L’origine du statut du personnel de la RATP
Le personnel de la RATP bénéficie d’un statut particulier, qui trouve son origine dans le statut général du métropolitain voté en 1898, accordé à la Compagnie de traction, compagnie qui reçut la concession lors de la création du Métro en 1900. Dès cette époque le personnel a pu bénéficier d’un salaire minimum, d’une journée de travail limitée à 10h, d’un congé annuel de 10 jours, d’une caisse de retraite et d’un service médical et pharmaceutique gratuit pendant un an en cas de maladie ou d’accident. Le régime spécial des personnels de la RATP comme celui du service public en général est aujourd’hui sujet à polémique. Dans une phase de dérégulation sociale, il fait l’objet de critiques ou de tentatives d’alignement sur le secteur privé. Le débat très contemporain sur les régimes de retraite par exemple ne présente pas de caractère novateur pour les personnels des transports publics qui ont dû s’affronter à la même volonté de dérégulation dès 1947. Renouvelée en 1953 et récemment en 1995 ou 2019, la question de la défense du régime particulier de la RATP est une constante bien antérieure à sa création. Il n’existe pas, à ce jour, d’histoire sociale des conflits, des luttes, du mouvement syndical des agents des transports parisiens, que ce soit à la Compagnie Générale des Omnibus (CGO), à la Compagnie du Chemin de fer Métropolitain de Paris (CMP), puis à la Société des Transports en Commun de la Région Parisienne (STCRP) ou bien à la RATP [1]. Les différents travaux de maîtrises universitaires et de monographies, ainsi qu’une recherche aux archives syndicales de Fontenay-lès-Briis, [2] permettent cependant une approche de cette histoire. On peut s’apercevoir que les grandes luttes du personnel (1919, 1947, 1953, 1995, 2007, 2019) en tout cas celles qui ont rassemblé très largement ouvriers, personnels du routier et du ferré (hormis 1951 et 1968, ces deux conflits ayant un caractère plus large que la seule défense du statut), ont toutes mises en avant le statut du personnel, pour l’améliorer ou prendre sa défense.
L’histoire spécifique du statut du personnel a fait l’objet de plusieurs études anciennes et récentes [3] mais un regard d’histoire sociale pour étudier dans quelles conditions et à travers quels débats, en particulier au Conseil municipal de Paris, les élus socialistes de la capitale avaient imposé ce statut, n’avait pas encore été produit. Il m’a semblé intéressant d’étudier dans quelle conjoncture avait été élaboré ce statut, de rappeler d’abord un contexte social agité dans les dix années qui précèdent le passage au vingtième siècle, et la situation sociale dans une période ou naissent d’autres statuts professionnels, ainsi qu’une législation plus favorable aux travailleurs. Dans une seconde partie est rappelée la politique générale du mouvement socialiste à cette époque et sa situation électorale à Paris [4]. La troisième partie traite plus spécifiquement de la politique des élus socialistes au Conseil municipal de Paris et de leur action en faveur du statut du personnel de la RATP.
LA SITUATION SOCIALE AGITÉE DE LA FIN DU 19EME SIÈCLE
Le mouvement des grèves et manifestations ouvrières connaît un très fort développement dans ces dix années qui mènent au vingtième siècle. Dans une période de forte dépression économique l’augmentation des grèves en France s’inscrit dans le contexte d’un chômage massif, (même si n’existent pas les indicateurs de mesure) et d’une stagnation du salaire nominal comme du salaire réel [5]. C’est le début du comptage statistique des grèves à l’Office du travail créé en 1891. On observe des courbes ascendantes tant pour la fréquence, que l’ampleur et la durée moyenne des conflits du travail entre 1890 et 1900 [6]. Si, sur le plan quantitatif, les grèves sont en augmentation durant la période, leur représentation est elle aussi forte dans une époque qui voit le développement du syndicalisme, la création des bourses du travail et l’approfondissement d’une conscience de classe, où après 1848 et la Commune, l’idéal ouvrier ne peut plus se confondre avec la République. C’est en 1886 qu’éclate la grève des mineurs de Decazeville, puis en 1889 et 1891 que 40.000 mineurs du Nord réclament la reconnaissance syndicale et la journée de 8 h. L’année 1890 marque de façon symbolique le début d’un quart de siècle d’agitation sociale ; c’est l’année où le premier mai est célébré pour la première fois en France. Après le massacre de Fourmies en 1891, les grèves qui font écho sont celles des bûcherons du Cher en 1891-1892 puis celles des mineurs de Carmaux pendant trois mois et demi en 1893, pour leurs salaires et des réintégrations, et à nouveau à Carmaux en 1895 avec la grève des verriers popularisée par Jean Jaurès. Avec les mines, c’est le bâtiment qui représente à la fois le plus grand nombre d’ouvriers et les sources de conflictualité sociale à l’époque. En particulier à Paris, en juillet 1888 les terrassiers sont en grève et c’est, dix ans plus tard, en 1898 que les terrassiers et démolisseurs affectés au métropolitain lancent une grève qui rassemble plus de 13.000 ouvriers du bâtiment pendant 34 jours. Dans la capitale, et c’est ce qui nous intéresse spécialement, les conflits liés aux transports parisiens éclatent à plusieurs reprises.
