Brésil 2014 : la Coupe est pleine
En 2014, la Coupe du monde de football a lieu au Brésil. Un an auparavant, en mars 2013, une rencontre internationale organisée par l’Union syndicale Solidaires, à Saint-Denis, rassemblant environ 200 militantes et militants d’une cinquantaine d’organisations syndicales d’Afrique d’Amériques, d’Asie et d’Europe, débouchait sur la création du Réseau syndical international de solidarité et de luttes. Une fondation à la base de laquelle se trouvait Solidaires, la CGT de l’Etat espagnol et la Central sindical et popular Conlutas du Brésil. La campagne que nous avons impulsé en France, en solidarité avec les mouvements sociaux brésiliens en lutte durant plusieurs mois de 2013 et 2014, était étroitement lié à cette dynamique de construction syndicale internationale.
Cheminot retraité, coopérateur des éditons Syllepse, Christian Mahieux est membre de SUD-Rail et de l’Union interprofessionnelle Solidaires Val-de-Marne, il coanime le Réseau syndical international de solidarité et de luttes et participe à Cerises la coopérative et à La révolution prolétarienne. Il était membre du Secrétariat national Solidaires de 2008 à 2014 et, à ce titre, à notamment coordonné la campagne La Coupe est pleine.
En avril 2014, Solidaires proposait une rencontre « pour une campagne unitaire de soutien aux mouvements sociaux brésiliens qui luttent contre les attaques envers la liberté d’expression, les droits de réunion et de manifestation, et pour la défense des droits sociaux. » Celle-ci eut lieu dans les locaux de l’Union syndicale Solidaires et un collectif se mit en place, rassemblant des organisations syndicales, associatives, politiques. Il fut rapidement convenu qu’il ne s’agissait pas de lancer une campagne de boycott ; ceci pour deux raisons : d’une part la volonté de privilégier le soutien le plus large possible aux mouvements sociaux brésiliens, sans nous diviser sur d’autres sujets ; d’autre part, parce qu’à un mois et 8 000 kilomètres de l’évènement, une campagne de boycott n’aurait été que de l’auto-affirmation, sans effet concret. Le premier appel unitaire [1] reprenait, en l’enrichissant, le texte d’invitation :
« Au Brésil comme ailleurs, les luttes et les libertés ne doivent pas disparaitre pour cause de Coupe du monde de football !
Du 12 juin au 13 juillet, la Coupe du monde de football a lieu au Brésil. En 2016, les Jeux olympiques seront organisés dans ce pays. Pour ces deux évènements sportifs et commerciaux, des sommes colossales sont dépensées, alors que nombre de besoins essentiels de la population ne sont pas satisfaits, loin de là. Par ailleurs, la Fédération Internationale de Football Association (FIFA) comme le Comité International Olympique (CIO) ont la détestable habitude de s’accommoder sans sourciller avec des régimes totalitaires. La FIFA, le CIO et les États qui les soutiennent, notamment en leur accordant d’importants fonds publics et en cautionnant, méprisent les populations qui vivent dans les pays où ils organisent ces compétitions sportives internationales : dépenses somptueuses, déplacements autoritaires de populations, répression accompagnent souvent ces initiatives ; le Brésil n’y échappe pas.
Nous affirmons notre solidarité avec celles et ceux qui, au Brésil, refusent que la Coupe du monde de football soit le prétexte à de graves mesures, qui attaquent directement la population, particulièrement les plus pauvres et vise spécifiquement celles et ceux qui résistent et exigent le respect des droits fondamentaux :
- Projet de loi étendant très dangereusement le possible recours aux mesures “antiterroristes”
- Interdiction et répression envers les manifestations.
- Campagnes diffamatoires envers celles et ceux qui s’opposent à la remise en cause des libertés.
- Occupation de favelas par des forces militaires et de police, qui prolonge les innombrables expulsions opérées pour les chantiers de la Coupe du monde et des JO de 2016. Plus de 170 000 familles ont été jetées à la rue !
- Organisation par les réseaux mafieux d’une prostitution à grande échelle dans toutes les villes où auront lieu les matchs, avec ce que cela implique en termes de violences et de négation des droits humains.
Des organisations syndicales et des mouvements sociaux brésiliens organisent la résistance et refusent à juste titre d’y renoncer pour cause de Coupe du monde de football. L’argent parvient à la FIFA et aux entreprises. Nous voulons de l’argent pour la santé, l’éducation, le logement, les transports collectifs et la réforme agraire », affirment-ils, et ils ont raison ! Une fois de plus, un « grand évènement sportif », qui se traduit par des milliards de bénéfices (durant la Coupe, mais aussi avant et après !) pour les multinationales de construction, de médias, de commerce, etc., est le prétexte à de graves attaques contre les travailleurs et les travailleuses, contre les populations les plus pauvres, contre les libertés de tous et toutes.
