Solidaires au CESER
L’Union syndicale Solidaires est présente dans les Conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER). Les représentant∙es dans un de ceux-ci, Auvergne-Rhône-Alpes, décrivent ce qu’est le CESER, ses limites et les intérêts qu’il peut toutefois y avoir à y siéger. Un point de vue qui ne se veut pas celui « des membres Solidaires de tous les CESER » mais qui repose sur une expérience concrète, en lien avec les structures syndicales concernées.
Membre de SUD santé sociaux et de Solidaires Retraité∙es Rhône, Denise Milbergue a exercé en hôpital pédiatrique en tant que technicienne de labo, puis en psychiatrie en tant qu’Art-thérapeute à la suite d’une reconversion professionnelle après licenciement économique. Ancien facteur, Patrick Velard est retraité, membre de Solidaires Auvergne et de SUD PTT, dont il fut parmi les fondateurs, étant à l’époque militant du syndicat CFDT des postaux parisiens.
Le CESER quésaquo ?
En préalable, il est utile de rappeler que sur le plan national, la présence de Solidaires dans cette instance a été un combat de longue haleine. Initié il y a une vingtaine d’année en Bretagne, à la suite de nombreuses interventions et recours, notre représentation a été étendue sur la plupart des régions et au CESE. Au niveau national, le CESE est, après l’Assemblée nationale et le Sénat la troisième assemblée, censée conseiller les institutions nationales et le gouvernement, avec peu ou prou les mêmes prérogatives. Le Conseil économique, social et environnemental régional est l’assemblée consultative de la région, pour ce qui nous concerne Auvergne-Rhône-Alpes (AURA). Par ses avis et contributions il est censé concourir à l’administration de la région. Sa mission principale est d’informer et d’éclairer l’exécutif du conseil régional sur les enjeux et conséquences économiques, sociales et environnementales des politiques régionales. Il contribue également au suivi et à l’évaluation des politiques publiques. Le CESER, qui constitue la société civile organisée, a également une mission de représentation dans les organismes extérieurs (commissions mixtes ou conseils d’administration). Il est composé de quatre collèges : collège 1 : organisations patronales ; collège 2 : organisations syndicales de salarié∙es ; collège 3 : associations ; collège 4 : composé de personnes dites qualifiées, désignées de façon unilatérale par le préfet. Le CESER Auvergne-Rhône-Alpes est composé de 190 conseillers et conseillères, nommé∙es pour 6 ans par le préfet, sur présentation de leur organisation pour les trois premiers collèges. Pour les syndicats, le nombre de membres est en fonction de la représentativité aux élections professionnelles, ce qui donne évidemment une sur-représentation des centrales syndicales comme la CGT (19 sièges) la CFDT (18 sièges) alors que Solidaires n’en a que 2. Par ailleurs, il est regrettable que certaines associations très actives et représentatives dans leurs domaines ne soient pas présentes ; c’est le cas, par exemple, des associations féministes comme le Planning familial notamment, des associations de défense des droits humains comme la Ligue des droits de l’homme ou Amnesty international, ou encore d’ATTAC et d’associations environnementales telles que Greenpeace.
Le CESER est saisi par le Conseil régional, en amont de ses propres délibérations, sur des sujets tel que les orientations budgétaires de la région, le contrat plan Etat-Région, la gestion des lycées, la formation, l’enseignement supérieur et la recherche, la convention TER, etc. Il doit donner un avis sur ces délibérations. Ce sont les « avis obligatoires » ; le CESER dispose de 12 jours (week-ends inclus !) pour étudier les rapports et faire part de ses appréciations. Il existe aussi les « avis simples » qui répondent à une saisine du président du Conseil régional sollicitant l’expertise du CESER sur un sujet à caractère économique, social, culturel, environnemental. La date de remise du rapport est fixée entre les deux présidents, du CESER et du Conseil régional. Enfin, existe également les « contributions » : le CESER peut s’auto-saisir sur des thématiques particulières d’intérêt régional. C’est un travail de fond qui nécessite plus de temps, les conseillers et conseillères en fixent l’échéance. Comme exemple sur ce dernier point, nous pouvons citer le travail en cours de la commission transport sur le transport fluvial, où a été mis en place un travail en commun avec la région PACA et la région Franche-Comté, concernées également par le fret fluvial du Rhône. D’autres sujets ont été abordés dernièrement comme l’urgence climatique, les ressources en eau, l’accueil des personnes mineures non accompagnées. Ces avis et contributions sont publics et consultables sur le site du CESER, y compris en vidéo, en direct ou différé, pour les assemblées plénières.