Les grèves des cochers des compagnies de fiacre sont nombreuses à l’époque : 1878, 1884, 1889, 1892, 1893 et 1900 reflétant la prolétarisation des cochers qui n’ont plus les moyens de rester travailleurs indépendants. [7] L’agitation touche également les cochers et personnels des compagnies d’omnibus. En mars 1881, à la suite de 6 renvois d’employés d’une de ces compagnies « pour la constitution d’une chambre syndicale des employés des omnibus et tramways » [8] un conflit éclate. Une série de grèves affectent les compagnies de transports entre 1881 et 1896. La CGO, la principale d’entre elles, a le monopole à Paris-ville ; elle emploie alors 6.000 employés dont seulement 3.700 sont réguliers (600 contrôleurs, 1200 conducteurs, 1200 cochers, 200 côtiers [9], 500 palefreniers) les autres sont des surnuméraires qui peuvent être débauchés à tout moment. [10] Le 19 juin 1891 est créé le Syndicat des employés et ouvriers d’omnibus à la suite de la grève des travailleurs des compagnies. Le syndicat des omnibus adhèrera au Congrès constitutif de la CGT à Limoges en septembre 1895 [11]. Cette grève, selon un témoin de l’époque favorable aux grévistes, entraîne le soutien d’une partie de la population parisienne aux côtés des travailleurs en grève : elle « les aide au besoin à dételer les rares omnibus qui se hasardaient dans les rues et c’est certainement cette pression de l’opinion publique qui a forcé la Compagnie à capituler en trois jours … Il est vrai qu’il eut été difficile de ne pas prendre le parti des grévistes. Le maximum qu’ils réclamaient en effet était non point de 8 h mais de 12h de travail par jour. On est loin d’en demander autant des chevaux qu’ils conduisent ! » [12] Le conflit se termine le 26 mai 1891 par un succès, puisque « le travail est ramené à 12 h quotidiennes alors qu’il variait auparavant entre 12h 1/2 et 18,19 heures. [13] » La CGO, est obligée de renoncer aux surnuméraires, d’embaucher 250 hommes et de verser la moitié du montant des retraites à la suite de la grève. En même temps de nouveaux journaux syndicaux paraissent : le 8 septembre 1892 est édité le premier numéro de L’écho des omnibus, organe socialiste indépendant et d’intérêt corporatif. Le Courrier des omnibus, organe officiel de la chambre syndicale, lui fait écho le 21 novembre 1892. [14] A nouveau, en mai 1895, on garde la trace d’un conflit puisque le Conseil Municipal de Paris accorde une subvention en soutenant financièrement les travailleurs révoqués par la CGO. [15] De très bonne heure les renseignements généraux de la police parisienne s’intéressent aux ouvriers des transports parisiens. C’est à partir de 1897 que l’atelier de Championnet, qui s’occupe de la réparation des omnibus, fait l’objet d’une surveillance régulière en particulier à l’approche du premier mai. [16]
Si l’année 1890 est emblématique d’un renouveau d’agitation sociale par « ceux d’en bas », elle est aussi un tournant dans la politique de « ceux d’en haut » [17] qui tiennent les rênes de l’Etat et tournent le dos aux vingt années précédentes d’indifférence au sort ouvrier. La proposition de loi relative à la création d’un Conseil supérieur du travail, le 30 janvier 1890, représente la volonté d’instaurer un dialogue et de pacifier la nation en y intégrant davantage les ouvriers. Le Musée social est fondé en 1894, la question sociale gagne les esprits et les institutions, les progrès du socialisme et du mouvement ouvrier, mettent la question de la protection ouvrière au premier plan des années 1890. Comme le note un historien de la IIIème République, « Le « remords social » marque les classes bourgeoises. A l’indifférence font place la curiosité, l’intérêt, la pitié, voire la volonté de réformes pour empêcher la révolution ». [18] Une législation timide se met en place, et c’est cette même année 1890 que le livret de travail est supprimé. La seule loi de portée générale durant la période 1890-1900 est celle du 2 novembre 1892 concernant le travail des enfants qui interdit d’employer un enfant avant 13 ou 12 ans s’il a le certificat d’études ; le travail de nuit leur est interdit, le travail de jour est limité à 10 h avant 16 ans et 11 h avant 18 ans. La loi ne concerne ni le commerce ni le travail agricole et sera sujette à de très nombreuses dérogations. [19]. Hormis la législation partielle de 1893 concernant l’hygiène et la sécurité il faut attendre avril 1898 pour qu’un texte officiel établisse en cas d’accident du travail le principe de la responsabilité patronale.
UNE LÉGISLATION SOCIALE NOUVELLE
Parallèlement au début d’une législation sociale qui ne décolle vraiment qu’après 1900, la fin du siècle voit arriver les premiers accords contractuels et statuts du personnel ouvrier. C’est en 188, avec la loi légalisant les associations professionnelles, que le principe du contrat collectif est reconnu. Après la grève d’Anzin et son échec dans cette même année 1884, les grèves des mineurs se déplacent en 1889 et 1891 dans le Pas de Calais pour aboutir à la Convention d’Arras de novembre 1891 qui portait sur le relèvement des salaires, mais surtout aboutissait à un accord contractuel entre les représentants des mineurs et leurs employeurs. Ce système de contrat était renforcé l’année suivante à la suite des grèves des mineurs de Carmaux et aboutissait, après arbitrage, à une véritable convention collective qui réglait les conditions de salaires et de travail et engageait les deux parties officiellement [20]. En 1892 également, mais à Paris, est défini le premier statut des travailleurs municipaux, une loi sur l’arbitrage est instaurée en décembre mais ne sera pas appliquée avant 1900. Enfin, c’est peu après le début du vingtième siècle que sont élaborés les statuts des gaziers et électriciens (1906) [21] et des cheminots (1909) [22]. Si les différents statuts sont le reflet des luttes engagées par les travailleurs concernés, ces derniers sont relayés par le mouvement socialiste qui, dans l’éventail politique de l’époque, est le principal médiateur dans la défense des intérêts ouvriers.
DES SOCIALISTES DIVISES
Après la Commune, pendant les dix ans que durèrent la déportation des communards, le mouvement socialiste n’avait pu se reconstituer. C’est seulement après l’amnistie de 1880 qu’il se reconstruit lentement, difficilement à travers des organisations multiples, concurrentes jusqu’à la réunion de Saint-Mandé de 1896, les différents congrès du début du siècle et la création de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) en 1905. Dans la période qui nous concerne, 1890-1900, les socialistes sont encore séparés entre possibilistes-broussistes, blanquistes-vaillantistes, anarchistes, allemanistes, guesdistes et socialistes indépendants qui se refusent à choisir entre les différentes familles comme Jaurès, Viviani ou Millerand. Les succès socialistes partiels aux élections municipales de 1892 puis à celles, législatives, de 1893 n’apportent pas plus de clarification. A Paris, les anarchistes sont bien sûr très présents particulièrement dans la période des attentats Vaillant-Ravachol (1892-93), ils sont les premières victimes des lois scélérates et par principe sont absents des élections municipales et nationales. Les guesdistes sont peu nombreux en région parisienne, implantés plutôt dans les régions industrielles du Nord, dans le textile et les mines. On retrouve surtout dans la capitale, les blanquistes, toujours partisans du coup de force révolutionnaire mais déchirés par la crise boulangiste. Ils sont regroupés autour du Comité révolutionnaire central (CRC) d’Edouard Vaillant, l’ancien militant blanquiste de la Commune et de l’Association internationale des travailleurs (AIT), élu au Conseil municipal de Paris. Les deux autres composantes principales du socialisme parisien sont les possibilistes et les indépendants qui prônent un réformisme pratique, une « substitution nécessaire et progressive de la propriété sociale à la propriété capitaliste » et se refusent à prononcer l’ostracisme contre les radicaux et les gouvernements républicains. L’ancien communard Paul Brousse est leur leader ; vice-président du Conseil municipal parisien, il est élu des Epinettes (XVIIème), sans interruption entre 1890 et 1906 [23]. Avec l’appui de Jules Joffrin, également élu broussiste au conseil municipal parisien et qui l’a précédé à la vice-présidence [24], il développe, en même temps que son opposition au marxisme, une théorie de passage progressif au socialisme par une « collectivisation inévitable, scientifiquement observable, la formation du service public [25] ». P. Brousse expose son point de vue en 1883 dans une petite brochure : « Le service public est le dernier terme du développement de chaque spécialité du labeur humain. Sa formation résulte de la nature même des choses et il se constitue sous quelque gouvernement de classe que ce soit. On peut dire : les gouvernements changent avec les classes diverses qui font la conquête du pouvoir, mais l’Etat reste et continue son développement normal en transformant peu à peu chaque catégorie du travail humain, et se l’incorporant sous la forme et sous le nom de service public, l’Etat est l’ensemble des services publics déjà constitués …. Le développement de l’Etat, quel que soit d’ailleurs le gouvernement au pouvoir, aboutit nécessairement à l’absorption progressive de toutes les entreprises privées transformées en services publics. » [26]. Cette théorie qui vise à la nationalisation progressive, ici appelée « service public » de toutes les administrations puis entreprises privées reçoit un champ d’application au Conseil municipal de Paris.