L’été dernier, de gigantesques manifestations dans de nombreuses villes brésiliennes ont mis en lumière les problèmes sociaux que connait ce pays ; des grèves ont lieu chaque jour et d’importants mouvements récents montrent que les travailleurs et les travailleuses ne tairont pas leurs légitimes revendications durant la Coupe du monde, les mouvements de sans-terre luttent sans relâche pour la survie de millions de personnes, d’autres combattent pour le droit au logement tandis que l’armée détruit les bidonvilles sans se soucier le moins du monde des habitants et habitantes, de nouvelles manifestations de masse se font jour, des expériences autogestionnaires de réappropriation de terres, de moyens de production et de lieux de vie sont menées… […]
Une campagne internationale
Ceci entrait en résonance avec l’appel Na Copa vai ter luta, no Brasil e no mundo ! lancé au Brésil par plusieurs organisations syndicales et populaires, sur l’initiative de la CSP Conlutas. Tout l’inverse des discours des tenants du « sport apolitique », tel Michel Platini [2] qui, le 25 avril 2014, déclarait : « « Le Brésil, faites un effort pendant un mois, calmez-vous ! Il faut dire aux Brésiliens qu’ils ont la Coupe du monde et qu’ils sont là pour montrer la beauté de leur pays et leur passion pour leur football. S’ils peuvent attendre au moins un mois avant de faire des éclats sociaux, ça serait bien pour l’ensemble du Brésil et la planète football ». Notons qu’à travers ses propos condescendants, Platini reconnaissait la réalité, voire la nécessité, des mouvements sociaux dénonçant la situation sur place et portant des revendications de justice sociale ! Simplement, il aurait fallu « faire un effort pendant un mois », laisser se dérouler tranquillement l’évènement.
Au Brésil, l’Espaço de Unidade de Ação (« Espace d’unité d’action ») mis en place suite à l’appel évoqué plus haut programmait un processus d’actions locales, régionales, nationales, rythmant les semaines, avant, pendant et après la Coupe du monde. En France, le collectif qui avait pris comme nom « La Coupe est pleine », tirait un tract en imprimerie, afin de permettre une diffusion publique large. Reprenant l’appel unitaire, il en détaillait les différents aspects.
« La Coupe du monde ne fera pas taire le peuple.
Il y a un an d’énormes manifestations avaient lieu dans tout l’État brésilien. Lancée par un mouvement portant sur la question des transports, la révolte populaire a rapidement englobé d’autres sujets : santé, éducation, logement, inflation, violence policière, corruption, etc. Le gouvernement a eu recours à la répression : contre les manifestant∙es et aussi envers des organisations ouvrières. Déjà, les manifestant∙es mettaient en exergue les énormes sommes d’argent dépensées pour l’organisation de la Coupe du monde de football en 2014 et des Jeux olympiques en 2016, et les expulsions massives dans les favelas. Le Brésil a beaucoup de richesses, c’est même la sixième force économique mondiale, mais comme ailleurs les travailleurs/euses ne bénéficient pas de ce qu’ils et elles produisent. Les conditions de vie du peuple brésilien ne se sont guère améliorées ; il n’en n’est pas de même pour les profits des grandes entreprises et des banquiers. Les moyens pour la santé et l’éducation publiques demeurent très insuffisants ; les besoins de logements sont énormes, la réforme agraire est une urgence. À l’inverse, les privatisations se poursuivent, la corruption demeure…
Et maintenant, « place au sport » ?
Derrière cette formule se cache la complicité, active ou passive, mais dans tous les cas réelle et assassine, avec une succession de régimes politiques sanglants. Sans revenir aux J.O. de Berlin de 1936 « qui ont magnifiquement servi l’idéal Olympique » selon Pierre de Coubertin, c’est au nom du sport qu’il fallait taire la réalité de régimes comme ceux de l’Argentine en 1978, de l’URSS en 1980, de la Chine en 2008, de la Russie en 2014 et 2018, avant le Qatar en 2022… Nous refusons !
Sous prétexte de Coupe du monde (et de J.O. en 2016), l’État brésilien généralise la militarisation du pays. Les « Unités de Police Pacificatrice » aux méthodes paramilitaires terrorisent la population des favelas. Le gouvernement soutient une « loi anti-terrorisme » qui, aux yeux d’Amnesty International, « met à mal la liberté d’expression et le droit de réunion ». Il veut légaliser l’arrestation des syndicalistes et des animateurs-trices des mouvements sociaux qui résistent ; l’interdiction même des grèves est envisagée… Amnesty International dénonce aussi « l’utilisation excessive de la force par la police lors des manifestations, l’occupation de favelas par des forces militaires et de police, un mépris total envers les droits humains lors des expulsions opérées pour les chantiers de la Coupe du monde et des JO ». Pour défendre les intérêts économiques de tous les investisseurs privés qui ont misé gros sur la Coupe du monde, le gouvernement brésilien bafoue les libertés fondamentales, syndicales et politiques. Triste manière de rappeler les 50 ans de l’instauration de la dictature militaire (1964/1985) au Brésil ! Nous soutenons les organisations associatives, syndicales et politiques brésiliennes qui affirment que « la Coupe ne fera pas taire les luttes ! »
Dépenses publiques, bénéfices privés !