Afin de travailler et de préparer les avis et contributions votées en assemblées plénières, le CESER se réunit régulièrement :
- en commissions thématiques, au nombre de 10, sur des sujets comme environnement et développement durable, protection sociale et solidarités, transports et territoires, ruralité mais aussi Europe, fonds structurels et solidarité internationale. Ces commissions auditionnent des expert∙es, des acteurs et actrices de ces différents sujets, afin d’élaborer des états des lieux et préconisations proposées en assemblées plénières.
- En groupes de travail, qui traitent en un temps court des sujets d’actualité (par exemple, le télétravail pendant la pandémie de COVID en 2022).
- En sections, qui travaillent en profondeur avec des expert∙es, sur des thèmes comme l’industrie et la prospective.
Chaque membre du CESER doit participer au moins à deux instances. Nous sommes présent∙es actuellement dans les commissions « territoires, transport, infrastructure et numérique », « solidarité, inclusion sociale et santé », « enseignement supérieur et recherche », « environnement et transition énergétique » et « industrie ». Les rapports font l’objet d’un vote en assemblée plénière. Les conseillers et conseillères se prononcent sur le texte et prennent la parole pour faire part de leurs observations au nom des organisations qu’ils et elles représentent.
Le mépris de Wauquier vis à vis du CESER
En Auvergne-Rhône-Alpes, l’exécutif régional et son président Wauquier affichent un profond mépris vis à vis du CESER. Celui-ci est censé être une instance de démocratie, composée des acteurs de la société civile organisée, également appelée « corps intermédiaires » ; à ce titre, la société civile devrait être écoutée, associée à l’exécutif du conseil régional. Les organisations syndicales l’ont maintes fois demandé sans être entendues par Wauquiez. Force est de constater que dans d’autres régions, les CESER sont mieux associés et consultés. Dans notre région, parce que c’est une obligation légale, l’exécutif régional est contraint de demander l’avis du CESER sur ses délibérations, mais il le fait dans des délais très contraints et sans aucun enthousiasme. Il fournit les documents nécessaires concernant le sujet en question, ceci dans le délai légal de 12 jours minimum sans ajouter un jour de plus. Or, pour parvenir à une construction argumentée et collective représentant toute la diversité de cette assemblée, une consultation il faut plus de 12 jours ! Avec des textes pouvant atteindre des centaines de pages, il est très difficile, voire impossible, pour les conseillers conseillères de solliciter l’avis de leurs mandant∙es. Ce n’est pas sérieux et, de plus, c’est un mépris de la société civile, un déni de démocratie, un refus de mettre en place une véritable consultation sur la politique régionale afin de mieux prendre en compte les besoins des populations et les territoires que, justement, le CESER est censé représenter.
A plusieurs reprises, les ordres du jour des séances plénières, très chargés, ont fait déborder le vase du ras-le-bol des conseillers et conseillères des organisations syndicales et d’une partie du collège associatif. Ainsi, lors d’une séance comportant six points à l’ordre du jour, avec des sujets majeurs comme les orientations budgétaires, le plan culture, la gestion des fonds européen, etc.) celles-ci et ceux-ci ont refusé de participer aux votes. Pour les membres du CESER mandaté∙es par de Solidaires Auvergne-Rhône-Alpes, il est hors de question de bâcler le travail de réflexions et de préconisations sur des sujets aussi importants pour les travailleur-se-s et la population de notre région.