LES CONSEILLERS MUNICIPAUX SOCIALISTES A PARIS
Depuis les élections de 1884 la gauche républicaine, radicale et radicale-socialiste est largement majoritaire à Paris [27], elle le reste jusqu’après 1900. Les socialistes et les radicaux-socialistes vont se renforcer régulièrement au détriment des républicains hostiles à l’autonomie parisienne. En 1887 les socialistes ont gagné 9 sièges supplémentaires et le socialisme toutes nuances confondues devient dès 1893 la première force en suffrage de la capitale. Les socialistes rassemblent un peu plus du quart des inscrits et plus de 35% des exprimés lors des consultations de 1893 et 1896. Bien qu’ayant un chiffre inférieur de suffrages, les radicaux-socialistes sont majoritaires en nombre d’élus au Conseil municipal. [28] Benoît Malon lui aussi ancien communard et ex-fondateur de l’Internationale influence directement les socialistes du Conseil municipal de Paris, comme Eugène Fournière qui dirige avec lui La Revue Socialiste ou Adrien Véber également élu au Conseil municipal, secrétaire de Benoit Malon et secrétaire de la Revue Socialiste. Malon et ses collègues pratiquent un réformisme-radical, estimant compléter le marxisme en le prenant au point où Marx l’avait laissé, et en y adjoignant les notions de justice et de droit. B Malon s’est lui même défini en déclarant : « Soyons révolutionnaires quand les circonstances l’exigent et réformistes toujours ! ». [29] Malgré des parcours différents, des scissions, des organisations communes ou qu’ils quittent, Malon, Joffrin et Brousse sont les inspirateurs idéologiques du Conseil municipal parisien. Les conseillers municipaux qui traiteront de la concession du Métropolitain et du statut du personnel, Fournière, Adrien Véber, Berthelot (socialiste indépendant), Landrin (blanquiste), Faillet (possibiliste), Weber (socialiste), ou Chausse (allemaniste) s’inspirent des bases théoriques de ce socialisme municipal. « Dès 1881 le programme possibiliste est devenu la matrice des autres programmes municipaux socialistes. » [30] Les vaillantistes du Comité révolutionnaire central avaient déjà été affaiblis par la scission des années 1888-1890 au profit du général Boulanger. A partir de 1893, E. Vaillant abandonne son mandat municipal pour devenir député et les blanquistes, très opposés aux possibilistes, perdent leur leader. Malgré les chariots d’injures et de coups que se prodiguaient réciproquement blanquistes et possibilistes dans le quartier du Père Lachaise, l’examen des procès-verbaux du Conseil indique que les blanquistes, minoritaires, votaient le plus souvent dans le même sens que leurs collègues broussistes. Dans ces dix dernières années du siècle, l’indétermination idéologique caractérise l’ensemble des socialistes, dont les parcours heurtés passent d’une organisation à une autre. Les plus ambigus dans ce domaine sont certainement les socialistes indépendants, qui sont eux, favorables à une unification, et très proches des radicaux-socialistes [31]. A partir de 1896 c’est ce courant qui, en voix comme en sièges, prend la première place au sein du socialisme parisien ; mais le rêve de Millerand d’un grand parti d’unification avec les radicaux-socialistes ne voit pas le jour : « Les socialistes progressivement sont amenés à affirmer leur autonomie vis à vis de leurs cousins radicaux-socialistes : l’acceptation de la collectivisation progressive et pacifique des moyens de production est le prix à payer pour les indépendants pour qu’ils puissent continuer à diriger le mouvement socialiste. » [32] Les indépendants sont devenus majoritaires en ayant intégré la prépondérance des idées possibilistes en matière de gestion municipale.
UNE VOLONTÉ DE POLITIQUE SOCIALE
Le débat sur la concession du Métropolitain est l’objet d’une longue histoire, à partir de 1871 avec le Conseil Général de la Seine puis, à partir de 1880, avec la municipalité parisienne ; il aboutit seulement en mars 1898. La bataille voit s’affronter d’abord les différents projets des ingénieurs sur des questions techniques. Pour ce qui concerne le Conseil municipal, la lutte est politique et oppose directement le Conseil et l’Etat. Les élus parisiens refusent l’extension du métro à la banlieue craignant un exode d’une partie de la population bourgeoise et une paupérisation de la population parisienne, alors que l’Etat, lui, envisage une prolongation des voies de chemin de fer à Paris, dans un esprit de défense nationale. D’autre part, l’Etat souhaite un accord avec les compagnies ferroviaires privées et les élus parisiens refusent énergiquement cette solution. E. Vaillant déclare dans un meeting au Cirque d’hiver en 1887 : « Je viens vous demander de ratifier la résolution tendant à ce que le Métropolitain soit fait par la ville sans intervention des capitalistes [33]. » Finalement, la municipalité obtient gain de cause ; devant l’approche de l’exposition de 1900, le gouvernement cède et en 1895 le ministre des travaux publics Lucien Barthou accorde au métropolitain le statut d’établissement local.