Les compétitions sportives sont depuis longtemps des machines à drainer l’argent public vers les grandes multinationales (des dizaines de milliards de bénéfices), les mafias sportives internationales — FIFA (plus de 2 milliards de chiffre d’affaires par an) et CIO (4 à 5 milliards à chaque olympiade) — et les riches de chaque pays organisateur :
2014 : JO de Sotchi (Russie) : 36 milliards d’euros.
2012 : JO de Londres (Royaume-Uni) : 12 milliards.
2010 : JO de Vancouver (Canada) : 5 milliards.
2010 : Coupe du monde en Afrique du Sud : 4,3 milliards de dollars de dépenses pour l’Afrique du Sud, 2 milliards de profits pour la FIFA.
2004 : JO d’Athènes : 15 milliards de dépenses, qui ont contribué à l’explosion de la dette grecque.
Les expulsions d’habitant∙es sont une habitude, et permettent des constructions de haut standing pour les riches. Pour les JO de 2008 à Pékin, 42 milliards ont été dépensés et on estime que plus de 1,5 million de personnes ont été déplacées dans le cadre de projets de développement urbain. C’est le cas à chaque grand événement sportif.
À l’ombre des stades : les maisons closes
La Coupe du monde (comme tous les grands évènements sportifs internationaux) ne profite pas qu’aux multinationales du BTP et aux partenaires commerciaux de la FIFA : à côté des stades, les réseaux mafieux organisent un autre marché très lucratif : celui de la prostitution et de la traite des femmes. En 2010, c’est la FIFA qui a directement fait pression sur le gouvernement sud-africain pour l’obliger à libéraliser la prostitution, en prétextant que les supporteurs hésiteraient à venir par crainte du SIDA et que la solution allemande des maisons closes géantes permettrait de résoudre le problème. Au Brésil, même si elles sont interdites par la législation, les maisons closes annoncent d’ores et déjà leurs services sur des panneaux publicitaires, dans les journaux et sur internet. Les réseaux mafieux se préparent aussi à organiser la prostitution infantile autour des stades dans plus d’une douzaine de villes. Or, la violence sexuelle est le type le plus fréquent d’agression contre les enfants au Brésil.
Sous la pelouse, les décombres
Les villes les plus touchées par les expulsions forcées sont Rio (50 000 personnes concernées), Fortaleza (32 000 personnes), Porte Alegre (15 000 personnes) ! Au total, plus de 170 000 familles ont été chassées de leur logement. Toutes les méthodes ont été utilisées : créer un climat de peur dans les quartiers, exercer des chantages et pressions psychologiques sur les familles pour qu’elles cèdent leur maison à des prix dérisoires, accaparement de terres, expulsions sans relogement, violences policières sur ceux et celles qui résistent, déplacement des populations dans des zones urbaines dangereuses ou isolées ! Pendant l’événement, le nettoyage des villes est annoncé : celui de tous les hommes et femmes qui vivent sur les trottoirs en les renvoyant à des dizaines de kilomètres. Il faut rendre la pauvreté invisible ! Le Brésil n’est pas un cas isolé. Il existe chaque fois plus d’exemples à travers le monde qui illustrent l’insécurité des habitant∙es à l’occasion de ces méga-événements. Pendant ce temps, les spéculateurs réalisent des centaines de projets immobiliers et touristiques qui vont demain leur rapporter des milliards….
À qui profite la Coupe ?
Pour assurer la Coupe 2014 dans 12 villes du pays, environ 10 milliards d’euros sont déjà dépensés, dont 85 % proviennent des fonds publics. Ils visent à la construction de stades, d’aéroports, d’aménagements urbains… Le gouvernement a décidé l’exonération de l’impôt sur la circulation des marchandises et des services et sur toutes les opérations concernant la construction ou le renouvellement des stades. Les exonérations fiscales sont multiples : près de 200 millions d’euros pour l’acquisition de matières premières pour la construction des stades de foot, tandis que l’industrie automobile est exonérée d’environ 9 milliards d’euros. Le gouvernement brésilien a satisfait à toutes les exigences de la FIFA, mais le Brésil n’obtiendra aucun retour financier, à commencer par les billets vendus à l’étranger. Les bénéfices engendrés par la Coupe finiront directement dans les poches des firmes multinationales partenaires de la FIFA ou sponsors de la Coupe : Coca-Cola, Adidas, Hyundai-Kia Motors, Sony, McDonalds, Continental… Décidément le mondial de 2014 est un méga-événement destiné purement aux riches !
Solidarité avec les comités populaires
Les revendications ne sont pas inventées parce qu’il y a la Coupe du monde ! Les grèves, les manifestations, les rassemblements, les occupations et les réappropriations de moyens de production durent depuis des mois. Le peuple brésilien n’a pas à se taire pour cause de Coupe du monde ! L’urgence sociale rend indécente une telle idée. Ce texte du comité populaire synthétise l’esprit des mouvements sociaux brésiliens, incarnés par de multiples collectifs, associations, syndicats. Nous les soutenons et dénonçons l’arsenal répressif préparé par le gouvernement brésilien.
Voici les dix motifs pour lesquels nous protestons contre la Coupe :
1) 250 000 personnes ont été ou seront expulsées de leurs logements […].