Intérêts et limites de la participation de Solidaires au CESER
Dès le début, Solidaires a dénoncé les conséquences de la loi NOTRE qui mettait en place une hyper structure institutionnelle régionale, éloignant les lieux de décision du terrain et des citoyens et citoyennes. Qu’on en juge : la distance entre Aurillac et Lyon, siège de la région, est de 314 km, soit 3h30 heures de transport par la route, 5h50 en train ! En ce qui concerne Auvergne-Rhône-Alpes, la conséquence est claire : très peu de conseillers et conseillères sont originaires du Cantal. Autre conséquence de cette hyper structure : les citoyens et citoyennes ont encore plus de mal à comprendre et à prendre en compte la structure régionale trop éloignée ; il en est de même pour le CESER. En 2016, Solidaires a mis en place une coordination régionale Auvergne-Rhône-Alpes, pour réagir aux conséquences de cette loi NOTRE et tenter de prendre en charge à minima l’activité syndicale sur cette nouvelle entité (désignation des défenseurs syndicaux, suivi de l’activité des conseillers du salarié, organisation des élections TPE, formation syndicale, CESER). Avant même la fusion des deux régions, l’intérêt de participer au CESER a fait l’objet de débat au sein des structures départementales. Si la décision d’intervenir finalement dans cette institution a été prise, les réserves de certains et certaines demeurent néanmoins. Finalement, les deux représentantes au CESER qui siégeaient, une en Auvergne, l’autre en Rhône-Alpes ont donc représenté ensuite Solidaires sur la nouvelle région AURA. Depuis, force est de constater que cette structure de coordination rencontre encore des difficultés à fonctionner. Ainsi, les Solidaires départementaux et les syndicats professionnels, qui gardent leur autonomie ne s’impliquent pas tous dans la vie de la coordination.
En qualité de conseiller et conseillère CESER désigné∙es, nous participons aux réunions intersyndicales régionales organisées dans le cadre du CESER. Nous participons régulièrement à la signature d’interventions intersyndicales sur différents thèmes. Nous rédigeons également nos propres interventions et pour ce faire, nous invitons régulièrement les Unions départementales Solidaires et les syndicats professionnels à nous aider à les élaborer, dans le cadre des avis ou délibérations soumis au vote lors des assemblées plénières ; ceci, malgré les difficultés citées plus haut concernant les délais contraints. Ce fut le cas ces derniers mois de trois interventions au nom de Solidaires Auvergne-Rhône-Alpes : l’une dénonçant l’ouverture à la concurrence des TER, une autre à propos l’accompagnement des personnes mineures non accompagnées ; la dernière portait sur le thème « accélérer les énergies décarbonées en Auvergne-Rhône-Alpes », et nous avons été les seul∙es à exprimer la part trop belle réservée au nucléaire. Ces interventions n’ont pu se faire que grâce aux retours et à l’expertise des syndicats concernés : SUD-Rail, SUD Education (et le Réseau éducation sans frontières) mais aussi, par le passé, SUD Recherche par exemple, dans le cadre d’une contribution portant sur l’enseignement supérieur et la recherche. La participation de Solidaires au CESE comme aux CESER nous paraît importante car, outre le fait de contribuer à la reconnaissance et à la représentativité de notre Union, elle permet de faire connaître nos positionnements sur différents sujets, environnementaux, sociaux, économiques ou sociétaux. Elle permet également d’interpeller la Région sur ses décisions et ses orientations, parfois avec nos partenaires syndicaux et associatifs, Pour aller plus loin dans la prise en charge et la réflexion commune, nous avons mis en place, en intersyndicale, des rencontres avec des conseiller∙es régionaux de l’opposition ; ce fut le cas par exemple, pour le travail sur la convention TER.