C’est dans la Convention entre la ville de Paris et la société d’exploitation du métro en juillet 1897 qu’est inclus le statut du personnel qui sera validé, en partie, par la loi de mars 1898. La question de la protection du travail ouvrier est une préoccupation récurrente des socialistes parisiens [34]. Dès 1884, E. Vaillant dépose une proposition relative aux conditions de travail, qui concernait les palliatifs à apporter en temps de crise et la proposition de fixer un minimum de salaire, ainsi qu’une durée maximale de travail, sur les chantiers de la ville. Par deux fois, les propositions sont repoussées par le ministre de l’intérieur, après avoir pris l’avis du Conseil d’Etat, au nom de l’irrévocabilité des concessions mais surtout parce que les clauses adoptées sont attentatoires à la liberté du travail [35]. A plusieurs reprises, le Conseil manifeste l’intention d’imposer à ses concessionnaires des conditions protectrices des employés et ouvriers ; en mai 1885, les élus font insérer dans la convention avec la Compagnie des téléphones une clause engageant cette dernière à réduire la journée de travail à 7h pour les femmes et 8h pour les hommes [36]. Mais c’est la délibération du 2 mai 1888 qui devient la charte ouvrière du Conseil, puisqu’elle entend imposer à ses adjudicataires dans leur cahier des charges le double principe d’un maximum quotidien d’heures de travail et d’un minimum de salaire. En 1891, une déclaration des principaux responsables socialistes du Conseil s’appuie sur cette charte, pour la question du métro : « Ne pourront être acceptés comme entrepreneurs, concessionnaires ou fermiers de la construction et de l’exploitation du chemin de fer métropolitain que ceux ayant pris l’engagement formel d’assurer aux ouvriers et employés de leurs travaux, les conditions de travail votées par le Conseil municipal en 1888 concernant la suppression du marchandage, un salaire minimum suffisant, la limitation au dixième au plus des ouvriers étrangers, une journée de repos entier par semaine, la journée maxima de 9 h de travail et la reconnaissance du syndicat qui serait formé entre les ouvriers et les employés du métropolitain. ». [37] La délibération parisienne de 1888 ne peut être appliquée en raison de l’opposition du Parlement mais en 1892 le Conseil de Paris, à l’occasion de la création de lignes électriques pour le tramway, impose aux sociétés d’électricité un cahier des charges prescrivant la journée de 9h, un salaire minimum et une assurance accidents patronale [38]. Surtout, lors d’une discussion sur les salaires des employés de la préfecture de police, radicaux-socialistes et socialistes parviennent à faire adopter de justesse, 35 voix contre 34, le principe du salaire journalier à 5 francs, la journée maximum de 10h, un salaire minimum mensuel de 150 francs par mois pour 26 jours de travail, la paie à la quinzaine plus 2 jours de repos payés par mois, 10 jours de congés annuels et des jours de maladie en cas d’accident [39]. Ces avantages, tout à fait exceptionnels pour l’époque, font rechercher ces emplois : en 1898, il y aurait 41 000 demandes d’emploi, il faut 5 ans de résidence parisienne pour y avoir accès [40]. C’est sur cet acquis qu’à partir de cette date les conseillers socialistes essaient d’étendre ces avantages à tous les concessionnaires présents ou futurs de la ville. Paul Brousse, en 1894, négocie avec la Compagnie générale des omnibus en demandant qu’aucune ligne nouvelle ne puisse être créée sans amélioration au profit du personnel [41] et à propos du métropolitain, il déclare : « Aucun projet de métropolitain ne sera accepté qui ne réglerait pas dans les clauses particulières les conditions de travail pour les agents, employés et ouvriers y occupés » [42]. C’est le conseiller blanquiste , Landrin ,[43] qui généralise cette proposition en faisant valoir : « qu’il faudrait stipuler en faveur des ouvriers des concessions de services publics les mêmes conditions de travail que celles appliquées aux travailleurs municipaux à la date de la concession » [44] et la Commission du travail appuie la demande de Landrin : « Notre Commission du travail, estimant qu’il est du devoir de la Ville de Paris de protéger le travail, et en l’espèce d’être la tutrice des travailleurs employés dans les services publics que notre triste régime économique et politique peut nous amener à concéder, appuie la proposition de M. Landrin tendant à assurer aux ouvriers des services publics concédés les mêmes conditions de travail qu’aux travailleurs municipaux » [45]. La bataille est alors menée de manière systématique pour tous les chantiers projetés par la ville : Bourse du commerce, suppression des passages à niveaux, travaux des Expositions, etc…
LE STATUT DU PERSONNEL DU MÉTRO
Pour le métropolitain, c’est Adrien Véber [46] qui est chargé, comme membre de la Commission du travail au Conseil municipal, du projet de statut du personnel du métro. Il reprend, en 1897, les propositions Landrin, pratiquement dans les mêmes termes, demande une paie à la quinzaine qui ne peut être inférieure à 150 francs par mois, la durée de la journée de travail limitée à 10h [47], un jour de repos par semaine, un congé annuel de 10 jours, le salaire intégral pendant les périodes d’instruction militaire, les jours de maladie payés dans leur intégralité pendant un an, et en cas d’accident le salaire intégral payé jusqu’à la guérison définitive. [48] Le projet est enrichi et précisé la même année, puisque « les hommes employés temporairement ne pourront toucher un salaire inférieur à 5 francs par jour [49], une indemnité est prévue en cas d’infirmité définitive totale ou partielle en cas d’accident, un médecin sera désigné par une caisse spéciale et appelé à constater chaque accident, l’administration aura le droit d’imposer des mesures de sécurité et d’hygiène qu’elle juge nécessaire, et des livrets de retraite sont institués à raison de 2% retenus sur le salaire et 6% versés par le concessionnaire, enfin, est constitué un service médical et pharmaceutique gratuit. » [50]
Le rapport est présenté à la Commission du métropolitain, sans grande modification, le 25 mai 1897 [51] puis soumis à la Compagnie concessionnaire, qui ne fait aucune difficulté dans ce domaine. Le rapporteur, A. Berthelot, [52] de la Commission du métropolitain déclare : « Nous avons trouvé chez le concessionnaire une grande bonne volonté et il a sincèrement coopéré avec nous à cette oeuvre de progrès social. Il a accepté toutes les clauses inscrites dans le rapport de Mr. Véber » [53]. La concession du chemin de fer métropolitain est une affaire juteuse pour le groupe Empain qui contrôle la compagnie concessionnaire, et celle ci est parfaitement prête à des concessions sociales pour obtenir le marché. A partir de cette date, le statut est sur les bons rails ; il est signé le 27 janvier 1898 une Convention entre la ville de Paris et la Société d’exploitation, [54]qui reprend dans son article 16 l’intégralité des avantages au personnel, auquel est ajouté un commissionnement (titularisation) après 24 mois de services dans la société. Il est prévu dans la Convention son passage au Parlement pour la transformer en loi d’utilité publique. C’est le député radical Argeliès [55] qui en est le rapporteur. Avant d’être votée, la loi passe en commission et le ministre des travaux publics Turrel [56] s’oppose, après avis du Conseil d’Etat [57], aux notions de minimum de salaire et maximum de travail fixés dans la convention. Il les estime contraires à la liberté : « l’une est en désaccord avec la jurisprudence qui a toujours admis dans les actes de concession le principe de la liberté des conventions entre patrons et ouvriers, l’autre