2) La Coupe laissera des « éléphants blancs » : des œuvres hors de prix, gigantesques, mais sous-utilisées. […]
3) À l’inverse de ce qui a été promis, une grande partie des fonds utilisés pour la construction où la restauration des stades provient des coffres publics […].
4) Pour pouvoir recevoir la Coupe du monde, le Brésil a dû signer une clause qui l’engage à changer toutes les lois nécessaires afin d’être en adéquation avec les exigences de la FIFA. Ainsi, le pays a abandonné sa souveraineté pour servir une entité privée.
5) De véritables zones d’exclusion seront créées pendant la Coupe du monde : la FIFA sera responsable d’une zone allant jusqu’à 2 km de diamètre autour des stades, où seuls les personnels autorisés pourront exercer des activités commerciales.
6) Malgré les promesses qui affirmaient que la Coupe offrirait des opportunités de travail aux Brésilien∙nes, vendeurs/euses, marchand∙es ambulant∙es, petit∙es commerçant∙es et artistes de rue sont interdits de travailler dans les zones de la FIFA. Tout sera entre les mains de la FIFA et de ses entreprises partenaires, comme Coca-Cola.
7) La FIFA et ses entreprises partenaires auront une exemption fiscale totale de tous les impôts brésiliens, privant ainsi les coffres publics brésiliens d’un milliard de réais (plus de 300 millions d’euros).
8) Pour recevoir la Coupe du monde, les gouvernements et clubs de foot ont été obligés de construire et réformer les stades afin qu’ils obéissent aux normes de qualité de la FIFA. Au premier regard, il s’agit de nouvelles positives, mais en apparence seulement. En fait, il y a un effet collatéral tragique en action : l’élitisation des Jeux, qui, désormais, doivent être fréquentés à peine par des classes sociales élevées qui peuvent payer des entrées chères et acheter dans les magasins installés dans les stades ;
9) Au nom de la Coupe du monde, l’État brésilien a étendu son appareil répressif : en plus d’avoir dilapidé des milliards de réais en armement et nouveaux groupes policiers, ont été créées de nouvelles spécificités pénales pour encadrer les manifestant∙es dans le Code pénal.
10) Le ministère de la Défense a publié un document, intitulé « Garantie de la loi et de l’Ordre », dans lequel les mouvements et organisations sociales sont classifiés comme des forces d’opposition, comme toute personne où organisation qui entrave les voies d’accès (même de forme pacifique), provoquant où instiguant des actions radicales et violentes. Contre eux/elles, le gouvernement autorise les Forces armées à agir. »
Conférence de presse, tournoi de foot, réunions publiques, rassemblements…
À deux jours de l’ouverture du tournoi mondial, le collectif français organise une conférence de presse à Paris, en présence de Dirceu Travesso, membre du Secrétariat exécutif national et responsable des relations internationales de la CSP Conlutas [3]. Bien que gravement malade, Didi s’était rendue en France et en Suisse (siège de la FIFA), pour appuyer les campagnes de solidarité avec les mouvements sociaux brésiliens. Il illustra d’exemples concrets ce que nous dénoncions dans nos publications [4] :
« […] La situation que nous sommes en train de vivre au Brésil, qui s’est ouverte l’année dernière, en juin 2013, n’est pas propre au Brésil, elle fait partie d’une situation plus générale au niveau mondial. Cette situation a donc un double aspect. D’un côté, il y a un processus général et de l’autre il y a la Coupe du monde au Brésil, avec ce qu’elle met en œuvre. Le fait qu’un gouvernement se mette au service des multinationales, que l’argent public soit investi selon les intérêts des multinationales, avec des détournements d’argent, des phénomènes de corruption, tout cela résulte d’un projet global qui est celui du secteur financier investi dans l’industrie des loisirs. Aujourd’hui, il y a de nouvelles méthodes pour soutirer de l’argent des peuples au profit des multinationales. Ainsi, il y a eu une modification de l’organisation de l’industrie du football. Il ne s’agit plus d’organiser un championnat, de vendre quelques produits, d’organiser des événements ponctuels, non, il s’agit aujourd’hui de remuer des millions et des millions de dollars pour de grands investissements, pour de grands échanges commerciaux et industriels. La FIFA a expliqué que son objectif était de brasser dix milliards de dollars. Et non seulement elle ne va pas payer un seul dollar d’impôt, mais elle va recevoir des aides publiques de l’État brésilien.
Par exemple, Adidas, pense extraire de tout ce processus deux milliards de dollars. Il faut bien comprendre la dimension de ce qui est en jeu dans cette Coupe au Brésil. Prenons l’exemple du ballon utilisé dans les matchs de la Coupe et qui est changé à chaque match. Ce ballon, qui vaut 400 réais au Brésil, est fabriqué par Adidas en Indonésie. Or, un travailleur indonésien gagne 220 réais par mois, c’est-à-dire qu’il lui faut deux mois de salaire pour pouvoir acheter un tel ballon.
Un autre exemple est celui des stades de foot, dont la construction ou l’aménagement devait initialement coûter 8 milliards de dollars. Aujourd’hui, on parle d’un budget de 25 milliards de dollars. S’ils disent 25, cela veut dire que c’est beaucoup plus d’argent qui a été investi dans l’aménagement des stades. En outre, cet argent devait, pour l’essentiel, venir de capitaux privés. En réalité, les études officielles montrent que 90 % des investissements viennent de fonds publics.