Il n’est pas inutile de faire un petit rappel historique : « Il n’y a plus de corporations dans l’État, il n’y a plus que l’intérêt particulier de chaque individu et l’intérêt général. Il n’est permis à personne d’inspirer aux citoyens un intérêt intermédiaire, de les séparer de la chose publique par un esprit de corporation. » C’est ainsi que s’exprime, en juin 1791, Le Chapelier pour défendre l’abolition des jurandes et des corporations. Ces mesures prises par la Révolution française restent en vigueur sous la plupart des régimes du XIXe siècle et empêchent la constitution de syndicats. La loi Waldeck Rousseau de 1884 a mis fin à cette interdiction. C’est par la lutte, qu’ensuite, les syndicats de salarié∙es ont gagné de nouveaux droits. La présence des syndicats de salarié∙es au sein du CESER contribue e à cette reconnaissance ; pour autant, la vigilance doit être de mise, car les tentations de remises en cause du rôle des organisations syndicales par le patronat et le pouvoir sont monnaie courante. Faut-il également rappeler que Macron, qui a récemment réformé le CESE, n’excluait pas de modifier, voire de supprimer les CESER ? Par sa composition, le CESER représente la diversité de la société civile organisée ; Pour que cette représentation soit élargie, nous avons élaboré des propositions avec nos partenaires syndicaux pour associer les citoyens et citoyennes au fonctionnement et au travail du CESER. Le mouvement des Gilets jaunes a mis un terme aux velléités du gouvernement, mais qu’on ne s’y trompe pas : le « Grand débat » et autres conventions citoyennes, tout comme le Conseil national de la refondation, ne sont que des leurres qui ne sauraient faire oublier le refus d’écouter le peuple. La lutte récente pour s’opposer à la contre-réforme des retraites en est l’illustration.
Au-delà des aspects positifs qu’il y a à siéger au CESER, il convient d’être lucide sur les limites de ce type d’institution. Nous ne nous faisons pas d’illusions sur le contenu final des avis et contributions qui, trop souvent, par recherche de contenu consensuel, sont très policés, souvent sans âme ni esprit critique quant aux propositions. Néanmoins, grâce aux auditions et au travail des commissions, les états des lieux précédant les préconisations comportent souvent des éléments statistiques et d’information très détaillés, intéressants pour les équipes syndicales. De même, nos interventions lors des assemblées plénières ont permis de préciser et critiquer parfois très fermement les contributions, même si nous avons participé à leur écriture et/ou si nous les voté favorablement pour respecter la qualité du travail effectué (expertises, état des lieux). Nous tenons alors à faire entendre le point de vue de Solidaires, seul∙es ou en intersyndicale. Rappelons également que l’attitude de la gouvernance de la région et de Wauquier et les délais contraints ne permettent pas les meilleures conditions pour que le CESER remplisse son rôle. L’absence de retour de l’exécutif sur les avis rendus et les préconisations est un élément supplémentaire qui entrave le fonctionnement du CESER. Nous n’avons pas pu développer la séquence de la lutte des Gilets jaunes qui, avec ses propres contradictions a consisté en l’interpellation par la « société civile inorganisée » de l’ensemble de la société, y compris les syndicats de salarié∙es. Nous invitons à consulter, sur le site du CESER AURA [1], la contribution « Les corps intermédiaires enfin écoutés ? », adoptée en février 2019 ainsi que l’intervention de Solidaires ; toutes deux sont riches de bilan critique et de propositions. D’ailleurs, pour approfondir la connaissance du travail du CESER AURA, consulter ses avis, ses contributions, mais également les interventions de Solidaires lors des assemblées plénières, par écrit, en vidéo, en direct ou en différé, n’hésitez pas à vous connecter sur le site du CESER. Vous pouvez également consulter les sites des autres CESER du territoire.
⬛ Denis Milbergue et Patrick Velard
[1] www.ceser.auvergnerhonealpes.fr
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