pourrait, le cas échéant, trouver sa place dans des règlements généraux relatifs à la sécurité ; elle ne saurait être introduite dans des stipulations contractuelles. » [58] Le rapporteur radical Argeliès s’oppose au ministre, mais « sachant que dans la pratique les intérêts que le conseil municipal voulait sauvegarder seront respectés » [59], il accepte la modification et la loi paraît en ayant supprimé les notions de salaire minimum et limitation des heures travaillées. En réalité, la modification législative n’a pas de conséquence pratique ; le Conseil municipal passe outre, comme l’exprime André Berthelot : « Quoi qu’il en soit, la question n’a, en ce qui concerne le Métropolitain, qu’un intérêt théorique. Dès l’origine des négociations, les concessionnaires ont déclaré qu’ils prenaient l’engagement moral aussi bien que légal d’appliquer à tout le personnel les clauses et conditions de travail libellées au rapport Véber, quelle que pût être l’attitude des pouvoirs publics en ce qui regarde cette partie de la convention. Ils viennent de renouveler catégoriquement cette promesse. Nous pouvons donc avoir la certitude que les ouvriers et employés du Métropolitain bénéficieront des garanties que nous avons tenu à leur assurer. C’est cette conviction qui a déterminé nos amis du groupe socialiste de la Chambre des députés et le rapporteur lui même, M. Argeliès, à ne pas insister pour le rétablissement des deux paragraphes supprimés. » [60]
Les travailleurs du métro bénéficient donc, dès 1900, de conditions très en avance pour l’époque par rapport au secteur privé et très éloignées de celles d’un employeur qui menait une politique antisociale, comme la CGO par exemple. Elles se rapprochent, comme l’ont souhaité les socialistes parisiens, du statut des travailleurs municipaux et sont supérieures aux conditions de travail des agents des Chemins de fer d’intérêt général. Les syndicalistes de l’époque, par rapport à la Convention, revendiquent en plus : la suppression complète du travail à la tâche et du marchandage, la suppression complète également des primes et gratifications et leur intégration dans le salaire, la journée de 8 h en moyenne et de 48 h hebdomadaires, 36 h de repos consécutives par semaine, 15 jours de congés annuels et des aménagements aux conditions de la caisse de retraite. [61] Ces conditions, qu’ont imposées les élus socialistes par l’article 16 de la Convention, ne sont accessibles qu’aux travailleurs français, l’article 3 de la même convention, stipule que « le concessionnaire s’engage à n’employer que du personnel français et du matériel fixe ou roulant de provenance française, sauf exceptions spécialement autorisées par la ville de Paris. » [62] La protection du travail national est, depuis octobre 1888, une préoccupation parlementaire, précisée par la loi d’août 1893 présentée par Turrel : elle vise à contrôler davantage les effectifs étrangers et renforcer le contrôle policier mais ne fixe de quotas dans aucune profession. Dans une période de fièvre hexagonale, de volonté de revanche après le traumatisme de la défaite de 1870, les années 1890-1900 correspondent à un approfondissement de la conquête impérialiste (Tchad, Niger, Soudan, Madagascar, Tonkin, etc.) et à une vague de chauvinisme aigu. En même temps, la crise économique entraîne la concurrence avec la main d’œuvre étrangère, allant jusqu’au lynchage d’ouvriers italiens comme à Aigues-Mortes en 1893 ; c’est l’année suivante, avec l’arrestation du capitaine Dreyfus, que s’ouvre une vague d’antisémitisme qui occupe pendant un temps l’espace politique en France. Les socialistes parisiens sont hommes de leur temps et ne se singularisent pas par une vision plus internationaliste que la majorité de leurs contemporains. Ils se battent au contraire pour une préférence nationale à l’embauche. Dès 1891, les dirigeants du socialisme parisien avaient demandé la limitation au dixième au plus des ouvriers étrangers au métro [63], le rapporteur du projet de statut du personnel A. Véber est, avec son collègue Fournière, qui s’occupe aussi de la commission du métropolitain, un des secrétaires de la Revue Socialiste de B. Malon qui est un des vecteurs de chauvinisme et d’antisémitisme populaire [64]. Le rapporteur du projet du métro à l’Assemblée nationale, Argeliès, a été élu député en 1889, sur un programme boulangiste, il récidive en 1893 sur une liste radicale-révisionniste. A. Berthelot, qui est le maître d’oeuvre au Conseil municipal du projet, surenchérit en terme de concurrence en cherchant à étendre la préférence nationale à une exclusivité parisienne, puisqu’en demandant la construction du métro par la Ville il conclut : « Nous aurons également la certitude que les travaux seront exécutés par les ouvriers parisiens et nous pourrons éviter l’ouverture de ces immenses chantiers peuplés d’ouvriers appelés de province que redoutent plusieurs de nos collègues du parti ouvrier [65]. » C’est probablement E. Vaillant qui avait été, auparavant, le moins éloigné d’une solidarité internationaliste puisqu’il ne préconisait la limitation du nombre des ouvriers étrangers qu’au cas où les autres clauses votées par le Conseil ne seraient pas appliquées : si les prix de série sont appliqués pour tous, les ouvriers français n’auront plus à craindre la concurrence des ouvriers étrangers. Dans le même ordre d’idées, il demande l’achat des meilleures machines possibles pour l’usine municipale d’électricité, refusant la proposition broussiste de la Fédération des travailleurs socialistes, qui visait à n’acheter que du matériel français [66]. Finalement, pour le métro, c’est la position Brousse-Véber-Berthelot-Argeliès qui prévaut : le concessionnaire devra acheter du matériel français et le statut du personnel reconduit lors de son extension à la Société des transports en commun de la région parisienne (STCRP), puis après la Libération modifié et enrichi en 1950, reprendra la limitation de son personnel à la nationalité française jusqu’en … décembre 1991 où une circulaire impose à la RATP une ouverture limitée, celle de s’aligner sur les règlements européens et d’ouvrir son personnel aux seuls membres de la CEE.
UN STATUT CONSTAMMENT DÉFENDU
Entre 1898 et le début de la Première guerre mondiale, les traces sont ténues des revendications ouvrières dans les transports parisiens ; mais dès 1919, les travailleurs rejoignent la grève massivement [67], il faut l’intervention du Préfet de la Seine, du Conseil municipal de Paris et de Clémenceau pour terminer le conflit. A la suite des grèves d’après guerre, au réseau ferré, la CMP accorde les huit heures de travail, trois semaines de congés payés, la retraite à 50 ans pour les personnels souterrains et 55 pour les autres, le salaire des ouvriers est aligné sur ceux de la métallurgie. [68] En 1921, le département de la Seine confie les transports routiers à une compagnie unique, la STCRP, qui unifie le statut des personnels en s’inspirant de celui du métropolitain (48 h hebdomadaires, retraite à 55 ans pour les ouvriers, 21 jours de congés annuels) [69]. En 1925, la CGTU décide de lier la grève politique contre la guerre impérialiste au Maroc et en Syrie à des revendications économiques, dont l’amélioration du statut et son assimilation à celui des travailleurs municipaux devenu plus favorable [70]. La grève est un échec à la STCRP comme celles qui vont suivre dans l’entre deux guerres (en particulier 1927, 1928) rassemblant insuffisamment les personnels. En 1936 les travailleurs des transports parisiens ne sont pas en grève mais négocient cependant l’amélioration du statut et obtiennent dans le cadre général, pour un court moment le temps de travail réduit à 40 h [71].