Tout cela fait partie des débats qui se mènent aujourd’hui au Brésil, dans une situation économique qui est la suivante : un pays où la misère populaire est extrêmement forte malgré les apparences d’amélioration globale qui a eu lieu dans le pays. Ainsi, dans l’esprit de la population, tout ce qui a été décidé pour la Coupe du monde, tout cet argent qui devait apporter un standing nouveau, moderne, dans les travaux — un standard FIFA de très haut niveau — est désormais remis en question. Ce que voulaient les gens, c’est que, dans leur vie quotidienne, dans l’école, dans la santé, eux aussi obtiennent le standard FIFA. Et c’est l’inverse qui a lieu. Ils coupent dans tous les budgets, ceux de la santé, de l’école, pour investir et répondre aux exigences du standard FIFA de la Coupe du monde. Et le gouvernement utilise n’importe quelle méthode pour satisfaire ces exigences. Pour construire les stades, pour réaliser les infrastructures, les moyens de transport pour accéder aux stades, 170 000 familles ont été déplacées, expulsées de l’endroit où elles vivaient, avec les méthodes du Brésil, de la police brésilienne dont la culture est celle de la brutalité et de la violence. Certains disent 250 000 en comptant les familles qui vont être expulsées pour les prochains Jeux olympiques au Brésil (c’est-à-dire 800 000 à un million de personnes au total).
L’appareil répressif au service des multinationales cette année, c’est le 50e anniversaire du coup d’État militaire de 1964, et, de nouveau, on voit l’armée qui patrouille dans les rues, dans les favelas. Cinquante années après le coup d’État militaire, nous nous retrouvons donc avec un gouvernement qui utilise l’armée, à nouveau, pour imposer l’ordre dans les favelas, dans les rues, pour garantir ce pour quoi en 1964 l’armée était montée au pouvoir, c’est-à-dire pour garantir les bénéfices des multinationales. Cette armée intervient dans les déplacements de familles, la répression des manifestations, et dans un contexte où le gouvernement essaie de faire approuver des lois qui remettent en question tous les droits élémentaires du citoyen, avec des tribunaux spéciaux émettant des jugements rapides sous le chef d’accusation de terrorisme qui a été utilisé contre certains des manifestants. Mesurez que cette politique est conduite par un gouvernement dont la Présidente est issue du secteur qui a combattu la dictature, une Présidente qui était, au moment du coup d’État de 64, dans la guérilla, qui a été emprisonnée, torturée. De fait, sur la question d’une loi accusant les manifestants de terrorisme, le gouvernement a dû reculer ; mais, sur l’ensemble de la politique répressive pour imposer l’ordre, pour que la Coupe se tienne, il a maintenu toute sa politique.
La subordination aux intérêts des grandes multinationales. Elle va de ces choses importantes dont je viens de parler, comme la répression, les droits de l’Homme, etc., jusqu’à de petits faits amusants. Par exemple, au Brésil, pour combattre la violence dans le football, entre les spectateurs des matchs, il y a une loi qui interdit la consommation et la vente de boissons alcoolisées. Mais l’un des sponsors de la Coupe est un fabricant de bières, ils ont donc changé la loi : durant la Coupe, la vente de bière est autorisée dans les stades. (AB-inBev, trust international belgo-brésilien, est le sponsor officiel de la Coupe du monde 2014. Il est propriétaire de nombreuses marques, dont la Budweiser, la bière officielle de la compétition). Cela ressemble à une blague, une plaisanterie, mais en réalité, cela exprime le fond de tout ce que je viens d’expliquer : l’État brésilien se met à genoux, complètement, devant les multinationales pour que les capitaux puissent opérer. L’État national, c’est une blague. La plaisanterie, ce n’est pas la bière, la plaisanterie c’est l’État national.
D’un côté, on a donc cette politique de grandes opérations financières qui se poursuivent en réalisant ce type de grands événements sportifs. Et d’un autre côté, on a la résistance des populations face à ces grandes affaires organisées autour de la politique des loisirs, et face aux conséquences que cela a. Cette résistance avait commencé à s’exprimer en Afrique du Sud, elle s’exprime maintenant au Brésil, et va continuer à s’exprimer, par exemple à l’occasion de la Coupe du monde prévue au Qatar.
Avec les mobilisations de juin 2013, une nouvelle situation s’est ouverte au Brésil. Les mobilisations qui ont eu lieu en juin 2013 ont réellement changé les rapports de force au sein du Brésil. Une situation qualitativement nouvelle s’est alors ouverte par la combinaison des premiers éléments de la crise économique, qui touche non seulement le Brésil, mais l’ensemble des BRICS (Inde, etc.), avec des événements provocateurs comme la Coupe du monde et les affaires financières. Cela a créé une indignation et en même temps, contradictoirement, les gens ont senti que l’attention du monde était portée sur leur pays et que cela ouvrait une opportunité pour exprimer ce qu’ils avaient à dire.
