependant, mettons tout de même au crédit de la mobilisation deux choses. D’une part nos camarades qui devaient faire l’objet d’une procédure disciplinaire n’ont reçu qu’un blâme. Le recteur en personne l’a remis à Cyrille, en lui disant qu’il fallait qu’il se tienne à carreau, qu’il aurait pire la prochaine fois. On peut se dire légitimement que la mobilisation a fait reculer le rectorat sur ce point, et que le recteur a voulu éviter un conseil de discipline dans lequel il aurait à avancer des arguments – ce qui n’est pas le cas de la procédure de mutation dans l’intérêt du service pour laquelle l’administration n’a pas à avancer d’arguments, simplement à la présenter pour avis à la CAPA, qui n’est pas décisionnelle dans ce cas de figure. D’autre part, la mobilisation a fait de l’affaire du collège République une affaire emblématique de répression syndicale dans le contexte de mobilisation contre la loi Blanquer, et a contribué à faire de la répression syndicale et plus largement du muselage des enseignant.es une préoccupation majeure de la période. Aujourd’hui encore, on voit partout, sur les pancartes comme sur les réseaux sociaux, le dessin réalisé pour le comité de soutien, et qui a été imprimé sur des autocollants, tracts, tote-bags et tee-shirts : il s’agit d’un détournement d’une affiche de mai 1968 représentant un jeune bâillonné par de Gaulle au-dessus du slogan « Sois jeune et tais-toi », devenu un prof en marinière bâillonné par Blanquer, au-dessus du slogan « Sois prof et tais-toi ». Celles et ceux qui utilisent aujourd’hui ce visuel ne savent pas, pour une large partie, qu’il s’agit du visuel du comité de soutien aux réprimé.es du collèges République. Quelque part, cela montre que le comité de soutien avait raison : nous vivons une époque où les syndicalistes et plus largement les personnels sont muselé.es, et l’administration fonctionne à toutes les échelles à l’autoritarisme.
Comment la mobilisation a-t-elle pu trouver un tel écho, au point d’en faire trembler le rectorat et de trouver des relais dans toutes les manifs et les AG de France ? Il faut souligner que plusieurs cadres d’intervention se sont mis en place en parallèle. Tout d’abord, un comité de soutien s’est monté très vite, composé de collègues du collège, d’ancien collègues, de soutiens syndicaux, et a pris très vite un grand nombre d’initiatives, incontournable dans ce genre d’affaire : caisse de solidarité en ligne, pétition, comptes sur les réseaux sociaux, et impression des fameux tee-shirts et tote-bags, vendus lors de points fixes durant les nombreuses manifestations du printemps, et encore aujourd’hui dans les manifs contre la réforme des retraites, meetings et soirées de soutien. Ensuite, un infaillible soutien de l’intersyndicale de l’éducation du 93 composée du SNES-FSU, du SNEP-FSU, de la CGT, de la CNT, de FO et de SUD éducation. Cette intersyndicale, dès le vendredi 29 mars (le lendemain de la réception des courriers recommandés par nos collègues) s’est exprimée en Comité technique spécial départemental en demandant l’abandon des sanctions. Cette ligne n’aura pas bougé. En juin, les secrétaires départementaux du SNES, de la CGT, de SUD et de la CNT 93 participaient à un meeting à la bourse du travail de Paris en soutien aux camarades. En juillet encore, par suite de la fuite dans la presse d’éléments des dossiers, l’intersyndicale académique composée des mêmes syndicats demandait également au recteur l’abandon des sanctions et sanctions déguisées.
D’autre éléments se sont ajoutés à ces deux ingrédients indispensables d’une défense efficace dans une situation de répression syndicale que sont le comité de soutien et l’intersyndicale. Le suivi juridique évidemment : les camarades ont été aidés – et continuent à l’être – par une avocate, mais aussi par des camarades mandatés sur les questions juridiques par la fédération SUD éducation. Et également le soutien politique : une tribune a été publiée dès le 10 avril sur Médiapart, signée par 250 universitaires, responsables syndicaux mais aussi par une frange très large de personnalités politiques de gauche, non seulement des responsables d’organisations d’extrême-gauche (NPA, LO, AL) mais aussi de nombreux élu.es locaux et député.es PCF, FI ou EELV, dont certain.es sont intervenu.es directement auprès du rectorat. Cette tribune a ainsi œuvre comme un « parapluie démocratique » contre cette entreprise de répression syndicale qui prenait ainsi une dimension imprévue par l’administration.
Il est clair que ces différents paramètres ont fait tanguer le rectorat. Sans entrer dans des détails qui rappellent de douloureux faux espoirs, voici quelques éléments. Les 9 et 12 avril, nos camarades ont consulté leurs dossiers, qui étaient totalement vides – ils seront bourrés dans un second temps, et les camarades reconvoqués au rectorat pour consultation de « pièces supplémentaires ». La CAPA devant examiner les mutations dans l’intérêt du service ont été reportées deux fois : une fois le 19 avril, l’autre le 17 juin, pour finalement avoir lieu le 3 juillet. Dans l’intervalle, le rectorat avait renoncé à aller plus loin que le blâme pour les procédures disciplinaires, et n’avait pas besoin d’argumenter sur les procédures de mutations dans l’intérêt du service. Le 3 juillet donc, au terme de plusieurs heures de chants et de discours, les élu.es en CAPA descendent pour annoncer les votes, qui refusent les mutations dans l’intérêt du service. Plus tard, courant juillet, le recteur, sans surprise, annonce, par arrêté, les mutations dans l’intérêt du service. Depuis la rentrée, le mépris de l’administration continue à toutes les échelles : refus du recteur de répondre en Comité technique académique sur la question de la fuite d’élément des dossiers dans la presse, volonté du directeur académique de passer en force en CHSCT départemental, allant même jusqu’à acter sans vote le 22 novembre le fameux rapport rédigé le 21 avril 2017, et source institutionnelle de toute cette vaste entreprise de répression syndicale. Il est clair que le collège République a fait sa rentrée fin août 2019 en y ayant laissé une partie de son âme. Mais la bataille se poursuit, à travers des recours au tribunal administratif, à travers tous ces t-shirts et tote-bags vendus dans les manifs, à travers l’affection indélébile partagée au sein du comité de soutien, et au-delà, à travers le combat mené par les personnels à travers tout le pays contre l’autoritarisme du ministre et du gouvernement.
- Collège République à Bobigny, anatomie d’une répression syndicale - 2 juillet 2020