La première grève de l’après guerre, massive dans les transports, en octobre 1947, revendique de meilleurs salaires mais également le rétablissement du régime maladie, accordé pour la première fois en 1898, et supprimé par les décrets-lois Daladier-Raynaud en 1939. Après la création de la RATP, le 21 mars 1948, des discussions sont engagées avec les représentants syndicaux pour aboutir au statut du personnel RATP d’avril 1950. Celui-ci s’appuie largement sur ce qui avait été obtenu avant-guerre, notamment en ce qui concerne le régime de retraite et de maladie [72]. A nouveau, en août 1953, les décrets-lois du gouvernement Laniel mettent en cause les acquis des fonctionnaires, notamment par un recul de l’âge de la retraite. La grève est massive à la RATP ; au-delà, elle entraîne jusqu’à quatre millions de grévistes, essentiellement des services publics ; le gouvernement doit revenir sur ces mesures qui touchaient au statut. Enfin, de manière plus contemporaine, le mouvement très massif de novembre-décembre 1995 a entraîné les personnels dans un conflit de 20 jours à la RATP pour la défense des acquis et statuts du service public contre le plan Juppé, des calicots syndicaux siglés RATP portaient : « Non au plan « dupés », non à l’insécurité sociale, non au statut au pied d’argile » et la banderole RATP de début de cortège à côté de l’ensemble des emblèmes syndicaux portait comme revendication : « Pour la défense de notre régime de protection sociale et de retraite » [73]. A nouveau le gouvernement de l’époque devait reculer devant la mobilisation des travailleurs et travailleuses à statut. L’automne 2007 fut un autre moment de très fortes mobilisations à la RATP, à propos du régime de retraite. L’actualité sociale 2019-2020 a remis à l’ordre du jour la défense du statut sur la question des retraites des salarié.es des transports parisiens, gagnées dès 1919. Ce « régime spécial » est défendu, dans l’unité syndicale le plus souvent, sur plusieurs mois de mobilisation depuis la grève massive du 13 septembre 2019, jusqu’en ce mois de février 2020. A l’heure où sont écrites ces lignes, la conclusion n’est pas connue, elle dépendra du projet de loi du gouvernement qui risque de ne pas être établi avant fin avril 2020 (dans le meilleur des cas). Les personnels demandent l’abandon total du projet de retraite à point. Dès à présent, leur mouvement massif, lié à celui des travailleurs et travailleuses SNCF, a permis des dispositions spécifiques ; seuls les agents « sédentaires », comme les guichetiers par exemple, nés après 1980 seront touchés et pour les roulants (conducteurs) ce sera 1985. Ce qui exclue déjà une majorité d’entre eux. À la RATP, 19 conducteurs de RER sur un effectif de 850 seront affiliés au nouveau régime universel par points (seuls les agents titulaires sont concernés, les contractuels -10% des effectifs- ne seront pas concernés). Il ne sera plus possible de partir à la retraite à partir de 52 ans pour les conducteurs ou à partir de 57 ans pour les agents sédentaires. La transition sera très progressive. Un jeune conducteur RATP embauché en 2016 pourra prendre sa retraite à partir de 56 ans. Pour son collègue embauché en 2018, ce sera à partir de 58 ans. Des primes seront augmentées pour élever le montant des retraites au moment de la bascule du nouveau régime de 2025. Mais à ce jour, rien n’est acté contre ce nouveau régime de retraites, visant à revenir une nouvelle fois sur le statut des personnels des transports parisiens. Hormis 1951, qui portait spécifiquement sur les salaires et 1968 qui a un caractère plus général, les très grandes grèves des travailleurs et travailleuses des transports parisiens (1919, 1947, 1953, 1995, 2007 et 2019) qui ont rassemblé des dizaines de milliers d’agents, se sont appuyées sur le statut de 1898 pour le défendre ou l’améliorer. Dans une époque de dérégulation généralisée des statuts et conventions collectives, la Convention acquise il y a un siècle, défendue et améliorée depuis, reste un pôle de défense des travailleurs et travailleuses du service public.
[1] Les archives de la CMP ont disparu. Le document ici produit est le résultat d’un travail effectué à la fois aux archives de la RATP et à celles de la Préfecture de police de Paris, ainsi que du dépouillement des procès-verbaux du Conseil municipal de Paris conservés à la Bibliothèque administrative de la Ville de Paris. Voir aussi RATP Ticket chic et luttes de choc de Daniel Parisot (Messidor, 1989), témoignage d’un des dirigeants de la CGT-agents de maîtrise.
[2] Les archives, essentiellement conservées par la CGT RATP à Fontenay-lès-Briis, en région Parisienne, dans le cadre du Comité d’entreprise RATP, sont une source essentielle pour les chercheurs en Histoire syndicale.
[3] Pour les plus anciennes, voir les thèses de droit ou de science politique (qui parfois se recopient ou se répètent) : Des conditions d’exploitation du chemin de fer de Paris, Edition nouvelle de droit, Pierre Reverard, 1905 ; Les transports en commun à Paris, André Mosse, Librairie des Sciences économiques et sociales, 1907 ; Condition du personnel du chemin de fer métropolitain de Paris, Marcel Besançon, Editions Rousseau, 1909 ; Le personnel de la compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris, Pierre Deval,Librairie sociale et économique, 1939. Pour les plus récentes : Notre Métro, Jean Robert, 1983 ; Le métro de Paris, histoire d’hier à demain, Editions Ouest-France, Bindi-Lefeuvre, 1990 ; L’histoire de la RATP, Margairaz, Editions Albin Michel, 1989. Enfin, l’ouvrage publié par la RATP et les Musées de la ville de Paris, Metro-Cité (1997), traite de ce statut, notamment avec une étude de M. Margairaz : « Le réseau métropolitain et les pouvoirs publics : du compromis républicain à l’entreprise technocratique ».
[4] Paris et les élections municipales sous la IIIème République, Yves Combeau, Editions L’Harmattan, 1998.
[5] Je reprends une partie des éléments statistiques dans la thèse de droit et de sciences-économiques d’Edgard Andréani « Les grèves et les fluctuations de l’activité économique de 1890 à 1914 en France », sous la direction de M.J. Lhomme, Université Paris 1, 1965. Il n’existe pas d’études plus récentes. Voir également, J. Rougerie « Remarques sur l’histoire des salaires à Paris au XIXème siècle », dans Le Mouvement Social, n° 63 avril juin 1968.
[6] La courbe est constamment croissante entre 1895 et 1900, on passe de 262 à 1.000 grèves enregistrées et de 800.000 à 5.000.000 de journées perdues dans la période. Idem, Andréani, pp. 174-175.