Donc, quand nous parlons de solidarité, ce n’est pas une solidarité avec le Brésil et ce qui se passe là-bas. Certes, la solidarité telle que nous l’entendons est bien sûr nécessaire, nous en avons besoin. Mais il s’agit aussi d’un processus de lutte qui, sur le fond, avec des caractéristiques particulières dans chaque pays, pose le même type de problème, parce qu’il y a une unité profonde avec les luttes que vous connaissez, contre les coupes dans le budget de l’éducation, de la santé, pour les retraites, etc. Les attaques menées au Brésil pour permettre que les multinationales fassent des bénéfices, vous les connaissez ici aussi : ce sont les coupes qui sont faites dans l’éducation, les retraites, etc. Donc il s’agit d’avoir un débat qui permette de voir l’unité de l’ensemble de ces phénomènes qui sert un même modèle de fonctionnement de l’économie, de la société. Le processus ouvert au Brésil va continuer, avec les caractéristiques intéressantes de la dernière période. L’année dernière, la caractéristique principale des manifestations était d’être des manifestations de rue dans lesquelles il y avait une immense majorité de la jeunesse, mais des jeunes qui ne partaient pas de leur lycée, de leur université, mais qui partaient de leur quartier, avec leurs amis, de façon inorganisée, et des manifestations composées aussi de secteurs des classes moyennes déclassées. Il y avait aussi des travailleurs, mais, pareillement, ils ne venaient pas de leur entreprise, en groupes, mais venaient en famille, et de façon atomisée.
Aujourd’hui, le processus n’est pas le même. Il n’y a plus ces grandes manifestations de l’année dernière, avec 200 000, 300 000 personnes manifestant. Pour l’ensemble des villes, on totalisait 2 millions de manifestant∙es. Ces manifestations ont constitué l’un des processus les plus importants qu’on n’ait connus jamais au Brésil et ont changé la situation au Brésil. Mais si aujourd’hui elles paraissent moins nombreuses, les processus sont plus profonds. Aujourd’hui se mêle l’insatisfaction générale qui s’était exprimée dans les manifestations de juin 2013, avec la mise en avant de revendications propres, d’insatisfactions particulières, et c’est un processus qui vient d4en bas. Il y a des grèves dans les secteurs les plus divers et dans de très, très nombreux endroits du Brésil : les professeurs, dans les universités, dans les écoles ; les éboueurs, la construction civile, les chauffeurs d’autobus ; il y a même des grèves de la police, et dans la jeunesse il y a aujourd’hui des grèves dans les universités, avec un processus qui aujourd’hui passe par l’organisation des travailleurs, des étudiants. Ils s’organisent pour mettre en avant leurs revendications à partir des endroits où ils travaillent, où ils étudient. Tout ce processus va continuer.
Particularités des grèves aujourd’hui. Vous avez été attentifs au développement de la grève du métro à São Paulo, à la violence avec laquelle le gouvernement régional de l’État de São Paulo, qui est un gouvernement de droite dirigé par le PSDB, a traité cette grève. Nous, nous avons préparé de façon consciente cette grève puisque la direction du syndicat travaille avec la centrale syndicale populaire Conlutas, que je représente ici. La convention collective du métro devait être renouvelée en mai de cette année. Nous avons donc essayé de repousser au maximum les négociations pour qu’elles se rapprochent le plus du moment où s’ouvrait la Coupe du monde. La grève a éclaté dans le métro jeudi, mais il y avait, et il y a toujours au Brésil en ce moment, une multitude de grèves avec certaines conquêtes partielles qui sont obtenues. Il y a certains secteurs qui sont dirigés par des syndicats combattifs, mais beaucoup de secteurs qui ont fait grève l’ont fait contre leur direction syndicale. C’est aussi une caractéristique importante de la situation.
Pour que vous compreniez bien les caractéristiques des luttes de réorganisation qui sont en train de se faire, je donne l’exemple des chauffeurs d’autobus, dont la grève a éclaté il y a 15 jours. Il s’agissait de renouveler la convention collective ; le syndicat a mené les négociations avec la direction des autobus de São Paulo. Il est arrivé à un accord et il a convoqué une assemblée pour que l’accord soit validé par la base. Alors, à 18 h, cette assemblée s’est tenue, avec 2000 travailleurs et travailleuses, et a accepté l’accord passé avec le patron. Le lendemain matin, les chauffeurs ont pris les autobus, ils les ont sortis des garages, et ils sont partis comme s’ils allaient travailler. Et alors, ils ont commencé à arrêter leur autobus et à les mettre en ligne dans les avenues de São Paulo. Ils fermaient les autobus, ils formaient des groupes et ils allaient discuter avec les autres chauffeurs pour que ceux-ci s’arrêtent aussi. Il s’est formé d’immenses files d’autobus qui ont bloqué toute la ville : les gens qui devaient prendre l’autobus étaient bloqués, ils ne pouvaient pas monter, et les gens qui étaient en voiture ne pouvaient pas passer parce que les autobus bloquaient la circulation. Cela a été le chaos. Il y a eu une interview télévisée d’un des chauffeurs, qui est très symbolique de ce qui s’est passé. Le journaliste demande au chauffeur : « Pourquoi n’êtes-vous pas venu ? Puisque vous étiez contre la convention collective, pourquoi ne pas être allé à l’assemblée pour voter contre ? » Et le chauffeur répond : « Moi, aller à l’assemblée ? Si je vais à l’assemblée, je vais devoir m’affronter à la direction syndicale, elle va même me frapper ». Le journaliste demande alors : « Pourquoi n’avez-vous pas utilisé les autobus pour bloquer les dépôts ? Pourquoi êtes-vous sortis dans les rues ? ». Et le gars répond : « Bon, pensez que dans les dépôts, il va y avoir le patron et le syndicat pour me frapper. Dans la rue, nous sommes entre nous ». Cette interview est symbolique de ce que nous appelons le processus de réorganisation qui est en train de s’opérer au Brésil. Nous sommes un certain nombre à avoir déjà assisté dans le passé à un phénomène de ce type. Ce fut un phénomène de rébellion par en bas contre les directions syndicales et contre le fonctionnement des partis politiques d’alors ; cela donna lieu à la formation de deux grandes conquêtes organisationnelles que furent la constitution de la Centrale unique des travailleurs, la CUT, et la formation du PT (Parti des travailleurs). On ne sait pas, aujourd’hui, comment ni à quoi va aboutir ce processus de confrontation avec la bureaucratie et de réorganisation syndicale et politique, mais cela nous rappelle cette période.
