Ce n’est pas aux lecteurs·trices de payer la lute contre Amazon
Le 30 décembre 2021, la loi « visant à conforter l’économie du livre et à renforcer l’équité et la confiance entre ses acteurs » a été promulguée. Elle entend imposer aux lecteur·trices des frais de port pour tout achat en ligne de livres. Ces frais seront arrêtés par décret qui n’a pas été publié à ce jour.
Géraldine Bannier (MoDem), rapporteuse de la loi, a reconnu qu’« Il est […] possible que cette mesure [les frais de ports] conduise à des ventes moindres [de livres] ou à des reports vers d’autres marchés ». On appréciera le terme « marchés ». La rapporteuse ajoute que la mesure devra faire l’objet d’une évaluation dans deux ans pour bien mesurer ses « répercussions sur la vie réelle ». Et surtout sur le pouvoir d’achat des lecteur·trices.
Au même moment, nous apprenions, grâce en partie aux révélations du syndicat SudPTT, auteur de Syllepse, que la Poste, dont l’État est le principal actionnaire, avait passé un accord commercial secret avec Amazon, lui accordant des tarifs postaux avantageux. Face à ces révélations, la Poste, quant à elle, invoque la loi Macron du 30 juillet 2018 sur le secret des affaires. Et quelles affaires alors qu’une centaine de salariés sans papiers qui travaillent pour Chronopost à Alfortville (Val-de-Marne) via ses sous-traitants, et qui ont été exploités pour des salaires de misère durant des mois, se battent pour leur régularisation !
Au secours Molière, Tartuffe est de retour !
Côté cour, LREM, alliée aux Républicains, accable donc les lecteur·trices de frais postaux au prétexte de lutter contre Amazon, côté jardin, elle accorde à l’ogre de la vente par internet ses faveurs financières avec la Poste, sans parler de sa grande tolérance à l’« optimisation fiscale » du géant numérique. Comble, la loi adoptée précise que l’arrêté tient compte des « tarifs proposés par les prestataires de services postaux sur le marché». À quels tarifs postaux fait-on référence : ceux de l’accord secret avec Amazon ou ceux qui sont appliqués au plus grand nombre ?
Pour leur part, les éditions Syllepse exigent :
– La levée du secret commercial qui lie la Poste à Amazon et son extension à tous les acteur·trices de la diffusion du livre ;
– plus généralement, la mise en place d’un tarif postal particulier pour l’envoi de livres qui permettra aux libraires d’assumer ces frais de port et ne pénalisera pas les lecteur·trices.
Nous n’oublions pas non plus les salarié·es d’Amazon qui se battent pour l’amélioration de leurs conditions de travail et la reconnaissance de leurs droits élémentaires face à une entreprise qui fait montre en permanence d’une rare violence anti-sociale. Le dernier exemple en date étant les manœuvres éhontées ont elle a fait preuve contre les travailleur·euses de son dépôt dans l’Alabama (ÉtatsUnis) pour les décourager de se syndiquer.
Paris, le 16 février 2022 – Les éditions Syllepse