[7] « La prolétarisation des cochers de fiacre à Paris », N. Papayanis, dans Le Mouvement Social, n° 132, 1985.
[8] Archives de la Préfecture de Police de Paris (PP) ; cote B/A 586
[9] Les côtiers sont les hommes de peine qui sont situés au bas des principales côtes de la capitale et qui aident au travail des chevaux en poussant l’omnibus pendant la montée.
[10] Archives PP, coupures de presse, journal Citoyen ; cote B/A 1612.
[11] Archives PP ; cote B/A 165.
[12] Chronique économique, Ch. Gide, 1891, pp. 518-519, cité dans Andréani Les grèves … op. cit. p. 138.
[13] Journal Le Matin du 24.6.1891 (archives PP, coupures de presse ; cote B/A 1612). En fait, la durée du travail est de 14 h pour une équipe qui commence à 7 h et termine à 21 h et de 15 h pour ceux qui effectuent 9 h – minuit. Les surnuméraires font, eux, une présence debout à l’entreprise entre 6 h ½ du matin et 1 heure de la nuit, pratiquant les deux équipes et à disposition pour tout remplacement (rapport sur les conditions de travail d’A. Moreau, secrétaire général du syndicat des employés de la Cie des omnibus, au Conseil municipal de Paris. (Rapport A. Véber au Conseil municipal de Paris le 8.4.1897). Les chevaux sont effectivement davantage ménagés puisqu’ils travaillent dans la même plage horaire en cinq équipes de deux par voiture.
[14] Archives PP ; cote B/A 1612.
[15] Intervention de Navarre. Procès-verbal du Conseil municipal de Paris (PVCM) du 18 novembre1895.
[16] Archives PP : cote B/A/ 1612.
[17] Pour reprendre l’expression de K. Marx.
[18] Les débuts de la IIIème République, J.M. Mayeur, Editions duSeuil, 1973, p. 193.
[19] Enfants et jeunes ouvriers en France, P. Pierrard, Editions Ouvrières, 1987.
[20] Cent ans de conventions collectives Arras 1891-1991, Olivier Kourchid et Rolande Trempé, colloque de la Revue du Nord, Université Lille 3, 1994.
« Mouvements syndicaux et politique sociale » [21], Michel Dreyfus, dans Morsel-Levy-Leboyer Histoire de l’électricité en France, t. 2.
[22] « Genèse et consolidation des statuts corporatifs », Georges Ribeill, dans Transports 93, professions en devenir, Presses de l’école nationale des ponts et chaussées.
[23] Sous la triple enseigne de son organisation, la Fédération des travailleurs socialistes, du Comité radical-socialiste et du Syndicat des intérêts généraux du quartier.
[24] Jules Joffrin, ancien membre de la Garde nationale sous la Commune, a été de 1882 à 1884 le premier élu socialiste de la capitale. Il s’oppose à une politique révolutionnaire et polémique durement avec les guesdistes : « Abandonner le tout à la fois pratiqué jusqu’ici et et qui généralement aboutit au rien du tout, fractionner le but idéal en plusieurs étapes sérieuses, immédiatiser en quelque sorte quelques unes de nos revendications pour les rendre enfin possible. » (Journal Le Prolétaire, 5 avril 1882).
[25] La propriété collective et les services publics, Paul Brousse, Paris, brochure 1883, réédition 1910, 42 p., p. 37.
[26] Ibidem, pp. 27-28.
[27] Après les élections de 1884 : Conservateurs 10 sièges, Républicains municipaux hostiles à l’autonomie parisienne 28, Républicains radicaux et radicaux-socialistes favorables à l’autonomie 40, socialistes 2. Paris, Y. Combeau, op. cit., p. 149.
[28] 1890 : Conservateurs 12 élus, 5,3% – Républicains municipaux 21 élus, 8,9% – Radicaux 35 élus, 20,1% – Socialistes 10 élus, 9,9% – Boulangistes 2 élus, 24,4%. 1893 : Conservateurs 12 élus, 7% – Républicains municipaux 17 élus, 9,9% – Radicaux 33 élus, 19,9% – Socialistes 17 élus, 26,1%. 1896 : Conservateurs 12 élus, 7,8% – Républicains municipaux 16 élus, 9,3% – Radicaux 30 élus, 24,1% – Socialistes 21 élus, 26,2%. Ibidem p. 209.
[29] Cité dans la notice B. Malon du Dictionnaire Biographique du Mouvement Ouvrier Français, DBMOF.
[30] Les socialistes et Paris 1881-1900, Michel Offerle, thèse d’Etat en science politique, Paris 1, CHRMSS, 1979, p. 467
[31] Millerand écrivait dans la Petite République du 7 décembre 1892 : « Le régime parlementaire fonctionnerait avec beaucoup plus de souplesse et de facilité s’il se trouvait en présence de deux grands partis attachés avec un égal loyalisme à la forme républicaine : le parti conservateur et le parti progressiste … Il faut grouper d’un côté tous les citoyens qui veulent réaliser pacifiquement les réformes profondes du point de vue social comme au point de vue politique ; de l’autre tous ceux qui sont profondément attachés à la conservation de notre état économique actuel avec tous ses vices et ses abus ». Cité dans Offerlé, op cit. p. 263.
[32] Idem, p. 262.
[33] Cité dans Un village éclaté : le dépôt Floréal, N. Gerôme- A. Guiche, RATP, Réseau 2000, p. 28.
[34] Le Conseil fera d’ailleurs graver en 1893 une médaille représentant la Ville de Paris protégeant le travail.
[35] PV du Conseil municipal : 22 octobre 1884, 30 janvier 1885, 27 avril 1887.
[36] Rapports et documents du Conseil municipal de Paris, Rapport d’A. Véber n° 24, 8 avril 1897.
[37] Rapports et documents … n° 68, 1891, p.4. Le rapport est signé : E. Vaillant, Chauvière, Pierre Baudin, Paul Brousse, Blondel et Charles Longuet (qui avait été élu à l’occasion d’élection partielle en 1886 comme candidat radical-socialiste, et qui reste élu jusqu’en 1893, DBMOF),
[38] Rapport Véber, idem.
[39] PV du Conseil municipal : 18 mai 1892, 22 juillet 1892, 16 décembre 1892, 13 juillet 1895 et M. Offerlé, op. cit. p. 505.
[40] M. Offerlé, Idem.
[41] Rapport Véber, idem, p. 3.
[42] PV du Conseil municipal : 15 octobre 1894.
[43] Landrin Emile (1841-1914) ouvrier ciseleur sur bronze, membre de l’Internationale, militant blanquiste puis socialiste SFIO, conseiller municipal de Paris (en remplacement d’E. Vaillant) de 1894 à 1914, membre de la Commission du travail, secrétaire du Conseil en 1895, vice-président en 1896 (DBMOF).