Pour une mobilisation solidaire en défense des travailleurs licenciés. À partir de là, je fais deux propositions. La première est conjoncturelle, mais a de l’importance. L’attaque contre la grève des travailleurs du métro de São Paulo est très importante et a un caractère symbolique tant pour les patrons et les gouvernements de là-bas que pour nous. Il est évident que s’il y avait une victoire de la grève du métro, et cela à deux jours de l’ouverture de la Coupe du monde, ce serait une incitation au surgissement de grèves partout, y compris parmi les arbitres de la FIFA. Mais s’ils réussissent à vaincre cette grève, il n’y aura pas d’inversion de la situation ouverte en juin 2013, mais celle-ci sera contenue pour un temps. Comme il s’agit, au métro, d’un syndicat très organisé, qui est une référence parmi les quatre plus puissants, il y a là un enjeu symbolique : soit la victoire, soit la défaite, et s’ils réussissent à défaire la grève du métro, le plus probable est qu’ils obtiennent une chute du rythme des mobilisations.
[…] On va avoir un mois de mise en scène de la Coupe dans lequel on pourra avoir des interventions. Il va y avoir des événements qui auront lieu, une campagne pour exiger la réintégration immédiate des licenciés du métro et d’autres éléments d’appui aux revendications. Cela, c’est l’aspect immédiat, conjoncturel. Mais il est très important pour la manifestation du 12 juin que vous allez tenir devant l’ambassade, en plus de la question générale de la Coupe. Si vous pouvez introduire dans cette manifestation la revendication de la réintégration des licenciés du métro, cela a une importance conjoncturelle très grande.
Ma seconde proposition, plus générale, concerne les questions de fond, plus structurelles, plus importantes pour le futur. Je l’ai dit, ce n’est pas un processus spécifiquement brésilien tant en ce qui concerne les objectifs de l’impérialisme qu’en ce qui concerne les luttes et les résistances. Notre rôle est donc de réfléchir à la manière dont on organise un débat entre nous par rapport aux opportunités qui sont en train de s’ouvrir ? Il y a aujourd’hui la possibilité de discuter entre nous, sur le plan mondial, de stratégie : la stratégie du modèle capitaliste qui s’exprime par exemple dans l’organisation de la Coupe, dans tout ce système global dont on a discuté ici ; et s’ouvre la possibilité de discuter des rythmes, des formes que cela prend, au Brésil et dans les autres pays.
Un changement dans les consciences. […] J’ai abordé le problème par la question des grèves. Il faut que vous compreniez qu’il y a un changement historique dans la conscience publique, un changement dans les mentalités au Brésil. Prenons un exemple. Il y a une plaisanterie pour se moquer de l’image que l’on a du Brésil. Ce serait un peuple pauvre, misérable, mais qui est heureux parce qu’on joue au football et qu’on danse ? Mais cette année, au moment du carnaval, les éboueurs ont fait une grève en plein milieu du carnaval. Or, d’habitude, les éboueurs, à la fin du défilé du carnaval, ils nettoyaient le sambodrome en dansant. Cette année ils ont profité du carnaval pour faire la grève, non pour danser. Cet exemple, et tout ce qui est ainsi en train de se passer par rapport à la Coupe du monde, c’est l’expression d’un changement dans les consciences. Même s’il n’y n’a pas une conscience claire des objectifs de lutte, c’est ce changement dans la conscience qui fait que les luttes peuvent tenir aujourd’hui, et se développer, parce qu’elles reçoivent l’appui de l’opinion publique.