[44] Rapport Véber, idem, p. 3.
[45] Idem.
[46] Adrien Véber (1861-1932) instituteur, secrétaire de Benoît Malon et de la Revue Socialiste, conseiller municipal de Paris de 1896 à 1903 après en avoir été le vice-président, député de la Seine de 1902 à 1919 comme « républicain-socialiste », membre du parti socialiste unifié puis de la SFIO. Partisan acharné du vote des crédits de guerre avant et après la première guerre mondiale, il est exclu pour indiscipline de la fédération de la Seine en février 1920. (Dictionnaire des parlementaires français, Jean Jolly, PUF, 1960).
[47] En 1897, à Paris, un peu moins d’un tiers des ouvriers parisiens travaille plus de 10 h et environ la moitié des ouvriers banlieusards (Les ouvriers de Paris au XIXème siècle, Fabrice Laroulandie, Editions Christian, 1997, p. 89.
[48] Rapport Véber, idem, pp. 7 et 8. Sur les conditions de travail à la CGO, voir aussi en annexe de ce rapport les revendications d’A. Moreau, secrétaire général du syndicat des employés de la Compagnie des omnibus.
[49] L’Office du travail évalue, cette même année 1897, le salaire moyen des ouvrières à Paris, à 3,15 francs soit 51% du salaire moyen des ouvriers, établi à 6,20 francs (Les ouvriers de Paris au XIXème siècle, Fabrice Laroulandie, Editions Christian, 1997, p. 89). La même année un mécanicien aux Chemins de fer touche 10 francs, un chauffeur 6,50 francs et un homme de la voie 4,30 francs (M. Besançon, op. cit., p. 216)
[50] Rapports et documents … 1897, n° 75, articles 18 et 19, pp. 73-74.
[51] Commission du métropolitain, PV 1895-1907, séance du 25 mai 1897.
[52] André Berthelot (1862-1938), fils du chimiste, maître de conférences, directeur adjoint de l’Ecole des hautes études, enseignant des religions grecques et romaines, conseiller municipal de 1894 à 1898 dont il a été secrétaire du Conseil ; il est élu sous l’étiquette « républicain socialiste » (il est classé par d’autres auteurs – Offerlé – comme « socialiste indépendant »), il devient député de la Seine de 1898 à 1902 puis sénateur de la Seine de 1920 à 1927. A la Chambre, il n’est inscrit à aucun groupe et vote généralement avec les radicaux-socialistes. Rapporteur de la Commission du métro il est par la suite le collaborateur du financier Edouard Empain puis administrateur du métropolitain (1902-1919). Dictionnaire national des contemporains, Imbert, 1936 et Dictionnaire des parlementaires français, J. Jolly, PUF, 1960, et DBMOF.
[53] PV du Conseil municipal : 2 juillet 1897.
[54] Archives RATP, cote 1 E 1.
[55] Jean Baptiste Argeliès (1862-1914), député de Seine et Oise de 1889 à 1910, docteur en droit, élu boulangiste à Corbeil en 1889, puis réélu en 1893 comme radical-révisionniste, rapporteur de plusieurs projets de loi sur les chemins de fer. Inscrit à l’Union républicaine après l’échec du boulangisme. Dict. des parlementaires, J. Jolly.
[56] Adolphe Turrel, né en 1856, député de l’Aude de 1885 à 1898, a été le défenseur de la viticulture languedocienne par le relèvement des tarifs douaniers pendant la crise du phylloxéra, il est aussi le rapporteur de la loi du 8 août 1893 concernant le régime des étrangers en France et la protection du travail national. En 1898, il est ministre des travaux publics depuis avril 1896 dans le cabinet Méline, jusqu’en juin 1898., J. Jolly, Dict. des parlementaires.
Félix Méline (1838-1925) est député des Vosges puis sénateur, Président du Conseil d’avril 1896 à juin 1898 sous la législature de Félix Faure. Appartenant à la majorité de droite, opposé aux radicaux et socialistes, s’il est largement connu pour être l’auteur du Tarif Méline protectionniste des intérêts agricoles, il est aussi anti-dreyfusard, fait exercer des poursuites contre Zola, s’oppose à la révision du procès. Sur le plan anti-social, son journal La République française appuie la constitution du premier syndicat jaune en 1899 et joue un rôle d’intermédiaire avec l’Elysée pour faire reconnaître ce type de syndicalisme. Dict. parlementaire J. Jolly etMollier-George La plus longue des républiques, Fayard, 1994, p. 297.
[57] Sur le débat technique et juridique qui eut lieu d’abord au Conseil des Ponts et chaussées, puis au Conseil d’Etat, voir M. Besançon, op. cit. pp.101-118.
[58] Documents parlementaires, chambre des députés, séance du 12 février 1898, annexe n° 3026. Intervention du ministre des travaux publics A. Turrel.
[59] Documents parlementaires, chambre des députés, séance du 1er mars 1898, annexe n° 3083, rapport du député Argeliès.
[60] Rapports et documents … rapport Berthelot n° 24 du 30 mars 1898
[61] Revendications, en 1897, du secrétaire Guérard représentant du Syndicat national des travailleurs des chemins de fer de France et des colonies, M. Besançon, op. cit., pp. 214-217
[62] Bulletin des lois de la République française, n° 1988, JO du 1er avril 1898.
[63] Voir note précédente, n° 35.
[64] Avec d’autres comme Proudhon et la majorité du socialisme français avant 1898. Cf. La droite révolutionnaire 1885-1914, Z. Sternhell, EditionsGallimard, 1978 et 1997, pp. 248-249. Voir aussi La fièvre hexagonale, M. Winock, Editions Calmann-Lévy, 1986, pp. 89-182.
[65] PV Conseil municipal, rapport Berthelot du 17 avril 1896.
[66] PV Conseil municipal du 31 décembre1888 et M. Offerlé, op. cit., p. 511.
[67] 19 792 grévistes sur un effectif de 21778, du 3 au 16 janvier 1919 à la Compagnie Générale des omnibus (qui précède la STCRP). Arch. nat. F 22 174 et Arch. RATP cote 1 R 282 1.
[68] Arch. RATP cote 1 R 285 1.
[69] Histoire d’un dépôt d’autobus en banlieue, le dépôt Floréal aux Lilas, N. Gérôme, Réseau 2000 RATP, 1988.
[70] Tract CGTU-TCRP, Arch. RATP 1 R 285 1 et 1 R 285 2.
[71] Arch. RATP cote 1 R 231 1.
[72] « Statut de la RATP, statut du personnel », René Lefort, dans D. Parisot, RATP Ticket chic …op. cit. pp. 177-187
[73] Jours de luttes, film de J.C. Rivière, CRE-RATP et Vidéo Planning, 1995.
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