La bronca contre la loi gouvernementale, la colère contre les gouvernements (fédéral et des États), le scandale que représentent les investissements pour les stades, etc., tout cela a créé cette conscience qui fait que, ensuite, il y a un appui aux luttes. Ainsi, la grève des gens du métro affecte brutalement la population de São Paulo, mais 70 % de la population appuie la grève. Une violente campagne des médias a été menée contre les grévistes et, néanmoins, les gens disent : « Je ne peux pas travailler, je suis emmerdé, mais j’appuie la grève ». 70 % de la population de São Paulo ! Concernant l’aspect structurel, et l’agitation générale que nous pouvons mener, comment pouvons-nous transformer cette compréhension que nous avons en conscience concrète, en projets, en initiatives ? Par exemple contre le fait que le Brésil vendrait des terres, des immeubles, etc. ?
Pour des campagnes mondiales face à des questions mondiales. Le problème c’est le modèle, le système économique. Par exemple, les multinationales brésiliennes sont-elles même liées à d’autres capitaux ? Ainsi la Petrobras, dans le pétrole, est en grande partie privatisée, investie par des capitaux étrangers ; c’est donc un modèle multinational, c’est par rapport à ce modèle qu’il faut discuter. Prenons un autre exemple, celui du métro. Il y a des projets pour réorganiser les déplacements dans les villes, avec de grands chantiers, y compris au Brésil, avec Alsthom. Alsthom avait formé un cartel avec Siemens, des groupes japonais, canadien, et un groupe espagnol, et ils négociaient entre eux quand il y avait un marché, de façon à présenter les prix les plus élevés possibles. Ce type d’accord existe, on le sait. Ce qui est nouveau, c’est que l’entreprise qui a dénoncé ce cartel à la justice du Brésil, tout en étant elle-même impliquée, c’est Siemens. En fournissant des documents qui prouvent la formation de ce cartel, Siemens a eu la garantie qu’elle échapperait à la répression. Et l’entreprise qui a été la plus impliquée, c’est Alsthom. Il est ainsi possible de mener une campagne mondiale pour dénoncer une telle corruption. Nous pouvons donc prendre trois, quatre, ou cinq questions ayant un caractère mondial et pouvant se traduire par des campagnes mondiales.
Prenons, par exemple, la grève des cheminots qui a lieu en ce moment. Elle pose une question qui nous concerne tous, celle de la privatisation. La vérité, c’est que la privatisation est à l’origine de tout ce qui est en train de se passer pour les transports, dans le monde. Cette grève se fait dans un contexte où la privatisation des transports est organisée à l’échelle du monde. Donc, dans une grève comme celle qui a lieu aujourd’hui en France, comment dégager concrètement des thèmes qui permettent de dénoncer comment fonctionne le monde aujourd’hui ? Comment pouvons-nous, à partir d’ancrages nationaux très concrets, engager des campagnes ; comment pouvons-nous, mondialement, organiser et alimenter de telles campagnes, par exemple sur le fait que, aujourd’hui, les multinationales veulent privatiser l’ensemble du système des transports ? C’est de cela dont on a maintenant l’opportunité de discuter. […]
Le 12 juin, un rassemblement était organisé devant l’ambassade du Brésil à Paris. Des initiatives similaires eurent lieu dans d’autres villes européennes, à l’appel d’organisations syndicales membres du Réseau syndical international de solidarité et de luttes. Le 29 juin, la « Coupe des peuples solidaires » se déroulait à Saint-Denis : « Coupe de football avec stands, animations, pique-nique, organisée par le collectif la Coupe est pleine et l’association Sortir du colonialisme. Avec la participation des équipes des diasporas du Tamil Eelam, Kurdistan, Sahara occidental, de Kanaky, du Brésil solidaire, du Collectif des Sans-papiers du 93, de Saint-Denis. Pour la solidarité avec celles et ceux qui, au Brésil, refusent que la Coupe du monde de football soit le prétexte à de graves mesures qui attaquent directement la population et les plus pauvres (expulsions de 170 000 familles, répression des manifestations et des grèves…). Pour la solidarité avec les peuples qui se battent pour leurs droits et leur autodétermination. Pour le soutien aux sans-papiers et à la lutte contre le racisme ». » Pour Solidaires, cette campagne caractérisait un pas en avant dans la construction d’un réseau syndical international utile pour les luttes et la solidarité. Elle fut aussi l’occasion, à travers l’exemple de la Copa brésilienne, d’expliquer ce qui se profile derrière « les grands évènements sportifs », de montrer que des luttes de masse sont possibles dans ces contextes. De quoi s’inspirer ultérieurement…
⬛ Christian Mahieux
[1] Premières organisations signataires : AITEC/IPAM, Alternative libertaire, ATTAC, CNT, CNT-SO, Droit au logement, Emancipation, Ensemble, France Amérique latine, L’insurgé, No-Vox, NPA, Sortir du colonialisme, Union syndicale Solidaires.
[2] Michel Platini était alors membre du Comité exécutif de la FIFA.
[3] Didi est décédé quelques semaines plus tard, le 16 septembre 2024. Travaillant dans le secteur bancaire, ancien responsable de la CUT, cofondateur de la CSP Conlutas, Didi a joué un rôle déterminant dans la construction du Réseau syndical international de solidarité et de luttes.
Septembre [4] La traduction fut faite à l’oral par Jean Puyade, la transcription et mise en forme par L’insurgé.
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